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Projet de loi 3DS : le Sénat adopte les dispositions logement et pérennise la loi SRU

Après son examen au Sénat, le titre III du projet de loi 3DS, consacré à l'urbanisme et au logement, compte 45 articles. Une part importante est consacrée au dispositif SRU : prolongation au-delà de 2025, clarification des cas d'exemption, modification du mode de décompte des logements sociaux, fonction du contrat de mixité sociale… Il est aussi question des dispositifs de mixité sociale dans le logement social, de gestion des flux, d'encadrement des loyers, de délégations de compétence, d'autorité organisatrice de l'habitat, d'ORT, PPA et GOU… presque une loi dans la loi.

Le Sénat a adopté le 13 juillet les dispositions relatives à l'urbanisme au logement du projet de loi 3DS (projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale - jusqu'ici dénommé 4D). Celles-ci figurent dans le titre III du texte, aux articles 15 à 30 quater, qui recouvrent en réalité un total de 45 articles, compte tenu des ajouts en commission et en séance. Globalement, le Sénat n'a pas vidé de son sens et de ses dispositions principales le texte déposé par le gouvernement. Mais il a apporté de nombreux ajouts et précisions, dont un certain nombre pourraient bien survivre à la navette parlementaire.

Le Sénat assouplit le décompte des logements sociaux

Les sénateurs ont adopté facilement l'article 15, qui clarifie les cas d'exemption, pour les communes, des obligations de l'article 55 de la loi SRU. Pour cela, l'article remplace notamment le critère de desserte insuffisante des bassins d'activités et d'emplois par les transports en commun par un critère d'isolement ou d'accès difficile aux bassins de vie et d'emplois, nuisant à l'attractivité de certaines communes. Rien ne dit toutefois que ce critère d'isolement sera plus facile à interpréter que celui sur les transports. De même, l'article élargit à tous les territoires l'application du critère de faible tension sur la demande de logement social. En séance, les sénateurs ont adopté un amendement prévoyant le renvoi à un décret en Conseil d'État pour éclairer la notion – elle aussi assez floue – de "territoire urbanisé". Ils ont également voté, contre l'avis du gouvernement, un amendement déduisant du décompte des résidences principales, dans le cadre de la loi SRU, les logements des militaires situés dans les casernes ou les camps militaires (ce qui fait mécaniquement monter la part des logements sociaux, surtout dans les villes de garnison).

Toujours contre l'avis du gouvernement, le Sénat a adopté un nouvel article (15 bis) pondérant le décompte des logements sociaux construits après publication de la loi en fonction de leur taille. Les logements comptant quatre pièces ou plus feraient ainsi l'objet d'une majoration de 50% dans le décompte, tandis que ceux de moins de deux pièces seraient minorés de 25%.

L'article 16 a été adopté en l'état. Il donne au préfet la possibilité de prendre des mesures correctives en cas de non-utilisation ou d'utilisation non conforme à la loi par les bénéficiaires des fonds issus du prélèvement sur les communes carencées. Le texte avait toutefois été nettement modifié en commission, avec l'ajout de nouvelles dépenses déductibles du prélèvement SRU : "réalisation d'infrastructures nouvelles et pour assurer l'accompagnement social et mener des politiques de mixité sociale en raison de la construction de logements sociaux et de l'augmentation de la population de la commune qui en résulte", indemnités d'éviction conclues à l'amiable pour obtenir la libération de biens immobiliers ou encore dépenses communes engagées pour le logement social et transitant par les EPT (établissements publics territoriaux) de la métropole du Grand Paris.

Le dispositif SRU pérennisé au-delà de l'échéance de 2025

L'article 17 est sans doute l'article clé du titre sur le logement, puisqu'il pérennise l'application du dispositif SRU au-delà de son échéance de 2025. Il instaure également un rythme de rattrapage de référence – applicable à toutes les communes – de 33% du nombre de logements sociaux locatifs manquants, ce taux étant automatiquement augmenté dès lors que le taux de logement social de la commune se rapproche de l'objectif, afin d'éviter une décélération de la production. Une adaptation temporaire du rythme de rattrapage est toutefois possible pour tenir compte des difficultés objectives rencontrées par certaines communes, au travers de la signature d'un contrat de mixité sociale entre la commune, l'EPCI et l'État. En séance publique, et contre l'avis du gouvernement, les sénateurs ont adopté un amendement qui réduit le rythme de rattrapage pour les communes nouvellement soumises aux obligations de la loi SRU.

Dans le prolongement du précédent, l'article 18 institue et explicite les modalités d'élaboration et le contenu du contrat de mixité sociale. Un amendement en séance publique prévoit que la commune qui affirme être dans l'incapacité d'atteindre ses objectifs peut étayer son affirmation "en produisant des éléments objectifs et chiffrés, notamment au regard du foncier disponible, de la population et du nombre de logements existants, privés et sociaux". Le gouvernement s'en étant remis à la sagesse du Sénat, cette précision devrait figurer dans version finale du texte. Dans le même esprit, l'article 19 – non modifié en séance – précise que la mise en œuvre des engagements du contrat de mixité sociale constitue un des éléments à prendre en compte dans la procédure de carence. Il renforce également les sanctions financières applicables aux communes carencées par l'instauration de taux "planchers" de majorations.

Plus d'autorisation de logements PLAI dans les communes "surdotées"

L'article 20 supprime la procédure nationale d'aménagement des obligations triennales et, par voie de conséquence, les commissions départementales ad hoc. Il s'agit en l'occurrence de la conséquence de la création du contrat de mixité sociale. L'article 20 bis, ajouté en commission, positionne auprès du préfet de région – à la tête du comité régional de l'habitat et de l'hébergement "chargé de procéder aux concertations permettant de mieux répondre aux besoins en matière d'habitat et d'hébergement et de favoriser la cohérence des politiques locales" – l'élu local désigné au sein du collège des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements. L'article 20 ter (idem) ajoute que ce comité "propose, à l'échelle régionale ou intrarégionale, des expérimentations ou adaptations de règles nationales et participe à leur évaluation".

L'article 20 quater, adopté en commission et amendé en séance publique (avec l'avis favorable du gouvernement) encadre le déconventionnement de logements sociaux par un bailleur dans les communes déficitaires en logements sociaux. L'amendement adopté en séance soumet le déconventionnement des logements à l'avis conforme (et plus consultatif) du préfet et rend obligatoire la consultation du maire (et non plus une simple information). Pour sa part, l'article 20 sexies, adopté en commission, prévoit que les logements PLAI (prêts locatifs aidés d'intégration) "ne peuvent pas être autorisés dans les communes dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l'année précédente, plus de 40% des résidences principales, sauf exceptions". Les modalités seront précisées par un décret en Conseil d'État. Enfin, l'article 20 septies prévoit la remise, avant le 1er janvier 2023, d'un rapport au Parlement sur les conséquences de l'application du zonage déterminant le financement du logement social dans les communes où s'appliquent les dispositions de la loi SRU.

Mixité sociale et travailleurs essentiels

L'article 21 précise et élargit les missions de l'Association foncière logement (AFL), composante d'Action logement, qui produit des logements locatifs à destination des salariés afin de diversifier l'habitat dans les secteurs en réhabilitation, ainsi que dans les quartiers où l'offre est la plus tendue. AFL pourra ainsi réaliser des logements locatifs libres ou destinés à l'accession dans un immeuble frappé par un arrêté de police de lutte contre l'habitat indigne ou dans un îlot ou ensemble cohérent d'îlots comprenant un tel immeuble.

Pour sa part, l'article 22 – également très attendu – renforce les dispositifs de mixité sociale dans le logement social et, après la crise sanitaire, favorise l'accès au logement social des travailleurs des secteurs essentiels. Il renforce pour cela le rôle des EPCI dans la définition des objectifs de mixité sociale via les attributions de logements sociaux. L'article prévoit notamment qu'en l'absence de conclusion de la convention intercommunale d'attributions prévue par la loi, ces objectifs seront directement fixés par l'EPCI et, qu'à défaut, les objectifs légaux s'appliqueront uniformément à l'ensemble des bailleurs. Le même article prolonge les délais de mise en œuvre de la cotation et de la gestion en flux, dans le cadre de la procédure d'attribution de logements sociaux prévue par la loi Elan du 23 novembre 2018 (évolution du logement, de l'aménagement et du numérique). Compte tenu des difficultés et retards liées à la crise sanitaire et aux élections municipales, la date butoir pour la gestion en flux des réservations de logements sociaux est reportée de deux ans, soit au 24 novembre 2023. Un amendement en séance prévoit que les maires seront consultés par les EPCI sur la fixation des objectifs de mixité sociale.

Dérogation à la gestion au flux et encadrement des loyers

Dans un esprit voisin, un article supplémentaire (22 bis A), introduit en séance publique, étend aux logements réservés par les établissements publics de santé pour leurs personnels la dérogation à la gestion au flux, déjà instaurée pour les logements des services relevant de la défense nationale ou de la sécurité intérieure. Un autre article (22 bis B) autorise – uniquement dans les communes respectant leurs obligations SRU – le changement de statut résidentiel (accession, locatif libre...) ou d'usage (activité économique...) d'immeubles de logements locatifs sociaux, par la vente de tout ou une partie de ces bâtiments, afin d'"augmenter la diversité de l'habitat et favoriser la mixité fonctionnelle dans les quartiers concernés par le NPNRU". Afin d'éviter l'immixtion d'éventuels marchands de sommeil, la vente doit concerner a minima un bloc de cinq logements.

L'article 23 prolonge l'expérimentation sur l'encadrement des loyers – dont la durée est portée de cinq à huit ans –, afin d'en faciliter l'évaluation. Il en aménage également quelques modalités. Pour sa part, l'article 24 porte de trois à six ans le délai pour la mise en conformité des règlements de copropriétés prévus par la loi Elan. Là aussi la raison invoquée pour ce report est, pour une bonne part, la crise sanitaire.

L'article 25 renforce les délégations de compétences de l'État aux intercommunalités en matière de logement social et d'hébergement. En particulier, il harmonise les conventions de délégation conclues entre l'État et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Un amendement, soutenu par le gouvernement, rétablit, pour les métropoles, la possibilité de demander d'autres types de délégation en matière de logement social, en l'occurrence les agréments d'aliénation de logements sociaux. Il s'agit en l'occurrence d'une possibilité qui avait été supprimée par erreur.

Le Sénat veut reconnaître les collectivités comme autorités organisatrices de l'habitat

Un article supplémentaire (25 bis A), adopté contre l'avis du gouvernement, prévoit qu'"une collectivité ou un groupement de collectivités peut être reconnu comme autorité organisatrice de l'habitat par le représentant de l'État dans la région, après avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement". La collectivité ou le groupement doit alors disposer d'un PLH (programme local de l'habitat) et d'un PLU approuvé. Le même article liste les compétences de l'autorité organisatrice de l'habitat, dont notamment la conclusion, avec les organismes HLM possédant au moins 5% des logements du parc social situés dans son ressort territorial et le préfet de région, d'une convention territoriale de coopération avec les bailleurs sociaux annexée au PLH.

Un autre article supplémentaire (25 bis) prévoit que la convention de délégation de l'État à la métropole du Grand Paris (MGP), signée pour 6 ans, peut être prorogée par avenant, pour une durée d'un an (renouvelable une fois), si la MGP dispose d'un plan métropolitain de l'habitat et de l'hébergement exécutoire ou, dans la négative, si elle a pris une délibération engageant l'élaboration du plan précité.

L'article 26 concerne les opérations de revitalisation du territoire (ORT) dans les agglomérations dites "polycentrées". Pour cela, il autorise, dans certains cas précis, la conclusion d'ORT sans y intégrer nécessairement la commune principale de l'EPCI à fiscalité propre. L'objectif de cette mesure est de permettre une utilisation plus large et simplifiée de cet outil.

Accélération de la procédure d'acquisition des biens sans maître

L'article 27 ramène de 30 à 10 ans le délai pour lancer une procédure d'acquisition de biens sans maître (avec indemnisation du propriétaire si celui-ci se manifeste avant l'échéance de la prescription acquisitive de 30 ans), afin de pouvoir lancer une ORT ou une grande opération d'urbanisme (GOU). Il élargit également la procédure d'acquisition des biens en état d'abandon manifeste sur tout le territoire de la commune, afin notamment d'inclure les périmètres des ORT et des GOU. Un amendement du gouvernement étend la possibilité d'acquisition des biens sans maître au bout de 10 ans aux zones de revitalisation rurale (ZRR), ainsi qu'aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Un article supplémentaire introduit en commission (27 bis A) modifie le code général des collectivités territoriales pour autoriser le maire à imposer des travaux de remise en état pour raisons environnementales sur une partie de terrain non bâtie (et non plus sur la totalité du terrain). Par ailleurs, trois articles supplémentaires introduits en commission s'intéressent aux chemins ruraux, ce qui a assez peu de lien avec l'objet du titre. Ils prévoient que le conseil municipal peut, par délibération, décider le recensement des chemins ruraux situés sur le territoire de la commune, ce qui interrompt le délai de prescription pour l'acquisition des parcelles comportant ces chemins (article 27 bis), précisent les modalités d'échanges de parcelles pour modifier le tracé ou l'emprise d'un chemin rural (article 27 ter) et prévoient que le département révise le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée pour tenir compte du recensement des chemins ruraux mené par les communes (article 27 quater).

Compétences étendues pour les OFS, renforcement des PPA et des GOU

L'article 28 renforce et étend les compétences des organismes de foncier solidaire (OFS), qui mettent en œuvre le mécanisme du bail réel solidaire (BRS). Parmi les précisions apportées : la possibilité pour les OFS d'intervenir par des travaux de réhabilitation, ou encore la possibilité donnée aux organismes de logement social (OLS) de céder leur patrimoine immobilier dans le régime du BRS en restant propriétaires du terrain. Le Sénat a en revanche supprimé, en commission, l'article qui habilitait le gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance en vue notamment de conforter l'activité actuelle des OFS et d'étendre leur champ de compétence. Deux articles supplémentaires (28 bis et 28 bis A) ajoutent toutefois les OFS à la liste des organismes pouvant bénéficier d'une délégation de droit de préemption urbain

Pour sa part, l'article 29 permet aux communautés de communes de conclure une convention avec le département, en vue de bénéficier d'une assistance technique dans le cadre de l'élaboration du PLH. La communauté de communes garde cependant la maîtrise du dispositif permettant d'élaborer le PLH. Un amendement en commission a étendu cette possibilité d'assistance technique à l'ensemble des EPCI et non plus aux seules communautés de communes.

L'article 30 entend renforcer le dispositif des projets partenariaux d'aménagement (PPA) et des GOU. Il élargit donc la possibilité de recourir à un permis d'aménager multi-sites aux opérations prévues dans le cadre d'un PPA, sous réserve du respect de l'unité architecturale et paysagère des sites concernés et des orientations du PLU. Pour les GOU, le texte prévoit que l'autorité compétente pour délivrer les autorisations d'urbanisme peut accorder des dérogations aux règles de gabarit, de stationnement et de densité. En outre, l'exercice du droit de préemption et du droit de préemption renforcé est transféré automatiquement à l'EPCI, avec possibilité de le déléguer à l'aménageur, sous réserve de l'avis conforme exprimé par les communes concernées

Une mesure pour lutter contre les "lits froids"

Enfin – et comme toujours en fin de titre – le dernier article du texte d'origine est suivi d'une série d'"article balais" (sept en l'occurrence) à la portée le plus souvent très ponctuelle. À retenir toutefois : un amendement du gouvernement qui ajoute un article (30 bis D) afin de "soutenir l'activité touristique en zone de montagne", en facilitant le maintien des meublés de tourisme. L'article prévoit notamment que "l'exploitant d'une résidence de tourisme, située en zone de montagne [...], peut céder à titre gratuit le droit conféré par l'article L.145‑46‑1 du Code de commerce [proposition de vente prioritaire, ndlr] à un établissement public y ayant vocation, à une société d'économie mixte, à une société publique locale ou à un opérateur agréé par l'État". Selon Jacqueline Gourault, ce texte a été "négocié avec tous les acteurs de la montagne" et doit permettre de mieux lutter contre le "fléau" des lits froids.

Références : projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (examiné en première lecture au Sénat du 8 au 21 juillet 2021).
 

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