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Projet de loi Économie circulaire : les principaux amendements adoptés en commission par les députés

Le vaste projet de loi relatif à "la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire", adopté en septembre au Sénat, sera examiné en séance publique à l'Assemblée nationale à compter du 9 décembre. En commission du développement durable, les députés ont adopté 353 amendements sur les 1.782 qui avaient été déposés. Avant le passage dans l'hémicycle, gros plan sur les principales modifications intéressant les collectivités territoriales.

C'est un nouveau marathon qui commence à l'Assemblée ce 9 décembre avec l'examen du tentaculaire projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, prévu jusqu'au 20 décembre. Lors de l'examen du texte en commission du développement durable, saisie au fond, pas moins de 353 amendements ont été votés sur 1.782 déposés. Localtis a sélectionné ceux intéressant de près les collectivités territoriales.


Objectifs généraux

Le titre Ier A du texte avait été inséré par le Sénat et portait sur les "objectifs stratégiques de prévention de la production de déchets". Il est désormais titré "objectifs stratégiques de gestion et de prévention de la production de déchets". Il s'agit ainsi d'y inclure des "objectifs en matière de gestion à moyen et long terme des déchets, notamment en matière d’enfouissement ou d’accès aux déchetteries", a justifié la rapporteure Véronique Riotton (LREM, Haute-Savoie) dans l'exposé des motifs de son amendement. La députée a aussi proposé une réduction de 15% des déchets ménagers et assimilés produits par habitant d'ici 2030 par rapport à 2010 et non à 2020, comme l'avait voté le Sénat car selon elle,  le "dynamisme de l’activité" en 2017 s’est "instantanément et malheureusement traduit par une augmentation immédiate de 2 à 3% chaque année du volume de déchets mis en décharge". Un objectif de réduction des déchets d’activités économiques de 5% en 2030 par rapport à 2010 a aussi été ajouté.
Le groupe LREM a également ajouté un nouvel article pour "renforcer le contrôle sur le tri des déchets recyclables". "Pour s’assurer que les personnes morales qui produisent des déchets respectent bien leurs obligations de trier les déchets recyclables, et notamment le tri 5 flux (papier-carton, métal, plastique, verre et bois, ndlr), elles devront justifier de la réalisation de ce tri au risque de se voir refuser leurs autres déchets résiduels dans les décharges", indique l'exposé des motifs de l'amendement. La mesure n’est cependant pas applicable "aux résidus de centres de tri performant".
Un amendement de Delphine Batho, députée des Deux-Sèvres et ancienne ministre de l'Ecologie, crée aussi un nouvel article proposant un calendrier d’interdiction de la mise en décharge.  Adopté malgré l’avis défavorable de la rapporteure et du gouvernement, il prévoit d'"interdire progressivement la mise en décharge des ressources considérées comme des déchets non dangereux selon un calendrier entré en vigueur le 1er janvier 2020". "Ce calendrier arrête la fermeture progressive des centres d’enfouissement des déchets par une diminution de leur capacité de stockage, qui s’accompagne d’une hausse continue de la TGAP sur la mise en décharge de chaque tonne de déchets non dangereux, poursuit-il. Au 1er juillet 2020, le gouvernement présente une feuille de route permettant l’interdiction de la mise en décharge des déchets dangereux à compter du 1er janvier 2023".
A l'initiative du groupe socialiste, ainsi que des députés François-Michel Lambert et Matthieu Orphelin, un autre article prévoit de "réduire le gaspillage alimentaire, d'ici 2025, de 50% par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la distribution alimentaire et de la restauration collective, et, d'ici 2030, de 50% par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale".

Information du consommateur

Le projet de loi prévoit de généraliser le logo Triman, qui correspond à la signalétique officielle relative aux règles de tri pour les produits relevant du principe de responsabilité élargie du producteur (REP). Selon un amendement de députés LREM, l’éco-organisme en charge de cette signalétique devra veiller à ce que l’information inscrite sur les emballages ménagers et précisant les modalités de tri ou d’apport du déchet issu du produit "évolue vers une uniformisation dès lors que plus de 50% de la population est couverte par un dispositif harmonisé". Pour les auteurs de l'amendement, cette mesure devrait permettre d’"accroître de manière significative le taux de collecte des emballages ménagers usagers en vue de leur valorisation dans un schéma d’économie circulaire".
Un nouvel article prévoit aussi d'obliger les syndics de copropriété à communiquer les consignes locales de tri des déchets ménagers, non seulement dans le local à poubelles de la copropriété mais également directement auprès des propriétaires et occupants de l’immeuble.


Lutte contre le gaspillage

Le titre II du texte a été rebaptisé "Favoriser le réemploi et l’économie de partage dans le cadre de la lutte contre le gaspillage" afin de mettre l'accent sur le réemploi et l’économie de partage comme principaux acteurs de la lutte contre le gaspillage, selon François-Michel Lambert et les autres auteurs de l'amendement.
En matière de lutte contre le gaspillage alimentaire, les députés ont voulu renforcer les sanctions contre les acteurs qui détruiraient volontairement des denrées ou ne concluraient pas une convention de dons avec les associations habilitées. Ainsi, le non-conventionnement sera désormais puni d’une amende de cinquième classe, soit 1.500 euros, prononcée par un juge et donc ajustable selon les circonstances, et non plus d’une contravention forfaitaire de troisième classe (soit 68 euros). Et la destruction de denrées alimentaires consommables, aujourd’hui punie par une amende de 3.750 euros, sera passible d’une sanction pouvant atteindre jusque 0,1% du chiffre d’affaires réalisé par un supermarché, l’opérateur de restauration collective ou de l’industrie agroalimentaire - le Sénat avait voté un montant de 10.000 euros. Le montant de l’amende sera proportionné à la gravité des faits constatés, notamment au nombre et au volume des produits en infraction.
Les députés ont aussi modifié les dispositions adoptées au Sénat concernant les obligations pesant sur les halles, les foires et les marchés. Ils ont prévu la prise en charge, dans le cadre des conventions, de la gestion des déchets issus de denrées alimentaires données qui n’ont pu être redistribuées par les associations. L'obligation de convention de dons alimentaires a aussi été élargie aux opérateurs du commerce de gros, notamment les centrales d’achat, dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à cinquante millions d’euros. Les députés ont aussi proposé que les petits commerces de moins de 400m2, les commerçants non sédentaires et les traiteurs et organisateurs d’évènements signent une convention de don alimentaire dans le cas où un besoin est identifié, c’est-à-dire lorsqu’au moins une association d’aide alimentaire se manifeste pour conclure une telle convention. Ils ont également étendu l’interdiction de destruction des invendus aux opérateurs de commerce de gros.
Par ailleurs, un nouvel article introduit par un amendement du groupe socialiste  vise à instituer un label national "Anti-gaspillage alimentaire" qui sera accordé à toute personne morale contribuant aux objectifs nationaux de réduction du gaspillage alimentaire. Les modalités seront déterminées par décret.
Un amendement de la rapporteure Véronique Riotton introduit aussi  une définition du gaspillage alimentaire à l’article L. 541 15 4 du code de l’environnement. Ainsi, "toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée, dégradée, constitue le gaspillage alimentaire". A noter aussi, les députés ont intégré la possibilité de don des invendus non alimentaires aux entités reconnues comme entreprise solidaire d’utilité sociale telle que prévue par le code du travail. Ils ont également créé un nouvel article pour élargir les possibilités de dons aux associations reconnues d’utilité publique du matériel informatique obsolète ou inutilisé par les collectivités territoriales. Ils ont aussi précisé que les établissements de santé "peuvent" conclure une convention de don de matériel médical. Les dispositions en la matière sont en outre élargies à l’ensemble des structures de l’économie sociale et solidaire bénéficiant de l’agrément Esus (entreprise solidaire d'utilité sociale).
Pour les déchets du bâtiment, les députés ont prévu de permettre la publicité du diagnostic pré-démolition réalisé en amont d’une déconstruction ou d’une réhabilitation. Un amendement de la rapporteure crée aussi un nouvel article pour éviter le statut de déchet dans le cas d’un chantier de réhabilitation ou de démolition de bâtiment, lorsqu’un tri des matériaux, équipements ou produits de construction est effectué par un opérateur qui a la faculté de contrôler les produits et équipements pouvant être réemployés.
Un autre article a été adopté pour inciter les entités publiques à donner les biens en bon état dont elles n’ont plus l’usage (biens amortis tels que livres, mobiliers, matériels électriques et électroniques, équipements divers) au profit de structures relevant de l’économie sociale et solidaire sans obligation de passer par les Domaines, mais sous condition que le bien meuble ait préalablement été désaffecté et déclassé.

Incitations au réemploi

En matière d' achats publics, les députés ont proposé une nouvelle rédaction du texte. Ainsi "à compter du 1er janvier 2021, les services de l’État ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements doivent, lors des achats publics et dès que cela est possible, privilégier les biens issus du réemploi ou qui intègrent des matières recyclées en prévoyant des clauses et des critères utiles dans les cahiers des charges". Une nouvelle disposition a aussi été créée sur l’achat public de constructions temporaires pour permettre de recourir à celles ayant fait l’objet d’un reconditionnement pour réemploi, "sous réserve que leurs niveaux de qualité et de sécurité soient égaux à ceux des constructions neuves de même type".
Le texte prévoit aussi que les collectivités territoriales et leurs groupements compétents pour la collecte et le traitement des déchets des ménages doivent élaborer des conventions ou des contrats de partenariat avec les personnes morales relevant de l’économie sociale, solidaire et circulaire sur leur territoire qui en font la demande afin de leur offrir la possibilité d’utiliser les déchetteries communales comme lieux de récupération ponctuelle et de retraitement d’objets en bon état ou réparables. Les déchetteries doivent aussi disposer obligatoirement d'une zone de dépôt destinée à la recyclerie
Alors que la version du texte issue du Sénat prévoit qu’à compter du 1er janvier 2021, les biens acquis par les services de l’État ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements sont issus du réemploi et intègrent des matières recyclées dans des proportions de 20% à 100% selon le type de produit, les députés ont souhaité précisé d’une part, que cette obligation s’entend pour le total des achats annuels, et d’autre part, que le décret en Conseil d’État qui fixera la liste des produits concernés par cette obligation donne également des indications sur la part des produits pouvant être issus du réemploi, de la réutilisation ou de matières recyclés.
Ils ont aussi prévu  d'augmenter le recours aux matériaux de réemploi dans les projets de construction ou de réhabilitation de bâtiments. En outre, alors que le Sénat a introduit une disposition visant à favoriser l’achat de pneus rechapés par l'Etat, les collectivités territoriales et leurs opérateurs à chaque fois que cela s’avère possible, les députés ont précisé qu'en cas de première consultation ou de premier appel d’offre infructueux, l’acheteur public n’est plus soumis à cette obligation.


Filières de responsabilité élargie des producteurs (REP)

Les députés ont voulu rendre publics les engagements pris par les éco-organismes et les systèmes individuels pour atteindre leurs objectifs de prévention et de gestion des déchets, ainsi que les sanctions administratives prévues en cas de non-respect des mesures prévues Ils ont aussi établi une entrée en vigueur des sanctions à compter du 1er janvier 2021. En matière de gouvernance, ils ont prévu de créer, dans tous les éco-organismes, un "comité des parties prenantes" composé de représentants des associations de protection de l’environnement et des consommateurs, d’opérateurs de déchets et des collectivités. "Cette  instance sera obligatoirement saisie sur les décisions les plus importantes (éco-modulations, barème applicable aux collectivités, etc.) et pourra également émettre des recommandations de son propre chef, notamment en matière d'éco-conception, afin de tenir compte de l'expertise des traiteurs de déchets", selon l'exposé des motifs de l'amendement de Stéphanie Kerbarh (LREM, Seine-Maritime), rapporteure des titres III et IV du projet de loi. Des mécanismes de redevabilité pour les producteurs soumis à responsabilité élargie du producteur et pour leurs éco-organismes ont aussi été instaurés. Ceci passe par des obligations de publicité de données agrégées sur le respect de leurs objectifs. "Ces publications permettront à chacun de mesurer concrètement les avancées vers une économie plus circulaire (par exemple, au travers de la publication des taux de recyclage, etc.)", a justifié Stéphanie Kerbarh.
Sur le sujet très conversé de la création d'une filière REP pour les déchets du bâtiment, les députés ont revu le texte issu du Sénat. Seront ainsi soumis à la REP "les produits ou matériaux de construction du secteur du bâtiment destinés aux ménages ou aux professionnels, à compter du 1er janvier 2022, afin que les déchets de construction ou de démolition qui en sont issus soient repris sans frais lorsqu’ils font l’objet d’une collecte séparée, et qu’une traçabilité de ces déchets soit assurée". Un décret en Conseil d’État devra définir les modalités d’application, notamment les catégories de produits et matériaux relevant du principe de responsabilité élargie du producteur, les conditions minimales du maillage des points de reprise et le champ d’application de la reprise sans frais. Via un amendement à l'article 9, les députés ont aussi détaillé les principes concrets de fonctionnement de la REP concernant la reprise des déchets, le maillage du territoire et le développement des filières de recyclage, "en privilégiant l’articulation du champ d’intervention de la REP avec les filières de collecte et de valorisation existantes, tout en permettant de répondre aux quatre objectifs poursuivis", note l'exposé des motifs. Ces objectifs sont "la mise en place d’un système de traçabilité, la reprise sans frais des déchets pour les déchets triés et le maillage des points de collecte, en concertation avec les collectivités territoriales et en cohérence avec les plans régionaux de prévention et de gestion des déchets, afin de lutter efficacement contre les dépôts sauvages, et enfin l’amélioration des taux de valorisation".
Les autres filières REP ont aussi fait l'objet d'amendements. Celle des déchets d'équipements électriques et électroniques devra ainsi veiller à la collecte et au réemploi des métaux rares des appareils de haute technologie, particulièrement les smartphones et les tablettes. La généralisation de la REP des produits chimiques a été décalée d'un an, au 1er janvier 2021. Les éléments de décoration textiles seront intégrés à la filière des meubles à compter du 1er janvier 2022. La date d’entrée en vigueur des nouvelles filières REP - jouets, sport et loisirs, bricolage et jardin, chewing-gums – a été décalée au 1er janvier 2022 au lieu de 2021. Pour celle des produits du tabac, les députés ont précisé qu''il peut être fait obligation aux metteurs sur le marché de ces produits d’organiser un mécanisme de reprise financée des déchets qui en sont issus". La filière des textiles sanitaires, y compris les lingettes pré-imbibées pour usages corporels et domestiques, ne concernera que les textiles à usage unique. Pour la filière des engins de pêche contenant du plastique, la rédaction du texte a été revue afin de laisser ouverte la possibilité d’avoir un accord volontaire des producteurs. Les députés ont aussi ajouté une filière pour les bouteilles et cartouches de gaz. Ils ont par contre supprimé la disposition introduite par les sénateurs visant à créer une filière pour l’ensemble des produits qui ne font pas l’objet d’une filière REP mais qui génèrent des déchets "qui ne s’intègrent dans aucune filière de recyclage disposant d’une capacité suffisante pour accueillir le gisement national de déchets de ce type". La mesure a été jugée "contraire au droit européen".
Alors que les filières REP devront financer non seulement la gestion des déchets mais aussi les coûts "de ramassage, de traitement des déchets abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions [du droit de l’environnement], et de dépollution des sols qui en découle", les députés ont supprimé ce dernier volet, jugeant la mesure pas "applicable" car "la pollution des sols peut avoir de multiples sources".
Un amendement de Stéphanie Kerbarh entend aussi clarifier le champ des soutiens financiers que les filières REP doivent apporter aux collectivités territoriales pour les actions de réemploi et de réutilisation qu’elles effectuent. "Dès lors que des objectifs qualitatifs ou quantitatifs portant sur le réemploi ou la réutilisation ont été assignés à une filière à responsabilité élargie du producteur, il convient que cette filière fournisse les soutiens financiers nécessaires à l’atteinte de ces objectifs et contribue donc au financement des zones de réemploi/réutilisation des déchetteries des collectivités territoriales mais également au financement des recycleries que les collectivités pourraient avoir établies dans le cadre du service public de gestion des déchets", souligne l'exposé des motifs.
La commission a aussi précisé que la contribution aux filières REP des plateformes en ligne comme Amazon entrera en vigueur le 1er janvier 2022.
Après le rejet du Sénat, les députés de la commission du Développement durable ont d'abord réintroduit à une voix près le principe de la consigne pour recyclage des bouteilles en plastique via un amendement LREM. Mais la commission a ensuite voté contre l'ensemble de l'article 8 bis, qui comprend cette disposition. La mesure pourra toutefois être réintroduite dans l'hémicycle.   Avant ces votes, la secrétaire d'Etat Brune Poirson s'était dite "consciente des réserves" autour de la consigne et a appelé à poursuivre la "concertation". "L'important, c'est la concertation", a d'ailleurs souligné le cabinet du ministère de la Transition écologique, qui a minimisé ce cafouillage, en rappelant que l'article devait de toute façon être réécrit pour la séance.


Lutte contre les dépôts sauvages

Un amendement de la rapporteure Stéphanie Kerbarh prévoit que l'infraction consistant à "abandonner, déposer ou faire déposer" des déchets illégalement, passible de deux ans de prison et 75.000 euros d'amende, "peut être éteinte par le versement d'une amende forfaitaire d'un montant de 1.500 euros". "Les agents assermentés des communes pourront ainsi directement sanctionner le contrevenant sans passer par le juge", indique l'exposé des motifs de cet amendement, adopté contre l'avis de la secrétaire d'État Brune Poirson pour cause d'imprécisions juridiques. Un autre amendement LREM prévoit une possible peine complémentaire de confiscation d'un véhicule utilisé pour commettre l'infraction.
Les députés ont aussi réécrit un article introduit au Sénat concernant le pouvoir de police des maires en matière de dépôt sauvage. La nouvelle rédaction, via un amendement de la rapporteure, prévoit que les maires pourront prononcer une amende administrative d'un montant maximal de 15.000 euros.
Sur proposition de Guillaume Kasbarian (LREM, Eure-et-Loir), les députés ont en outre supprimé l'article qui visait à élargir le champ des missions relevant du service public de gestion des déchets en transférant la compétence de la propreté urbaine des communes vers les collectivités territoriales compétentes pour la collecte des déchets. "Le service public de gestion des déchets n’intègre pas, à ce jour, le nettoyage des déchets abandonnés dans la rue, car la salubrité des rues dépasse son champ, note l'exposé des motifs. Assurer le financement de ces missions par la taxe d’enlèvement des ordures ménagères entraînerait une augmentation de cette taxe qui ne serait pas comprise par les contribuables. De plus, dans un contexte de déploiement de la tarification incitative, cela réduirait le caractère incitatif de la taxe en affaiblissant le lien entre le montant payé par chaque ménage et la quantité de déchets qu’il produit. En outre, le projet de loi prévoit que les filières REP, notamment celles relatives aux emballages et aux cigarettes, contribuent aux coûts du nettoiement des rues et du milieu naturel. Cela permettra de transférer une partie de la charge financière des collectivités vers les producteurs."
Les députés ont aussi adopté un amendement proposé par Régions de France qui prévoit que l’État définit les informations mises à disposition des régions par les éco-organismes afin de faciliter le suivi des plans régionaux de prévention et de gestion des déchets et de leurs indicateurs. Ils ont par contre supprimé l'article demandant un rapport au gouvernement sur les déchets en bord de route, estimant que "les mesures, notamment répressives, défendues par le législateur et le gouvernement" figuraient déjà dans le texte (pour celles relevant du domaine de la loi) et ne nécessitaient donc pas de "rapport spécifique".

Encourager le tri

Alors que le texte prévoit que tout producteur de déchets puisse accéder à la déchetterie ou au centre d’enfouissement le plus proche de son établissement y compris lorsque ce dernier se situe hors du périmètre intercommunal de référence, un amendement de la rapporteure Sophie Kerbarh précise le champ de l’obligation, en la limitant aux déchets qui relèvent de la compétence des collectivités, et en spécifiant que tous les lieux de collecte n’ont pas à pouvoir accueillir l’ensemble des déchets produits. La rapporteure a aussi défendu un amendement pour l’installation de "panneaux d’affichages explicatifs" ou d’affichages "à proximité des contenants" pour accompagner l’harmonisation des consignes de tri des emballages. Parmi les dispositions concernant l'outre-mer, un amendement de Stéphanie Kerbarh étend la couverture des coûts de collecte et de tri des collectivités par les éco-organismes à 100% pour les collectivités de Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
La rapporteure a aussi voulu contraindre les producteurs à contribuer financièrement au déploiement des poubelles de rue de tri sélectif qui devraient être généralisées d'ici cinq ans. Les producteurs de produits chimiques pouvant présenter un risque significatif pour la santé et l’environnement seront aussi tenus de prendre en charge les coûts des collectivités territoriales relatifs aux déchets issus de ces produits qui seraient collectés [dans la poubelle jaune]", selon un amendement de Matthieu Orphelin (Libertés et Territoires, Maine-et-Loire) et de trois autres députés.
Les dispositions relatives aux véhicules hors d’usage (VHU) ont aussi été renforcées. À partir du 1er janvier 2025, les opérateurs devront disposer de contrats avec les éco-organismes ou les systèmes individuels pour procéder aux opérations de gestion des VHU (reprise sur le territoire national, dépollution des véhicules, traitement des déchets dangereux qui en sont issus).
Le texte comporte aussi plusieurs mesures d’interdiction de plastique (gobelets, assiettes, pailles…) en 2020 ou 2021, en application de la directive européenne sur les plastiques à usage unique. Dans l'optique de réduire la production de bouteilles en plastique, le groupe LREM a porté un amendement prévoyant qu'à compter du 1er janvier 2022, les établissements recevant du public seront tenus d’être équipés d’au moins une fontaine d’eau potable accessible au public, "lorsque cette installation est réalisable dans des conditions raisonnables". Ils ont aussi soutenu un autre amendement visant à "développer l’utilisation des gobelets réutilisables dans les stades, les foires, les salles de concerts et plus généralement dans tous les types d’évènements festifs".

Compostage, TMB et biodéchets

Les députés ont modifié la disposition du texte concernant le compostage. L’autorité administrative compétente déterminera par voie réglementaire les conditions dans lesquelles les boues "agricoles et industrielles" (et non plus d’épuration comme voté dans la version du Sénat) peuvent être traitées par compostage seules ou conjointement avec d’autres matières utilisées comme structurants et issues de matières végétales. Quant aux boues d’épuration urbaines, elles pourront faire l’objet de ce traitement "à compter de la révision des normes sanitaires qui sont applicables aux boues urbaines destinées à être épandues". Un nouvel article interdit en outre à partir de 2027 l’utilisation des déchets issus des centres de tri mécano-biologiques (TMB) pour la fabrication de compost. Un autre article prévoit aussi que "l’autorisation de nouvelles installations de tri mécano-biologiques, de l’augmentation de capacités d’installations existantes ou de leur modification notable est conditionnée au respect, par les collectivités territoriales et EPCI de la généralisation du tri des biodéchets" et que "ces installations ne font pas l’objet d’aides des pouvoirs publics".
Au plus tard le 31 décembre 2023, l'obligation de tri  des biodéchets s’appliquera à tous les producteurs ou détenteurs de biodéchets, y compris aux collectivités territoriales dans le cadre du service public de gestion des déchets et aux établissements privés et publics qui génèrent des biodéchets, selon un autre amendement.

Démarches d'écologie industrielle et territoriale

Un autre amendement vise à généraliser les démarches d’écologie industrielle et territoriale (EIT) entreprises aujourd’hui de manière dispersée sur le territoire par des collectivités. Il confie aux régions un rôle de coordination des différentes démarches sur leurs territoires. Selon l'exposé des motifs, la région doit ainsi "centraliser les données issues des 'métabolismes' des activités économiques, les massifier et en assurer la confidentialité" et les mettre à disposition des structures locales choisissant de mettre en œuvre une démarche d’EIT. Par cohérence, il est aussi demandé au Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation de s’attacher à développer l’économie circulaire dont l’EIT.
Alors que le texte précise et encadre les dérogations ponctuelles pour les arrêtés préfectoraux d’autorisation d’installations de traitement de déchets — principalement des installations d’incinération ou de stockage de déchets non dangereux —, aux plans régionaux de prévention et de gestion des déchets ou aux Sraddet, un amendement ajoute qu'"aucune dérogation (…) n’est possible après le 1er janvier 2023".
Sur proposition de Laurence Maillart-Méhaignerie et du groupe LREM, un amendement propose de renforcer  l’importance d’un tri de qualité dans les centres de tri. "Actuellement, de nombreuses installations de tri des déchets se contentent de ne sélectionner qu’une faible fraction de déchets pour les envoyer en valorisation et le reste, appelé 'refus de tri', est envoyé en décharge ou en incinérateur, relève l'exposé des motifs. Cette situation doit être corrigée pour accélérer la modernisation des centres de tri, et s’assurer que tous les déchets recyclables rejoignent les filières de recyclage adaptées. Le ministre pourra ainsi prendre un arrêté pour fixer des taux de valorisation minimale aux centres de tri, en fonction des types de déchet traités par chaque centre".
Un nouvel article vise en outre à permettre selon Sophie Kerbarh, auteure de l'amendement "le rééquilibrage territorial des capacités de stockage de déchets non dangereux non inertes, en particulier dans les régions où la limite de capacité annuelle pour 2020 et/ou 2025 est déjà atteinte voire dépassée par la somme des capacités annuelles autorisées pour les installations de la région". Il s'agit ainsi de "revoir à la baisse la capacité annuelle de l’ensemble des installations de la région (et en particulier des plus importantes), rendant possible, dans le cas où des besoins spécifiques locaux sont identifiés, d’autoriser ensuite de nouvelles capacités de stockage respectant mieux les principes de proximité et d’autosuffisance".
Enfin, la rapporteure a aussi défendu un amendement prévoyant que "les élus qui reçoivent délégation en matière de prévention et de gestion des déchets ou d’économie circulaire bénéficient d’une formation en la matière".
 

 

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