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Le Sénat adopte en première lecture le projet de loi Économie circulaire

En première lecture, les sénateurs ont adopté ce 27 septembre à l'unanimité moins une voix le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire qu'ils ont largement étoffé. Parmi les ultimes amendements votés, ils ont encore durci le dispositif de lutte contre les dépôts sauvages.

Le Sénat a adopté ce 27 septembre en première lecture, par 342 voix pour et une voix contre, le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire", amputé de sa mesure polémique, la consigne pour recyclage des bouteilles en plastique. Dans un quasi-consensus, la chambre des territoires est restée sur ses positions, en réservant la consigne au réemploi et à la réutilisation. Alors que Brune Poirson, la secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition écologique, espérait la mettre en place d'ici à 2022, la consigne pour recyclage a été massivement rejetée par les sénateurs qui y ont vu un "non-sens écologique".

Interdiction d'élimination des invendus non alimentaires : "une première mondiale"

Brune Poirson a fait contre mauvaise fortune bon coeur, estimant que "la mesure-phare du texte" n'est pas la consigne, mais l'interdiction d'éliminer les invendus non-alimentaires neufs (vêtements, produits d'hygiène et de beauté...). Cette obligation de réemploi (incluant le don), de réutilisation ou recyclage s'applique aux producteurs, importateurs et distributeurs, y compris pour la vente à distance. La mesure, présentée par la secrétaire d'État comme "une première mondiale", a été votée par le Sénat qui l'a d'ailleurs assortie d'un barème de sanctions.
Les sénateurs ont aussi donné leur aval à d'autres mesures majeures du texte comme le renforcement du principe du pollueur/payeur, qui est étendu à de nouveaux secteurs (produits du tabac avec filtres dès 2021, jouets, matériaux de construction, articles de sports, de bricolage et de jardinage à compter de 2022, lingettes pré-imbibées pour usages corporels et domestiques en 2024). Le Sénat a étendu cette filière à l'ensemble des textiles sanitaires (couches, serviettes...) et a appliqué le principe pollueur-payeur aux producteurs de chewing-gums. Il a également voté la mise en place d'un indice de "réparabilité" des équipements électriques et électroniques, sur le modèle de l'étiquette énergie, à partir du 1er janvier 2021.

"Texte beaucoup plus ambitieux" et "enrichi"

"On aura prouvé que le Sénat n'est pas une assemblée de ringards climatosceptiques", a déclaré le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Hervé Maurey (centriste), à l'issue d'une semaine de débats parfois tendus avec la secrétaire d'État. "On a montré qu'on était capables d'être à l'avant-garde du combat pour l'écologie et pour la planète". À sa sortie du Sénat, le texte "est beaucoup plus ambitieux", s'est-il félicité, tandis que Brune Poirson estimait que "le texte est enrichi après son passage au Sénat".
Le Sénat a ainsi inscrit dans la loi l'objectif de 100% de plastique recyclé d'ici au 1er janvier 2025, porté par le gouvernement. Alors que la France produit aujourd'hui cinq tonnes de déchets par an et par personne, il a revu à la hausse les objectifs de prévention de la production de déchets, avec un objectif global de réduction de 15% d'ici à 2030 par rapport à 2020, un objectif de doublement d'ici à 2030 des tonnages de déchets ménagers effectivement réutilisés, pour atteindre 5% ; et encore un objectif de réduction de moitié de la mise sur le marché d'emballages en plastique à usage unique en 2030 par rapport à 2020 et encore de moitié en 2040 par rapport à 2030.
Le texte vise également à améliorer l'information sur les qualités environnementales des produits, notamment l'incorporation de matières recyclées, les possibilités de réemploi, la recyclabilité, la présence de substances dangereuses. Il rend obligatoire l'information sur la disponibilité des pièces détachées nécessaires à la réparation des équipements électriques, électroniques et des biens d'ameublement. Il prévoit également la généralisation d'une signalétique sur le geste de tri, via le logo "Triman". Les sénateurs ont voulu instaurer une pénalisation financière pour les producteurs qui apposent un autre logo, le "point vert", sur leurs produits, considérant qu'il induit en erreur le consommateur, car il ne signifie pas que le produit est recyclable. Le Sénat a aussi rendu obligatoire à compter du 1er janvier 2022 la mise en place d'un "compteur d'usage", visible pour le consommateur, sur les lave-linge, télévisions, smartphones, à l'instar du compteur kilométrique sur les voitures.
Le Sénat a en outre étoffé le volet "antigaspi" avec des mesures concernant les invendus alimentaires : il a rehaussé les sanctions contre la destruction de denrées consommables, prévu la mise en place de contrôles aléatoires de la qualité des dons des grandes surfaces aux associations, étendu aux marchés l'obligation de proposer aux associations les denrées invendues encore propres à la consommation. Il a encore interdit, à compter du 1er janvier 2021, la distribution gratuite de bouteilles en plastique dans les établissements recevant du public, encouragé le développement de la vente en vrac, l'installation des corbeilles de tri dans l'espace public et l'utilisation des pneus rechapables ou rechapés. Il a aussi créé une obligation pour les éco-organismes de déclarer leur flux de déchets vers l'étranger.

Lutte contre les décharges sauvages

En ce qui concerne la lutte contre les décharges sauvages, les sénateurs, qui ont à plusieurs reprises évoqué le décès du maire de Signes cet été, ont notamment renforcé les pouvoirs des élus. En séance, ils ont encore voté un amendement pour instaurer une peine complémentaire de confiscation du véhicule ayant servi à transporter les déchets jetés ou transportés illégalement en cas de récidive (article additionnel après l'article 11). Ils ont également précisé les conditions de mise en œuvre de l'exécution d'office (article additionnel avant l'article 12A).
Ce texte "porte la marque du Sénat", a souligné Sophie Primas (LR). "Le Sénat a su entendre la voix des territoires", a déclaré Jérôme Bignon (Indépendants), tandis que Frédéric Marchand (LREM) a estimé qu'il "fera référence". Joël Bigot (PS) a salué un texte "délesté de l'emprise des lobbies", Guillaume Gontard (CRCE à majorité communiste) regrettant qu'"on reste encore une fois au milieu du gué".
Le texte doit maintenant être examiné par l'Assemblée nationale, sans doute en novembre ou décembre.