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Energie - Projet de loi sur la transition énergétique : la commission spéciale a commencé l'examen de plus de 2.000 amendements

La commission spéciale de l'Assemble chargée d'examiner le projet de loi sur la transition énergétique a adopté le 24 septembre une série d'amendements au texte qui précisent les objectifs de la politique énergétique et l'action de l'Etat. Ce 25 septembre a débuté l'examen des dispositions concernant le bâtiment. Principaux amendements votés : la présentation par le gouvernement d'une stratégie quinquennale d'investissement pour la réhabilitation thermique des bâtiments, l'intégration de la performance énergétique dans les critères de décence d'un logement et la création d'un "carnet de santé numérique du logement" pour faciliter la connaissance de ses performances thermiques.

La commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée d'examiner le projet de loi sur la transition énergétique a commencé le 24 septembre l'examen des quelque 2.383 amendements déposés sur le texte. "Un événement singulier, car la barre des 2.000 amendements a rarement été dépassée, quelle que soit la commission", a observé le président de la commission spéciale, le député socialiste de l'Isère François Brottes, par ailleurs président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée. En lançant les discussions sur son projet de loi qui a pour ambition de faire de la France un pays plus économe en énergie et moins dépendant des énergies fossiles et du nucléaire, Ségolène Royal a assuré que la législation française allait être "une des plus en avance d'Europe". "La France est très regardée", a prévenu la ministre de l'Ecologie, qui revenait tout juste du sommet de l'ONU sur le climat à New York. Avant la conférence Climat en 2015 à Paris, "il y aura le Conseil européen de fin octobre" et "les pays du monde entier vont regarder si l'Europe a le courage et la volonté aussi de poser des bases solides de lutte contre le réchauffement climatique", a-t-elle déclaré. "Chaque fois que nous pourrons améliorer le texte, le gouvernement sera très ouvert aux propositions qui seront faites", a assuré aux députés Ségolène Royal, soucieuse cependant qu'il reste "bien cohérent", "efficace" et "applicable très rapidement" afin que les entreprises du secteur puissent "créer des emplois".
Avant de passer à l'examen proprement dit, plusieurs dizaines d'amendements ont été déclarés irrecevables, en vertu de l'article 40 de la Constitution, qui limite le pouvoir d'initiative financière parlementaire. Il en va ainsi des amendements concernant la contribution au service public de l'électricité (CSPE). "Comme EDF a une dette de cinq milliards d'euros sur cette question, et que l'Etat a pris le relais, cela a un impact sur le budget", a expliqué François Brottes.

Précisions sur les objectifs de la politique énergétique

Les députés ont d'abord modifié l'intitulé du titre I. Celui-ci vise ainsi à "définir les objectifs communs pour réussir la transition énergétique, renforcer l'indépendance énergétique de la France et lutter contre le changement climatique", préféré au terme de "réchauffement climatique" figurant dans la rédaction initiale. A l'article 1er, concernant les objectifs de la politique énergétique, les députés ont adopté deux amendements de Denis Baupin (EELV, Paris). L'un précise que la politique énergétique favorise désormais l'émergence d'une économie sobre en énergie, en ressources "et en carbone", l'autre qu'elle "réduit la dépendance aux importations". Selon trois autres amendements, cette politique, maintient désormais, non plus "un prix de l'énergie compétitif", mais "un coût" compétitif. Par ailleurs, elle préserve la santé humaine et l'environnement, en particulier en luttant contre l'aggravation de l'effet de serre, "les risques industriels majeurs" "et en maîtrisant le risque nucléaire". Selon plusieurs amendements identiques des socialistes, écologistes, radicaux de gauche et UMP, elle garantit aussi la cohésion sociale et territoriale en assurant l'accès de tous à l'énergie "sans coût excessif au regard des ressources des ménages". Un autre amendement porté notamment par Barbara Romagnan (PS, Doubs) ajoute qu'elle "lutte contre la précarité énergétique". Ces objectifs sont définis en cohérence avec les collectivités territoriales, les entreprises, "les associations" et les citoyens, selon un amendement d'Anne-Yvonne Le Dain (PS, Hérault). La politique énergétique garantit aux personnes les plus démunies l'accès à l'énergie, bien de première nécessité, "ainsi qu'aux services énergétiques", selon un amendement de Cécile Duflot (EELV, Paris) et Denis Baupin. Elle "donne aux citoyens et aux acteurs économiques les moyens de maîtriser leur consommation", selon un autre amendement de Denis Baupin. Un amendement de la rapporteure Marie-Noëlle Battistel (PS, Isère) prévoit aussi qu'elle diversifie de manière équilibrée les sources de production d'électricité "et d'énergie". Jean-Yves Le Déaut (PS, Meurthe-et-Moselle) et Anne-Yvonne Le Dain ont pour leur part obtenu qu'elle permette de "renforcer la formation aux problématiques et aux technologies de l'énergie de tous les professionnels impliqués dans les actions d'économie d'énergie, notamment par l'apprentissage". Les députés ont aussi posé le principe d'une hausse progressive de la contribution climat-énergie créée par la loi de finances 2014 en votant un amendement de Jean-Paul Chanteguet (PS, Indre). Le président de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale proposait initialement de "procéder à l'augmentation progressive de la contribution climat-énergie, qui, dans la perspective d'une division par quatre des gaz à effet de serre, doit atteindre en 2030 la valeur de 100 euros la tonne de CO2". Le "qui" et "doit atteindre en 2030 la valeur de 100 euros la tonne de CO2" ont été supprimés par un sous-amendement oral de la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal.
Plusieurs modifications augmentant l'objectif minimal d'efficacité énergétique ont été rejetées ou retirées. L'objectif de baisse de la consommation d'énergies fossiles reste fixé à 30% en 2030 par rapport à 2012. En revanche, il est désormais exprimé en énergie "primaire" et non plus "finale", comme écrit initialement. Un objectif en énergie finale "ne prend pas en compte la consommation de ses combustibles par le secteur énergétique, essentiellement la production d'électricité", a notamment défendu Jean-Paul Chanteguet, auteur de l'un des quatre amendements en ce sens.

Des bâtiments rénovés aux normes BBC à l'horizon 2050... sous conditions

Les députés ont ajouté enfin un nouvel alinéa à l'article 1er, avec l'adoption d'un amendement de Cécile Duflot et de Denis Baupin, qui a reçu l'avis favorable de Ségolène Royal. Il vise à "disposer d'un parc immobilier dont l'ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes 'bâtiment basse consommation' ou assimilé, à horizon 2050". Sur proposition de la rapporteure Marie-Noëlle Battistel, il a toutefois été précisé que la politique de rénovation thermique devait viser "des logements dont au moins la moitié est occupée par des ménages à revenus modestes". Cette mention visait à satisfaire les demandes de divers députés PS, UMP et radicaux de gauche, d'inscrire dans le texte l'objectif de la rénovation thermique prioritaire des logements des foyers modestes. Le président de la commission spéciale, François Brottes, s'est félicité de ce "compromis": "il faut prioriser la mise en oeuvre de la réhabilitation des bâtiments où vivent les ménages les plus modestes, sans éliminer l'idée que l'économie d'énergie concerne tout le monde", selon lui. "Sur 30 millions de logements, 4 millions sont des passoires énergétiques", a rappelé Jean-Paul Chanteguet. Cependant ces dispositions se sont heurtées au scepticisme de l'UDI Bertrand Pancher (UDI) et du chevènementiste Jean-Luc Laurent (apparenté PS). Ce dernier est "pour le volontarisme, mais de là à dire que l'ensemble du parc immobilier sera rénové en 2050, même ça on l'a pas mis dans la loi Alur" sur le logement, s'est-il exclamé, jugeant "pas réaliste" ce qu'ont fixé ses collègues.
Enfin, toujours à l'article 1er, un amendement principalement porté par Serge Letchimy (PS, Martinique) rappelle un objectif déjà prévu par la loi Grenelle I, visant "à l'autonomie énergétique dans les départements d'outre-mer en 2030, avec, comme objectif intermédiaire, 50 % d'énergies renouvelables en 2020 (30 % pour Mayotte)". "On peut regretter que l'article 1er du projet de loi ne vise pas les outre-mer", a justifié le député et président du conseil régional de cette collectivité ultramarine. L'article 2 du projet de loi, qui dispose notamment que "les politiques publiques intègrent les objectifs d'efficacité énergétique et de gestion économe des ressources", a été pour sa part été voté sans modification majeure.

Stratégie quinquennale d'investissements pour la réhabilitation thermique

Après avoir achevé le titre I, les députés ont amorcé ce 25 septembre l'examen du titre II, consacré au bâtiment. "Tous les cinq ans, un rapport est présenté par le gouvernement au Parlement, qui présente la stratégie nationale à l'horizon 2050 pour mobiliser les investissements en faveur de la maîtrise de l'énergie dans le parc national de bâtiments publics et privés à usage résidentiel et tertiaire", prévoit un amendement de la rapporteure de ce titre, Sabine Buis (PS, Ardèche). Cette stratégie comprend "une analyse détaillée du parc national de bâtiments, au regard notamment de leur performance énergétique", "une présentation des stratégies de rénovation économiquement pertinentes, en fonction des types de bâtiment et des zones climatiques", "un bilan des politiques conduites et un programme d'action visant à stimuler les rénovations lourdes de bâtiment économiquement rentables" ainsi qu'"un programme d'action visant à guider les particuliers, l'industrie de la construction et les établissements financiers dans leurs décisions d'investissement". Un autre amendement de Sabine Buis prévoit qu'"à l'horizon 2030, tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures [en énergie primaire] par mètre carré et par an doivent avoir fait l'objet d'une rénovation énergétique".
L'article 4 du texte prévoit que le PLU puisse imposer aux constructions, installations et aménagements de couvrir une part minimale de leur propre consommation d'énergie par des énergies renouvelables. Cette autoproduction est définie en fonction des caractéristiques du projet "et de la consommation des sites concernés", est venu préciser un amendement de Martial Saddier (UMP, Haute-Savoie). "En cas de surdimensionnement, l'énergie produite sera refoulée sur le réseau et sera donc susceptible de générer des pointes d'injection, qui nécessitent de coûteux renforcements du réseau", a justifié le député. Trois autres amendements prévoient que cette production pourra "être localisée dans le bâtiment, sur le secteur ou à proximité".
Par ailleurs, un amendement gouvernemental a ajouté que "les collectivités territoriales peuvent bonifier leurs aides financières ou octroyer prioritairement ces aides aux bâtiments à énergie positive". Le gouvernement a également intégré par amendement la performance énergétique dans les critères de décence des logements. Ceux-ci ne devront ni présenter de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, comme c'était le cas jusqu'ici, et désormais répondre "à un critère minimal de performance énergétique" défini, comme son calendrier de mise en œuvre, par décret.

Un "carnet de santé numérique du logement"

Enfin, la création d'"un carnet de santé numérique du logement" pour tous les immeubles privés à usage d'habitation a été entérinée par le vote d'un amendement de la rapporteure Sabine Buis, similaire à un amendement du gouvernement. Destiné à "améliorer la connaissance d'un logement par son propriétaire ou occupant et favoriser la réalisation de travaux d'amélioration de la performance énergétique", ce carnet "mentionne l'ensemble des informations utiles" à la bonne utilisation du logement, à son entretien et à "l'amélioration progressive de sa performance énergétique". Il sera obligatoire "pour toute construction neuve dont le permis de construire est déposé à compter du 1er janvier 2017 et pour tous les logements faisant l'objet d'une mutation à compter du 1er janvier 2025". Par ailleurs, un an après la promulgation du projet de loi, le gouvernement présentera au Parlement un rapport sur l'extension du carnet de santé numérique aux bâtiments tertiaires, "en particulier publics". Les modalités de sa création seront précisées par décret.
Prévu pour durer jusqu'au vendredi 26 septembre, l'examen du projet de loi en commission pourrait se poursuivre samedi. Le projet de loi passera dans l'hémicycle à partir du 1er octobre, avec une discussion détaillée des articles entre le 6 et le 10.