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Energie - Transition énergétique : les associations d'élus devant la commission spéciale de l'Assemblée

Véritables chevilles ouvrières de la réalisation de la transition énergétique, les collectivités territoriales ont développé, le 17 septembre, devant la commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la transition énergétique, leur argumentaire en faveur d'une décentralisation de la politique énergétique.

Les associations d'élus ont participé, ce 17 septembre, à une table ronde organisée par la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, présidée par le député PS de l'Isère François Brottes. L'occasion pour le président de la commission développement durable de l’Association des régions de France (ARF), Jean-Jack Queyranne, de réaffirmer la forte implication des régions. Sur le terrain de l'efficacité énergétique des bâtiments, les régions s'engagent notamment à travers les sociétés de tiers-financement et leur participation aux plates-formes de conseil et d'accompagnement qui vont être déployées dans les intercommunalités. Du point de vue de l'ARF, l’enjeu majeur réside "dans la capacité des différents acteurs publics à créer un véritable 'guichet unique' susceptible d’accompagner les ménages tout au long de leur projet de travaux, et travaillant à la fois à la structuration de l’offre de professionnels qualifiés". Parmi les sujets évoqués, on notera également, la création d'un passeport énergétique qui sera une sorte de "carnet de vie" du logement et la création d'un service public régional de l'efficacité énergétique. Autre axe d'action, celui de l'économie circulaire. Pour rappel, le projet de loi sur l'organisation territoriale de la République propose d'attribuer l'ensemble des compétences de planification relatives à la prévention et à la gestion des déchets aux régions. Pour Jean-Jack Queyranne, les enjeux de l'économie circulaire dépassent toutefois la seule question des déchets. S'agissant de la relance des énergies renouvelables, l'ARF met l'accent sur la modulation des tarifs d'achat en proposant un zonage ainsi qu'un bonus aux opérations publiques (10%) et aux opérations citoyennes (20%).

Incertitudes sur les leviers financiers

Les départements demeurent en revanche les grands oubliés du projet de loi sur la transition énergétique. Le secrétaire général de l’Assemblée des départements de France (ADF), Bruno Sido, déplore que le gouvernement ait fait le choix de se priver du concours des conseils généraux, anticipant sur la disparition de cet échelon territorial. Les départements souhaitent pourtant se mobiliser "pour des bâtiments publics exemplaires, notamment les collèges", indique-t-il. Ils ont par ailleurs un rôle majeur à jouer en matière d'ingénierie avec le développement des conseils en énergie partagés et des points infos énergie. Après avoir rappelé l’attachement de l'Association des maires de France (AMF) à l’ancrage territorial des politiques énergétiques et à la péréquation tarifaire nationale, Martial Saddier s'est quant à lui réjoui de la reconnaissance du rôle essentiel du bloc local dans la réalisation concrète de la transition énergétique. Des inquiétudes subsistent toutefois sur les leviers financiers indispensables en particulier à l’accompagnement des actions de rénovation thermique des bâtiments portées par les communes et intercommunalités et au soutien des énergies renouvelables. L'Association des communautés urbaines de France (Acuf), représentée par Hélène Geoffroy, a également fait part de ses craintes sur les risques de report de charges sur les collectivités notamment sur le sujet de la rénovation thermique des bâtiments.

Gouvernance énergétique locale

L'AMF a également pointé le risque "de voir la responsabilité des élus mise en cause si les objectifs de réduction des quantités de déchets ménagers ne sont pas atteints, d’autant plus que la filière n’est actuellement pas préparée pour atteindre de tels objectifs". Pour rappel, le texte fixe des objectifs ambitieux : réduire de 50% les quantités de déchets admis en installation de stockage en 2025, valoriser 70% des déchets du BTP à l’horizon 2020, augmenter la quantité de déchets faisant l’objet d’une valorisation matière à 55% en 2020 et 60% en 2025. Autre point faisant débat : la possibilité pour les communes ou intercommunalités de plus de 100.000 habitants de mettre en place une ou plusieurs zones à circulation restreinte, qui marque le retour des zones d'actions prioritaires pour l'air (Zapa) issues du Grenelle 2. Le représentant de l’Assemblée des communautés de France (AdCF), Jean Revereault, a pour sa part souligné les incohérences concernant le "chaînage" des documents de planification - schémas régionaux climat air énergie (SRCAE), schémas de cohérence territoriale (Scot), plans climat énergie territoriaux (PCET)... Prenant l'exemple des plans de protection de l'atmosphère, ce dernier s'est alarmé des risques de "recentralisation". Il s'agit également de respecter le principe de non tutelle d’un échelon de collectivité sur un autre, a-t-il insisté. L'Acuf a travaillé à des propositions dans le domaine de la planification énergétique, notamment en ce qui concerne un mode d’élaboration concerté des schémas régionaux climat air énergie, a relevé Hélène Geoffroy. Afin d’améliorer la conduite de véritables politiques énergétiques locales, l'Acuf souhaite également que soit confiée aux agglomérations la compétence d’autorité organisatrice de l’énergie. Sur ce volet, les associations d'élus ont salué la création d'un comité de gestion de la contribution au service public de l'électricité. Aux côtés des élus de montagne, l'AMF a fait part de son souhait que soient inscrits dans la loi sa représentation dans ce comité ainsi que la présence du bloc communal au capital dans les sociétés d’économie mixte et la possibilité que les actions conduites par les EPCI en matière d’efficacité énergétique donnent lieu à la délivrance de certificats d’économie d’énergie. L'Association nationale des élus de la montagne (Anem) suivra par ailleurs attentivement les procédures concernant le classement des cours d’eau tout comme la procédure de renouvellement des concessions hydrauliques en cours "afin de faire valoir un juste retour pour les territoires", a indiqué sa présidente, Frédérique Massat.

Philie Marcangelo-Leos / Victoires-Editions

Un rapport plaide pour une adaptation de la loi aux spécificités de l'Outre-mer
Les outre-mer doivent bénéficier de mesures spécifiques dans le cadre de la future loi sur la transition énergétique du fait des contraintes particulières qui pèsent sur leur production et leur consommation d'électricité, selon un rapport sur "l'adaptation du droit de l'énergie aux outre-mer" présenté le 17 septembre par les députés Ericka Bareigts (PS, La Réunion) et Daniel Fasquelle (UMP, Pas-de-Calais) à la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale.
La priorité de la politique énergétique dans ces territoires doit être "la diversification des sources d'approvisionnement en énergie", souligent les rapporteurs. Aujourd'hui, les outre-mer sont très dépendants des importations de pétrole et de charbon pour alimenter les centrales thermiques qui servent à produire leur électricité, et donc des évolutions du prix de ces matières premières. Pétrole et charbon représentent ainsi moins de 5% du bouquet électrique dans l'Hexagone contre 85% en Guadeloupe ou 95% à Mayotte, ce qui a également des conséquences sur les émissions de CO2 dans ces territoires.
Il y a donc une "inadaptation du modèle actuel, qui se caractérise par la vulnérabilité aux évolutions des prix des combustibles fossiles et la réalisation d'investissements coûteux dans des capacités de production polluantes", constate le rapport. D'autant que ce système "a un coût très important pour tous les Français dans le cadre de la péréquation", mécanisme qui instaure un prix unique de l'électricité avec une solidarité entre les territoires, a commenté Ericka Bareigts, en présentant le rapport. Selon elle, il faut cependant "casser les idées reçues selon lesquelles les ultramarins consommeraient au-delà du raisonnable" à cause de cette solidarité. "En moyenne un ultramarin consomme moins d'électricité qu'un hexagonal, donc c'est bien le système qui coûte cher", a-t-elle insisté.
Le rapport dénonce également la situation de certaines régions reculées de Guyane où plusieurs dizaines de milliers de personnes ne sont tout simplement pas reliées au réseau électrique et doivent donc être alimentées par des systèmes de très petite taille voire individuels très coûteux.
Pour sortir de cette dépendance aux énergies fossiles, les députés plaident pour un développement massif des énergies renouvelables, "au point mort" depuis plus d'un an. Plusieurs verrous doivent donc sauter, comme le seuil des 30% d'énergies intermittentes dans le réseau électrique qui s'applique aux zones non interconnectées (ZNI), c'est-à-dire non reliées à un réseau électrique étranger comme c'est le cas des outre-mer. Les installations d'énergies intermittentes peuvent y être déconnectées - et donc non rémunérées - dès que la puissance produite dépasse 30% de la puissance totale transitant sur le réseau. Ce risque dissuade donc les investisseurs de développer de nouvelles capacités de production d'énergies renouvelables. Si le rapport n'est pas favorable à une suppression de ce seuil qui garantit la sécurité du réseau, il estime qu'"il ne semble pas justifié d'imposer ce même seuil à tous les territoires" et pousse au développement du stockage d'électricité, "clé de voûte" de la transition énergétique dans les outre-mer.
Le rapport préconise enfin que les outre-mer reprennent la main sur la gouvernance de leur politique énergétique (fixation des tarifs d'achat de l'électricité renouvelable, gestion des appels d'offres), encore trop dépendante de dispositifs nationaux qui s'adaptent mal à leur situation spécifique. C'est notamment le cas des mécanismes d'amélioration de l'efficacité énergétique, comme le crédit d'impôt pour le remplacement des chaudières ou le fonds chaleur, qui ne sont pas adaptés à ces territoires. "Cela permettra de choisir des projets bons pour les outre-mer, alors qu'aujourd'hui des projets pourtant pertinents n'arrivent pas sur les territoires", a affirmé Ericka Bareigts. Source AFP