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Projets vélo : le grand coup de braquet des stratégies de financement

Il y a un an, Édouard Philippe dévoilait à Angers un plan de développement du vélo encore inédit dans son volet infrastructures. C'est tout logiquement dans cette même ville que le réseau Vélo et Territoires a choisi, le 26 septembre à l'occasion de ses 23es rencontres, d'en dresser un bilan. Les collectivités saisissent-elles ces nouvelles opportunités de financement ? Comment les aider à se les approprier ?

Environ 85 millions d'euros d'aides allouées cette année par l’État aux territoires. De quoi donner un coup de fouet aux projets cyclables portés par des maîtres d'ouvrage publics ! Ce record redonne en tout cas le sourire aux nombreux porteurs de projets - 325 participants cette année - qui ont répondu présents à l'appel du réseau de collectivités Vélo & Territoires. La centaine d'adhérents est presque atteinte et lors de son 23e congrès qui s'est tenu le 26 septembre à Angers, sa présidente et élue départementale de la Haute-Savoie, Chrystelle Beurrier, a souligné l'intérêt croissant des intercommunalités pour la petite reine : "Les premiers retours d'une vaste enquête Territoires, en cours de dépouillement et à laquelle 500 collectivités ont répondu, confirment cette appétence des intercos, même si elles doivent encore se doter d’outils de planification vélo". Coordinatrice du réseau national cyclable, l'association a en outre dévoilé en avant-première une carte actualisée du schéma national des véloroutes, un outil dont la définition figure désormais dans le projet de loi sur les mobilités (LOM), du moins au sortir de l’Assemblée nationale et si rien ne change d'ici son adoption définitive avant la fin de l'année.

Se mettre en selle mais ne pas tourner en rond

Les élus croisés avaient des choses à dire. Tandis que Christian Gillet, président du département de Maine-et-Loire, vante le levier d'attractivité des aménagements cyclables pour les communes traversées, Michel Fricout, conseiller départemental du Calvados, motive le sien à passer d'une logique d'itinéraire à celle de "destination vélo", à travers des circuits pensés en cohésion avec d'autres enjeux départementaux comme la valorisation des espaces naturels sensibles (ENS). Côté régional, on invite à ne pas se disperser : "La LOM fait endosser de nouvelles compétences mobilités aux EPCI. Mais gare à l'éparpillement ! A l'échelon régional, nous privilégions une approche globale. En 2020, notre schéma régional des mobilités aura le vélo pour épicentre", annonce Roch Brancour, vice-président de la région Pays de la Loire. 

Côté employeur (public ou privé), le forfait mobilité durable prévu dans la LOM, fait aussi parler. Ses prémices, avec l'indemnité kilométrique vélo (versée par l'employeur aux salariés utilisant un vélo pour leurs déplacements domicile-travail), ont déjà séduit dans la région les agents de la ville d'Angers et ceux du conseil départemental de Maine-et-Loire - avec en moyenne de 5 à 10% des effectifs qui en bénéficient. La Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) travaille pour sa part avec l'Ademe sur un dispositif de labellisation volontaire des entreprises pro-vélo. Du côté des écoles, la généralisation à l'horizon 2022 du "savoir rouler à vélo", qui doit permettre aux jeunes de se rendre au collège à vélo, est bien accueillie mais suscite des doutes en matière de financement. La coordination interministérielle pour le développement de l'usage du vélo (Ciduv) planche sur le sujet. A sa tête, Thierry du Crest, nommé il y a quinze jours, nous confie son enthousiasme à l'idée de remettre en selle une génération. 

La DSIL, un financement à ne pas négliger

Revenons-en au financement. Les 85 millions d'euros correspondent au cumul à prendre avec des pincettes de trois enveloppes de subventions allouées aux collectivités dans une logique d'appel à projets (AAP) ou à recensement. Il faut distinguer l'AAP "Vélo et territoires" (ministère de la Transition écologique/Ademe, voir notre article du 18 juin dernier) de l'AAP "Continuités cyclables" (ministère et Afitf, voir notre article du 16 septembre dernier). "On s'attend aussi au succès d'une autre enveloppe, celle attribuée par les préfectures au titre de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL, initiative 4)", observe Cécile Lagache, sous-directrice de la mission Innovation, numérique et territoires au ministère de la Transition écologique (DGITM). 

En 2018, 28 millions d'euros (estimation) provenant de la DSIL ont été fléchés vers les mobilités actives. Certaines préfectures commencent à publier les subventions attribuées pour 2019. Par exemple, en Loire-Atlantique, un coup de pouce de 70 à 100.000 euros est donné à de petits projets d'aménagements portés par des intercos comme la communauté de communes d'Erdre et Gesvres. Le responsable mobilités de cette collectivité, Wilfried Braud, ajoute qu'en prenant la compétence intermodalité sa collectivité tente de décrocher d'autres aides, par exemple pour créer 500 places de stationnement vélo dans le cadre du programme Alvéole financé par des certificats d'économies d'énergie (voir notre article du 8 février). A la FUB, qui cogère Alvéole, on estime que ce programme encore peu connu finance déjà une cinquantaine de projets en France. 

Bien vendre son projet vélo

"D'autres enveloppes départementales ou régionales, la DSID et la DETR, sont moins faciles à utiliser pour financer des projets vélo mais cela reste possible", complète Cécile Lagache. Pour mettre toutes les chances de son côté, elle conseille de "bien vendre son projet vélo et de communiquer en amont pour le rendre visible et attendu". Mieux vaut aussi veiller sur l'évolution des critères d'éligibilité des prochains AAP ministériels. L'Ademe, tout comme les services du ministère, ont été surpris par le flot de candidatures. "On avait budgété deux millions d'euros, au final c'est quinze !", confirme Marie-Christine Prémartin, directrice exécutive de l'expertise et des programmes à l'Ademe.

Le cahier des charges de l'AAP Continuités cyclables va être revu et très probablement intégrer un plafond minimum d'aide pour attirer moins de petits projets. Pour le premier relevé, 275 dossiers ont été déposés pour 152 projets retenus. L’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) va les cofinancer à hauteur de 43,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE). "La moitié des projets ont décroché une aide de plus de 500.000 euros. Pour la toucher, la collectivité devra conventionner avec l'Afitf. Les plus petits passent par le ministère et la DGITM", éclaire Christophe Béchu, président du conseil d'administration de l'Afitf et par ailleurs maire d'Angers. L'enveloppe devait atteindre à l'origine 50 millions d'euros. "C'est vrai, par conséquent il y aura très certainement un effet de rattrapage en portant l'an prochain l'enveloppe à 57 millions d’euros. L'idée n'est ni de mettre de côté des projets, ni de lisser l'aide dans le temps. Mais on ne veut pas subventionner des projets qui ne sont pas prêts", poursuit Christophe Béchu. Pour Vélo & Territoires, il faut surtout que la prochaine enveloppe touche mieux son objectif et que les financements du fonds vélo soient bien ciblés jusqu'en 2024 sur "les points durs", c'est-à-dire "les projets problématiques de discontinuités d’itinéraires sur les schémas structurants". Car c'est là que les collectivités ont le plus besoin d'aide.