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Prolongation des mandats locaux, second tour des municipales… ce que Sébastien Lecornu a dit aux sénateurs

Lors de leur rendez-vous, jeudi 9 avril, avec le ministre en charge des collectivités territoriales, les sénateurs ont eu de nombreuses questions sur le fonctionnement des assemblées locales durant la période de l'état d'urgence et l'organisation du second tour des élections municipales. L'occasion pour Sébastien Lecornu de commenter les dispositions prises récemment sur ces sujets.

 

Alors que des élus locaux en doutent parfois, Sébastien Lecornu a redit jeudi, lors d'une audition en vidéo organisée par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation (voir aussi notre article sur le volet finances de cette audition), que les résultats du premier tour des élections municipales, qui s'est tenu le 15 mars, sont "définitifs" pour les communes où le conseil municipal est à présent au complet – ce qui est le cas de plus de 30.000 communes. À la seule condition bien sûr, a précisé le ministre, que ces résultats ne fassent pas l'objet d'un recours devant la justice.
Toutefois, en raison de la crise sanitaire, la loi d'urgence du 23 mars a reporté le début du mandat des nouveaux élus. Y compris celui des maires et des adjoints qui auraient été intronisés par les conseils municipaux entre le 20 et le 22 mars. La loi précise que "les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour (…) entrent en fonction à une date fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020, aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l'analyse du comité de scientifiques" (celui qui conseille le gouvernement). Le texte indique encore que "la première réunion du conseil municipal se tient de plein droit au plus tôt cinq jours et au plus tard dix jours après cette entrée en fonction."
Paraphrasant la loi, Sébastien Lecornu s'est dit "persuadé" qu'il faudra installer "le plus rapidement possible" les conseils municipaux réputés complets à l'issue du premier tour, en tout cas "dès que les conditions sanitaires sur le terrain le rendront possible." En effet, "c'est en installant aussi de la démocratie locale issue du suffrage du 15 mars que l'on fera redémarrer la machine", a-t-il considéré.
Pendant la période du confinement, il n'est en tout cas pas possible d'organiser la première séance des conseils municipaux élus le 15 mars, y compris en visio ou en audioconférence. En effet, ces techniques n'offrent pas de garanties concernant l'élection à bulletin secret du maire et des adjoints.

"Tensions" entre équipes sortantes et nouveaux élus

Pour l'heure, les conseillers municipaux qui étaient en exercice avant le 15 mars, conservent leur mandat. Les exécutifs et les assemblées délibérantes exercent l'intégralité de leurs attributions : leur action n'est pas limitée à la gestion des "affaires courantes", comme c'est le cas pendant la période comprise entre les deux tours d'une élection et jusqu'à l’installation des nouveaux élus. Pour ne pas empêcher les communes et intercommunalités d'agir pour faire face à la crise, "nous nous sommes refusés collectivement à introduire la notion d'affaires courantes (dans la loi d'urgence)", a rappelé le ministre.
Par ailleurs, toujours pour leur permettre d'agir en cette période d'épidémie, une ordonnance du 1er avril autorise les collectivités territoriales et leurs groupements à organiser la réunion de leur organe délibérant "par visioconférence ou à défaut audioconférence." Une séance au cours de laquelle les votes ne peuvent alors avoir lieu qu'au scrutin public. De premières réunions de conseils municipaux ont eu lieu cette semaine sous cette forme, a relevé le ministre. Il fallait aussi que les départements tiennent une commission permanente. Ils ont "de grosses urgences, parce qu'il y a un besoin de décisions pour les bourses et l'accompagnement social." Au passage, Sébastien Lecornu a estimé que la réunion en téléconférence de la commission permanente d'un département ou d'une région est "un progrès" qu'il faudra pérenniser après la période de l'état d'urgence sanitaire. Il faut rappeler, à ce sujet, que dans les intercommunalités à fiscalité propre, la réunion du conseil communautaire pourra à l'avenir se tenir de manière dématérialisée, dans des conditions qui seront fixées par décret en Conseil d'État. Ce nouveau droit figure dans la loi Engagement et proximité du 27 mars 2019.
Informé par des sénateurs que la prolongation des mandats des équipes sortantes est, ici ou là, source de "tensions" avec les élus définitivement désignés par les électeurs dès le 15 mars, le ministre a estimé que c'était "bien dommage" et a appelé à une "éthique républicaine".

Si le second tour des municipales est reporté

S'agissant de l'éventualité d'un report du second tour des élections municipales au-delà du mois de juin, dans le cas où l'épidémie perdurerait, Sébastien Lecornu a déclaré que la date de mars 2021, qui circule dans la presse, n'a "aucune consistance politique" et n'a encore moins d'"existence en droit". Il a aussi été interrogé sur la manière dont les organes délibérants des intercommunalités pourraient siéger, si ce second tour devait être reporté au-delà de juin. Si cela devait arriver, cela poserait des questions épineuses en particulier dans les EPCI à fiscalité propre comprenant des communes où le conseil municipal a été renouvelé intégralement le 15 mars et d'autres communes où un second tour doit se tenir. Qu'en sera-t-il des conseillers communautaires qui ont été battus dès le premier tour de l'élection municipale ? Une première option consiste à prolonger quand même le mandat de ces élus sortants. Mais, "à titre personnel, je n'y suis pas très favorable", a confié le ministre. Une deuxième lecture, a-t-il poursuivi, permet de considérer que le conseiller communautaire n'a guère de légitimité - surtout s'il s'agit du président de l'intercommunalité - et à le remplacer par un autre élu, dans l'ordre du "tableau".
Sébastien Lecornu a aussi salué la continuité "remarquable" des services publics - tant sur le plan local que national - durant cette période. "Le service public tient", s'est-il félicité.
S'agissant des finances locales qui vont être fragilisées par la crise, le ministre a voulu rassurer : les dotations que l'État verse aux collectivités ne baisseront pas et il n'y aura "pas de panne" des recettes locales (sur les déclarations de Sébastien Lecornu concernant les finances, voir notre papier dédié, dans cette édition).