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Quand l'Injep évalue… les protocoles d'évaluation des cités éducatives

Un an et demi après la mise en place des premières cités éducatives, l'Injep s'est intéressé à leurs protocoles d'évaluation. Une étude qui éclaire sur les modes de gouvernance mais aussi sur les actions prioritaires des cités éducatives.

Les cités éducatives ont été lancées à la rentrée 2019 et leur expérimentation doit durer trois ans. Où en sont-elles à mi-parcours ? Dans une note thématique publiée fin février 2021 et intitulée "Analyse des protocoles de suivi et d’évaluation des 'cités éducatives'", l'Injep (Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire) fait le point à travers un prisme original : l'évaluation des évaluations.

En d'autres termes, l'étude se penche sur les protocoles d'évaluation de 51 des 80 cités éducatives installées depuis l'origine de l'expérimentation. Pour rappel, ces dernières ont été mises en place au sein de quartiers prioritaires politique de la ville pour "intensifier les prises en charges éducatives des enfants et des jeunes, de 0 à 25 ans, avant, pendant, autour et après le cadre scolaire". Elle associent tous les acteurs éducatifs (Éducation nationale, commune et intercommunalité, préfecture, caisse d’allocations familiales, associations, etc.). Pour assurer au mieux leur fonction et rendre compte de leur action, les cités éducatives font l'objet d'une démarche d’évaluation systématique. Évaluation qui est formalisée à travers un protocole prévu par la convention-cadre qui lie l'État et la collectivité porteuse du projet.

Que vise cette démarche d'évaluation ? D’une part à savoir si les actions ont bien été déployées comme prévu et si elles se sont montrées pertinentes et efficaces. D’autre part, à en savoir plus sur les effets de la cité éducative et de sa gouvernance sous l’angle des coopérations et du partenariat, du climat scolaire, des parcours scolaires et de la parentalité.

Gouvernance

En termes de gouvernance de l'évaluation, l'Injep distingue plusieurs types d'organisation. D'une part, un modèle majoritaire s'appuyant sur "un pilotage partagé, assuré par un comité d’évaluation spécifique ou via l’association du Copil de la cité éducative à un comité technique". Le second modèle, qui concerne environ un tiers des cités éducatives, consiste en un "pilotage resserré, assuré par le Copil ou le chef de projet de la cité éducative, éventuellement associé à un prestataire". Parmi les autres modèles de gouvernance de l'évaluation, on trouve encore la "consultation transversale qui repose avant tout sur une mobilisation des usagers à grande échelle" ou la "consultation en grappe qui repose avant tout sur des groupes thématiques".

L'Injep souligne que "les cités éducatives dans leur majorité ont donc fait l’effort (à des degrés différents) de garantir un certain pluralisme dans les instances". Celles-ci se sont également outillées en recourant à des observatoires de la réussite éducative qu'elles ont, soit constitués au niveau local, soit intégrés quand ils existaient au niveau départemental voire régional. Les centres de ressources de la politique de la ville (CRPV), des cabinets d’études ou des centres de recherche ont par ailleurs pu être mobilisés. La note émet toutefois bémol : "À la lecture des protocoles, on observe un besoin de mieux structurer l’articulation entre les instances et d’être plus précis dans la définition des rôles, des prérogatives et des relations des différentes parties prenantes de l’évaluation."

Prestataires externes

On notera également à propos de la mise en œuvre de l'évaluation que "globalement, […] les cités éducatives qui ont le plus de moyens et qui touchent le plus de jeunes sont celles qui ont les protocoles les plus aboutis". Ou encore que "la taille de la cité est un facteur déterminant dans la mobilisation de prestataires externes". Ce recours à un prestataire externe s'observe dans les cités de taille moyenne ou grande et s’explique par des besoins importants en matière d’accompagnement du fait du nombre de jeunes concernés, et par un budget plus conséquent.

Mais au delà de cette évaluation des évaluations, la note de l'Injep est encore intéressante sur un point : elle nous en apprend beaucoup sur les projets portés par les cités éducatives. "Il apparaît que les dimensions les plus investies dans les protocoles d’évaluation sont celles relatives à l’école", pointe la note. La construction du parcours, l’orientation, la réussite scolaire, le lien école/parents et le climat scolaire sont ainsi traités en priorité.

Les plus jeunes et les plus grands oubliés

L'étude des évaluations met également en lumière le public visé par les actions des cités éducatives. Celles-ci sont "davantage centrées sur le public scolaire (collégien et éventuellement lycéen)". Et la note de regretter : "Les enfants en bas-âge ou le public 16-25 ans sont rarement ciblés comme publics prioritaires dans l’évaluation." Les dispositifs de lutte contre le décrochage pour les jeunes majeurs, les lycées professionnels, les centres de formation d’apprentis (CFA), les établissements d’enseignement supérieur ou encore les acteurs économiques sont peu évoqués dans les protocoles d’évaluation. Ce qui peut apparaître paradoxal si l'on considère, comme la note le rappelle, que l'objectif des cités éducatives est d'agir sur le parcours des enfants et des jeunes de 0 à 25 ans au niveau scolaire et périscolaire. En revanche, "il est souvent fait référence dans les projets à des actions visant le renforcement de l’implication des parents", une dimension elle aussi centrale dans la philosophie des cités éducatives.

En conclusion, la note déplore "d’importantes difficultés pour la majorité des territoires à constituer une démarche d’évaluation complète". Certaines cités éducatives sont ainsi "plus isolées et semblent démunies sur la construction du protocole". Et ce d'autant plus que "le cadre actuel semble trop peu facilitant".

On compte actuellement 120 cités éducatives. Elles bénéficient d'un fonds de 100 millions d’euros sur la période 2019-2022.