Institutions - Qui sont les commissaires européens en charge des dossiers régionaux ?
Après un suspense savamment cultivé par l'équipe de Jean-Claude Juncker, les responsabilités des vingt-huit commissaires qui présideront aux destinées de l'UE pendant les cinq années à venir ont été dévoilées le 10 septembre. Si le Luxembourgeois ordonne à ses troupes d'avoir l'esprit d'équipe et de conjurer le travail "en silo", aucun bouleversement majeur n'est à noter du côté des portefeuilles intéressant les collectivités.
Politique de cohésion
Confiée pendant la période précédente à Johannes Hahn, un conservateur autrichien, la politique régionale passe aux mains d'une socialiste roumaine, Corina Cretu. Une promotion qui amènera cette élue à quitter le Parlement européen, dont elle était vice-présidente depuis juillet dernier, pour rejoindre le Berlaymont.
Elue députée européenne après l'adhésion de la Roumanie à l'UE, elle n'a jamais siégé à la commission du développement régional. Sa désignation s'est faite au détriment de Dacian Ciolos, ex-commissaire roumain en charge de l'agriculture, dont la candidature a finalement été écartée pour combler le manque de femmes au sein de la Commission européenne. La lettre de mission adressée par Jean-Claude Juncker donne un aperçu de son futur agenda. Le Luxembourgeois compte sur elle pour développer "au maximum" les outils financiers innovants. En clair, recourir aux "prêts et garanties plutôt qu'aux subventions". Elle sera également amenée à travailler conjointement avec Pierre Moscovici, propulsé commissaire aux affaires économiques, ainsi qu'avec le Letton Valdis Dombrovskis, vice-président en charge de la zone euro, afin de prendre en compte les liens nouvellement créés par les règlements de 2013 entre l'octroi des fonds structurels européens et la "gouvernance économique". Des possibilités de suspension de fonds ont été introduites dans les règlements de 2013, pour sanctionner les Etats qui commettent de sérieux dérapages budgétaires ou ne suivent pas les recommandations de réforme de la Commission. A l'inverse, les Etats qui font des efforts de réformes tout en rencontrant des difficultés économiques peuvent bénéficier d'une augmentation du taux de cofinancement européen pour financer leurs projets.
Corina Cretu sera également en prise avec l'éternel débat sur l'accélération des dépenses de fonds européens, à l'heure où certains responsables politiques évoquent désormais une "crise de l'investissement" en zone euro. Dans la lettre de mission, Jean-Claude Juncker établit un lien direct entre cet objectif et la mise en oeuvre d'un plan de relance à l'échelle européenne, suggérant ainsi qu'une partie du programme de 300 milliards d'euros d'investissement annoncé en juin dernier comprendrait des dépenses de fonds structurels.
Affaires sociales et emploi
Le portefeuille revient à une personnalité de haut niveau avec la Belge Marianne Thyssen, qui emboîte le pas au social-démocrate hongrois Laszlo Andor. Ex-présidente du parti flamand de centre droit (CD&V), elle est élue comme députée européenne depuis 1991. Pendant son dernier mandat, elle s'est illustrée sur les questions économiques, se chargeant des négociations sur la supervision bancaire et signant un rapport sur la zone euro comprenant des propositions plutôt sociales (services publics de haute qualité, salaires décents, accès à des logements abordables et aux logements sociaux…)
Dans sa lettre de mission, Jean-Claude Juncker lui confie le soin de veiller à la mise en oeuvre de la directive sur le détachement des travailleurs, tout en envisageant un réexamen "ciblé" du texte. Face à la recrudescence de fraudes (accidents non déclarés, charges non versées…), l'affectation temporaire de travailleurs dans un autre pays européen est devenue un motif de dénonciation d'une Europe "anti-sociale".
L'accélération de la mise en oeuvre de la garantie jeunesse est enfin visée. Pour le moment, seules la France et l'Italie sont en mesure de percevoir les fonds européens prévus à cet effet.
Les dossiers éducation, culture, jeunesse et citoyenneté ont été confiés au conservateur Tibor Navracsics, jusque-là ministre des Affaires étrangères de la Hongrie.
Transports
Le très sensible portefeuille des transports incombe au social-démocrate slovaque Maroš Šefčovič, qui succède à l'Estonien libéral Siim Kallas. Déjà membre de la Commission sous la présidence Barroso, ce parfait francophone avait fait bonne impression lorsqu'il était en charge des relations interinstitutionnelles. Un poste qui lui a permis de nouer des relations étroites avec les administrations des différents pays, avec lesquelles il a négocié pour développer les échanges de fonctionnaires entre l'UE et les capitales.
Ce diplomate de profession se voit confier en premier lieu la responsabilité de développer les investissements en matière de transports. Les fonds du budget européen, le plan de Jean-Claude Juncker à 300 milliards d'euros, ainsi que les emprunts obligataires du secteur privé (project bonds) doivent y concourir.
Une autre tâche encore plus délicate l'attend, avec la négociation du quatrième paquet ferroviaire. Un ensemble de textes proposés en janvier 2013 par la Commission européenne, qui souhaite libéraliser les liaisons ferroviaires nationales (TGV, TER, Intercités etc. ) d'ici 2019.
Agriculture
Le Roumain Dacian Ciolos, de centre gauche, fait place à Phil Hogan, un Irlandais de centre droit, ex-ministre de l'Environnement. Si son portefeuille concerne plus l'Etat que les régions, il aura à veiller à la mise en œuvre des fonds d'aide au développement rural (Feader), qui entrent dans le domaine de compétences des conseils régionaux. Ces derniers vont en assurer la gestion pour la période allant de 2014 à 2020.
Environnement et affaires maritimes
Jean-Claude Juncker a décidé de rassembler les portefeuilles de l'environnement et de la pêche sous un même chapeau, ce qui n'était pas le cas dans la Commission Barroso. Un choix qui déplaît à l'eurodéputé Alain Cadec (UMP) : “La pêche a évidemment une dimension environnementale essentielle mais il est extrêmement dangereux de ne la considérer que sous cet angle”, estime-t-il.
C'est le Maltais Karmenu Vella, du parti travailliste, qui aura la charge de ces dossiers.
Energie et climat
L'ancien ministre espagnol de l'Agriculture Miguel Arias Canete (Partido Popular) sera à la tête des directions générales de l'énergie et du climat. La décision de confier à un seul commissaire les deux portefeuilles, séparés dans la commission précédente, est critiquée par les écologistes et certaines ONG. Ils craignent que la politique climatique ne figure plus en haut de l'agenda européen.
L'Espagnol est un fin connaisseur de la politique européenne. Il a siégé au Parlement européen entre 1986 et 1999, où il a présidé les commissions de la pêche et de la politique régionale.
Marché intérieur
La Polonaise de centre-droit Elżbieta Bieńkowska obtient le marché intérieur, l'industrie et l'entreprenariat. Ministre des Infrastructures et du Développement dans le gouvernement polonais conservateur, elle était notamment en charge de la répartition des fonds européens dans son pays, premier bénéficiaire dans l'UE. Elle s'oppose donc à toute tentative de réduction du budget dans ce domaine.
Entre 2007 et 2013, le portefeuille relevait des compétences de Michel Barnier, qui a notamment porté les réformes sur les marchés publics et les concessions.
Recherche-innovation
Le portefeuille est confié au Portugais Carlos Moedas, de centre-droit, qui aura dans ses attributions la mise en oeuvre du programme Horizon2020, dédié à la recherche et l'innovation.
Numérique
Ce n'était pas le portefeuille que l'Allemand convoitait en priorité. Issu de la CDU, le parti d'Angela Merkel, Günther Oettinger était en charge de l'Energie au sein de la précédente Commission. Il avait exprimé le souhait de conserver ce portefeuille mais sera pourtant en charge de l'économie digitale et de la société de l'information. Il devra participer à la mise en oeuvre du plan d'investissements de 300 milliards d'euros annoncé par Jean-Claude Juncker sur la partie relative au développement du réseau. Il devra ensuite boucler des dossiers comme le paquet télécom, le règlement sur les données personnelles, la directive sur la conservation des données, l'accord avec les Etats-Unis encadrant le transfert des données pour les enquêtes judiciaires, la réforme du droit d'auteur ou la cybersécurité.