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Réception tacite des travaux : le comportement de l'acheteur pris en compte

Dans un arrêt du 26 mars 2018, le Conseil d’Etat a tranché une affaire relative à la réception tacite de travaux. En l’espèce, il a jugé que les agissements du maître d’ouvrage constituaient un "faisceau d’indices" permettant de caractériser une réception tacite des travaux.

En l’espèce, la société française du tunnel routier de Fréjus (SFTRF) exploite, pour sa partie française, ce tunnel reliant la France à l’Italie. Seize ans après la mise en service de ce tunnel, la SFTRF avait lancé un marché de travaux pour le "remplacement de l’ensemble des équipements et matériels permettant les visites régulières du puits de ventilation verticale". Autrement dit, les travaux consistaient en la mise en place d’une nouvelle nacelle de contrôle, également appelée "skip de visite". La réception des travaux a été prononcée avec des réserves en novembre 1998. En 2006, des dysfonctionnements sur la nacelle ont conduit le maître d’ouvrage à demander une expertise afin de savoir s’il pouvait engager la responsabilité contractuelle des constructeurs. Il a ensuite saisi le tribunal administratif (TA) de Grenoble d’un recours tendant à l’indemnisation des désordres affectant la nacelle de contrôle. Sa demande de condamnation solidaire des constructeurs et du maître d’œuvre à hauteur de 1.433.725 euros a toutefois été rejetée par le TA, puis la cour administrative d’appel (CAA) de Lyon. La SFTRF a alors saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation.
Ce dernier a confirmé l’arrêt de la CAA. En effet, alors que la réception avait été prononcée avec des réserves, la SFTRF a agit de telle manière que le Conseil d’Etat a considéré qu’elle avait "entendu procéder à la réception tacite de l’ouvrage litigieux". Cela a une conséquence fondamentale car en l’absence de réserves, la responsabilité contractuelle des entrepreneurs ne peut plus être engagée pour ces désordres. En l’espèce, les juges de cassation ont considéré que trois éléments permettaient de considérer que la SFTRF avait tacitement réceptionné l’ouvrage : la conclusion d’un avenant avec l’une des sociétés titulaires postérieurement à la réception avec réserves, les multiples utilisations de la nacelle ainsi que le règlement total du solde du marché en 2002. Ce "faisceau d’indices" entraînant la réception tacite de la nouvelle nacelle de contrôle, les réserves émises sur cet ouvrage ne permettaient donc plus à la SFTRF d’engager la responsabilité contractuelle des titulaires de ce marché de travaux. Le Conseil d’Etat a donc rejeté le pourvoi du maître d’ouvrage. Cette jurisprudence permet de rappeler aux collectivités la rigueur dont elles doivent faire preuve suite à la réception du marché. Un paiement du solde du marché, sans déductions dues à l’émission de réserves, peut notamment fermer la porte de certains recours contentieux.

Référence : CE, 26 mars 2018, n° 406208
 

 

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