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Réforme de l'apprentissage : une transition tumultueuse

A un peu plus de dix jours de la grande bascule de l'apprentissage des  régions aux branches professionnelles, l'édifice est tout juste consolidé. Le budget 2020 voté le 19 décembre fixe les trois enveloppes destinées aux régions, notamment pour soutenir les CFA des zones rurales ou spécialisés dans les métiers rares. Et le gouvernement s'est récemment attelé à sécuriser le financement de France compétences... 

Au regard des chiffres, l’apprentissage ne s’est pas aussi bien porté depuis longtemps. Les signatures de contrats dans le secteur privé ont augmenté de 8,1% en septembre sur un an (la rentrée de septembre étant généralement un bon indicateur). Ce qui a occasionné ces dernières semaines une querelle entre les régions et le ministère du Travail quant à la paternité de ces résultats. Les régions rappellent qu’elles sont encore compétentes jusqu’à la fin de l’année, date à laquelle elles transmettront le flambeau aux branches professionnelles comme le prévoit la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018. Mais elles sont aussi accusées par certains CFA d’avoir fortement baissé leurs subventions, anticipant leur sortie du jeu… Quoi qu’il en soit, le nouveau système de financement reposant sur les "coûts contrats" n’est pas encore stabilisé que cette montée en puissance des contrats suscite des craintes sur la solidité de l’édifice. Quelque 360.000 contrats vont basculer au 1er janvier 2020. Le ministère a pris les devants en autorisant France compétences (la nouvelle structure nationale qui centralise la taxe d’apprentissage et redistribue les crédits)… à recourir à l’emprunt en cas de problème.  Et à accorder des avances remboursables aux Opco (les organismes collecteurs qui, dans chaque branche, servent d’intermédiaire entre France compétences et les CFA payés désormais au contrat).

Fonds de soutien pour les zones rurales

Les régions ont en revanche obtenu sur le fil une maigre consolation. Le budget 2020 voté de manière définitive le 19 décembre contient trois enveloppes destinées aux régions qui pourront continuer à exercer une compétence facultative. En effet, à compter de 2020, elles se verront attribuer par France compétences deux enveloppes qui leur permettront de soutenir les CFA quand des besoins d’aménagement et de développement du territoire qu’elles identifient le justifient : 180 millions d’euros pour les dépenses d’investissement des CFA et 138 millions d’euros pour leurs dépenses de fonctionnement. Ces montants n’ont pas évolué à l’issue du débat parlementaire. Et ils constituent une grande déception pour les régions : pour la seconde (destinée à couvrir les frais de fonctionnement dans le cadre d’une péréquation territoriale), le gouvernement s’était engagé à une enveloppe de 250 millions d’euros au lieu des 138 votés par le Parlement. Avec ce fonds de soutien, les régions veulent pouvoir maintenir les CFA des zones rurales ou spécialisés dans les métiers rares (un arrêté doit venir préciser début 2020 la répartition des crédits entre les régions).

50 millions de plus à la dernière minute

Reste la troisième enveloppe consacrée à la compensation de la perte de la compétence apprentissage. Puisque, avec la réforme, les régions perdent le bénéfice des 51% de taxe d’apprentissage qu’elles percevaient jusque-là, dont une part était consacrée à leurs dépenses de formation professionnelle. Le budget initial prévoyait 218 millions d’euros (conformément à l’engagement pris par le Premier ministre Edouard Philippe, lors du dernier congrès des régions). En bout de course, les députés ont voté, le 17 décembre, un amendement du gouvernement prévoyant une rallonge de 50 millions d’euros, soit un total de 268 millions d’euros. Cette somme servira notamment à liquider le stock de primes versées aux employeurs d’apprentis (cette prime a été supprimée au 1er janvier 2019, il s’agit d’aller au bout des contrats signés avant cette date). Mais les régions en attendaient 80 millions d’euros…

Très hostiles à la réforme depuis le début (à l'exception de certains présidents comme Xavier Bertrand), les régions n'en démordent pas : elle va surtout profiter "aux CFA rattachés à de grandes branches comme l’IUMM ou le BTP", prévenaient-elles, dans un communiqué du 10 décembre. Et elle "place en danger de mort près d’un tiers des CFA qui forment des boulangers, des électriciens, des charpentiers...". La pilule a encore bien du mal à passer.

 

 

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