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Transports - Réforme territoriale : quels impacts sur les transports de personnes ?

La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) a organisé le 29 octobre à l'Assemblée nationale un colloque sur les rapports entre réforme territoriale et transports qui a rassemblé quelque 200 participants. De la redistribution des rôles entre les différents niveaux de collectivités à la concurrence entre les modes de transport, les nombreux défis à relever ont été disséqués.

Article initialement publié le lundi 2 novembre 2015

Quelles conséquences va très vite avoir la réforme territoriale - loi Maptam et loi Notr - sur l'organisation des transports urbains, départementaux et régionaux de personnes ? Cet enjeu d'actualité était au cœur du colloque organisé le 29 octobre à Paris, au Palais Bourbon, par la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut). Pour Charles-Eric Lemaignen, président de l'Assemblée des communautés de France (ADCF), de la communauté d'agglomération d'Orléans-Val de Loire et vice-président du Groupement des autorités responsables de transport (Gart), "la redistribution des compétences des collectivités va clarifier les choses puisqu'il y aura désormais deux acteurs et moins d'éclatement des responsabilités, avec d'un côté les régions, de l'autre les intercommunalités". Aux premières les transports ferroviaires en TER, les transports scolaires et interurbains. "Et aux secondes, le transport urbain, car la loi Notr consacre le poids des communautés de communes", poursuit-il. "Toutes les communes vont devoir intégrer une structure intercommunale d'au moins 15.000 habitants, moins pour les territoires peu peuplés et zones de montagne. Ce seuil des 15.000, je l'aurais aimé plus élevé. Pour qu'il colle mieux aux bassins de vie", regrette André Vallini, secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale. Essentielle pour organiser les transports, cette notion de bassin de vie reste également, aux yeux d'Olivier Régis, conseiller municipal de Bezons (Val-d'Oise) et président du Forum pour la gestion des villes, "un peu trop souvent oubliée".

Réduire les doublons

La création des métropoles va aussi changer la donne. Au 1er janvier 2016, Aix-Marseille-Provence deviendra par exemple la plus vaste entité métropolitaine de France. D'un tel regroupement, Pierre Reboud, à la tête de la Régie des transports marseillais (RTM), attend la réalisation de progrès en matière de tarification des services de transport. "Il y aura partout l'atteinte d'une meilleure cohérence, entre des lignes qui auparavant faisaient doublon", ajoute Charles-Eric Lemaignen. Nullement caché, le but est de générer des économies. "C'est l'esprit de cette réforme. La dépense publique locale ne cesse de gonfler, sous la pression des citoyens qui veulent toujours plus d'équipements, mais sans payer plus d'impôts locaux. Il a fallu embaucher des fonctionnaires pour faire tourner ces services. Ce n'est plus possible, il faut réduire la voilure. Et viser des gains, y compris dans l'organisation des transports", explique André Vallini.

En région, une opportunité unique

La nouvelle carte des régions va impacter l'offre TER régionale et interrégionale. Avec là aussi, une quête de simplification. "Mais ce ne sera pas aisé. En devenant chefs de file, les régions vont récupérer des situations très hétérogènes, surtout sur le plan contractuel", prévient Jean-Pierre Farandou, président de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP). Il y voit néanmoins une occasion unique de refonder des politiques transports et d'optimiser l'offre, "qui est bonne mais peut être améliorée". Pour réussir cette mise en partition, la détermination des élus régionaux sera essentielle, "un peu d'abnégation des conseillers départementaux aussi", ajoute-il, en faisant référence au transfert des transports scolaires des départements aux régions. Ces dernières se contenteront-elles de "sous-traiter" aux premiers cette compétence, comme la loi Notr le permet ? "Nous verrons à l'usage", indique prudemment Charles-Eric Lemaignen.

Train et autocar, des liaisons dangereuses ?

"Pour améliorer les gares routières, grandes oubliées de la Loti [loi d'orientation des transports intérieurs du 30 septembre 1982, ndlr], il y a aussi du travail. Car nul bon déplacement sans bonne gare", complète Jean-Pierre Farandou. Ces pôles de transport se retrouvent en première ligne avec le renforcement en vue des articulations entre train et autocar. L'ouverture du marché domestique de l'autocar, permis par la loi Macron, en effet s'accélère et plusieurs opérateurs s'activent pour couvrir le territoire. "Nous relierons des villes mais pas avec la même fréquence que le ferroviaire, donc sans lui faire frontalement concurrence et plutôt comme une alternative", assure Jérôme Nanty, secrétaire général du groupe Transdev. Autre opérateur, la compagnie allemande FlixBus, reliant Paris et Clermont-Ferrand. "Elle vient de déclarer ses trois premières liaisons au régulateur", annonce Anne Yvrande-Billon, vice-présidente de la nouvelle Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer). Ces trois liaisons concernent quatre villes (Lons-le-Saunier, Dijon, Brive-la-Gaillarde, Limoges) et trois régions (Bourgogne, Franche-Comté, Limousin). Les autorités organisatrices des transports (AOT) concernées ont deux mois pour saisir l'Arafer si elles s'estiment lésées par rapport à leurs liaisons conventionnées. "Mais la saisine doit s'appuyer sur des données de trafic et de recettes. Et ce sont à elles d'apprécier le périmètre impacté. Or elles nous ont fait savoir, via une consultation qui vient de se clore, qu'elles ont toujours des difficultés pour obtenir ces données auprès de leurs délégataires", relève Anne Yvrande-Billon.

La concurrence intermodale, nouveau terrain de jeu

Avec cet exercice d'appréciation de la concurrence intermodale s'ouvre ainsi un nouveau chantier en France, "sur lequel il y a peu d'analyses, des modèles en développement et des innovations certaines à réaliser", ajoute Anne Yvrande-Billon. "Cette concurrence, du covoiturage puis de l'autocar, nous donne un sérieux coup de pied aux fesses pour s'activer et récupérer de la clientèle. Dans les Intercités, elle a chuté et est boudée par les jeunes, à qui il faut redonner goût au train", rebondit Jean Ghedira, patron de l'activité Intercités. Sur Nantes-Bordeaux, le covoiturage aurait ravi 15% de sa clientèle. En s'alignant via une offre week-end sur les tarifs covoiturage (35 euros en train, 38 euros en covoiturage), le Paris-Bordeaux refait à nouveau le plein. "Nous allons faire de même pour les destinations vers Nantes et Strasbourg", ajoute-il. "Il est bon que le transport ferroviaire se challenge enfin !", réagit-on à la Fnaut. Et la salle d'applaudir lorsque Jacques Auxiette, président de la région des Pays de la Loire et de la commission infrastructures et transports de l'Association des régions de France (ARF), a souligné que "le ferroviaire a encore un avenir en France, mais que cela suppose d'y croire, d'améliorer sa performance industrielle, sans faire reposer tous les efforts sur les régions, qui sont ses principaux financeurs".
 

 

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