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Réforme territoriale - Régions et CCI confirment leur rapprochement

Le président de l'ARF souhaite renforcer le partenariat des régions avec les CCI. Il propose notamment de les associer davantage à l'élaboration du SRDEII sous forme de "conventions d'objectifs". Il préconise aussi une "concertation préalable" aux conférences territoriales de l'action publique pour discuter notamment de l'avenir des agences départementales de développement... Quant aux départements eux-mêmes, il les voit cantonnés dans un futur proche aux "interstices" délaissés par les futures agglomérations...

Le style a changé. Pas le fond du discours. "Nous n'avons jamais osé aller au bout de la régionalisation", a déclaré le nouveau président de l'Association des régions de France (ARF), Philippe Richert, mardi 23 février, pour sa première intervention publique, devant l'assemblée générale des chambres de commerce et d'industrie, à Paris. Pour un peu, on aurait cru entendre les élans régionalistes de son prédécesseur, Alain Rousset. Car pour l'ancien ministre des Collectivités territoriales de Nicolas Sarkozy, la réforme territoriale, encore fumante, s'est arrêtée au milieu du gué. Les treize grandes régions sont là et "aucune alternance politique ne reviendra sur ce schéma. Je ne crois pas que d'un coup de baguette magique, on va revenir au système antérieur", a assuré Philippe Richert. C'est pour lui "un changement d'échelle considérable" : quatre à cinq des régions XXL françaises font partie des dix plus grandes régions d'Europe. Seulement, en l'état, elles s'apparentent plutôt à des géants aux pieds d'argile, à des pachydermes trop lents à se mouvoir comparées à leurs voisines bien mieux dotées… L'ensemble des Lander allemands dépensent "10 milliards d'euros par an pour accompagner l'innovation vers l'usine 4.0", quand "le chiffre aggloméré des régions française est de 600 millions d'euros". "Comment voulez-vous donner les mêmes chances de compétitivité aux uns et aux autres", a lancé le président de l'Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine. Une région de 57.000 km2, grande comme deux fois la Belgique pour un budget de 2,5 milliards d'euros. A titre de comparaison, le "petit" Bade-Wurtemberg voisin d'une surface de 35.000 km2 a un budget de 40 milliards d'euros !

Les départements s'occuperont des "interstices"

Au-delà des périmètres et des moyens, Philippe Richert a invité à se projeter dans un proche avenir pour voir les effets de la réforme territoriale au regard des compétences et de la carte intercommunale. "La région va se retrouver dans une organisation territoriale tout à fait nouvelle." D'ici 2022/2023, "l'agglomération de Reims va grossir, va prendre les communautés de communes autour (…). La moitié de l'agglomération sera en territoire rural", a-t-il prédit. Cette combinaison urbain-rural au sein des nouvelles agglomérations laissera le département réduit à la portion congrue : "Que seront encore les départements ? Ils s'occuperont des interstices et de ceux qui se trouvent sur les marches." "La réalité va s'inscrire très vite", a prophétisé Philippe Richert, écornant au passage les "inerties" qui freinent les réformes. "Nous sommes dans notre pays habitués à nous battre pour que rien ne change. Si l'on dépensait autant d'énergie à construire (…), le pays irait beaucoup mieux."
A côté de la réforme territoriale, le deuxième grand défi relevé par le président de l'ARF est le développement économique. Et ce n'est pas un hasard si sa première intervention s'est déroulée au côté des CCI. S'il ne va pas jusqu'à parler de "couple région-CCI", comme le fait CCI France, il voit dans le triptyque CCI-régions-agglomérations une clé du rayonnement de la France en Europe. Il souhaite à ce titre aller au-delà de la loi Notr dans l'élaboration des SRDEII (schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation). La loi prévoit que le schéma est élaboré par la région en concertation avec les métropoles et après consultation des chambres consulaires au sein de la conférence territoriale de l'action publique (CTAP). "Je veux aller beaucoup plus loin", a-t-il déclaré, proposant la signature d'une "convention d'objectifs" avec les CCI, fixant une stratégie commune, un plan concerté, une évaluation des mesures, avec des objectifs de résultats. S'agissant de la CTAP, Philippe Richert a suggéré la mise en place d'une "concertation préalable" avec les CCI. Ce serait le lieu pour discuter notamment de la coexistence entre agences départementales de développement et chambres consulaires. Ce partenariat avec les CCI, l'Alsace le pratiquait déjà depuis quelques années en ayant délégué le soutien à l'export, a-t-il pu témoigner : "Chacun a pu faire l'expérience de son efficacité."

Familles recomposées

Au moment où s'ouvrent d'âpres discussions sur l'avant-projet de loi El Khomri, Philippe Richert est revenu sur les velléités des régions d'expérimenter le service public de l'emploi. Un point que les sénateurs avaient tenté d'intégrer dans la loi Notr, en vain. "Il y a de quoi s'interroger sur l'efficacité de Pôle emploi", a-t-il lâché. "Le bonus de la décentralisation, (…) c'est d'être jugé sur ce que l'on fait." Il a au passage jugé la ministre du Travail "plutôt courageuse" et s'est montré assez favorable à son texte qui a au moins le mérite selon lui de "donner un coup de pied dans la fourmilière".
Philippe Richert a plaidé pour que les régions puissent entrer au conseil d'administration de la nouvelle agence France entrepreneur (l'agence au service du développement des territoires fragiles), au même titre que les CCI, "faute de quoi, elle ne servira pas à grand-chose". "On ne peut pas piloter depuis Paris", a-t-il ajouté.
Le président de CCI France, André Marcon, s'est montré sceptique devant les grandes régions qu'il a comparées à des "familles recomposées". Mais il fait contre mauvaise fortune bon cœur : "Nous travaillons comme vous à renforcer l'attractivité des territoires." Comme marque de cette bonne volonté, André Marcon a indiqué que le site les-aides.fr recensant toutes les aides aux entreprises serait mis à disposition des conseils régionaux. Le réseau des CCI travaille par ailleurs à la réforme de la carte consulaire avec l'objectif de parvenir à treize chambres régionales d'ici 2017. Sur ce point, Philippe Richert a demandé d'être vigilant sur les lieux d'implantations des sièges.