Régulation des meublés de tourisme : une loi qui a fait son chemin
Votée en novembre 2024, la loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme était attendue par de nombreuses collectivités. Un colloque organisé par France urbaine et la ville de Paris a permis de faire le point sur ses points forts ainsi que sur les freins restant à lever.

© @Inakiechaniz/ Iñaki Echaniz (au centre) en visite à Marseille, dans le quartier du Panier, pour échanger avec les élus et les habitants
Devant l'écran de son ordinateur, Iñaki Echaniz a le sourire. Participant à distance au colloque sur les meublés de tourisme organisé le 22 avril par France urbaine et la ville de Paris, le député des Pyrénées-Atlantiques se délecte des prises de parole des élus locaux. Et pour cause. Tous louent les bienfaits de la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme dont il est le co-auteur.
Le parcours de ce texte n'a pourtant pas été un long fleuve tranquille. Près de deux ans et demi d'un travail obstiné depuis une première question au ministre de l'Économie d'alors, Bruno Le Maire, en 2022. L'enjeu à l'époque ? Lutter contre les niches fiscales des meublés de tourisme et les tensions immobilières qu'elles engendrent sur les territoires. S'ensuivent des amendements au projet de loi de finances (PLF) fin 2022. En 2023, Iñaki Echaniz obtient l'appui du camp présidentiel. Lui, le député socialiste, décide de faire équipe avec Annaïg Le Meur, élue macroniste du Finistère, pour rédiger une proposition de loi (PPL) transpartisane. Son ambition ? Doter d'outils efficaces toutes les communes qui souhaitent se saisir de la question.
Un sacrifice pour sauvegarder l'essentiel
La PPL est inscrite à l'ordre du jour en décembre 2023. Avec un atout : le gouvernement lui offre une procédure accélérée. Ce coup de pouce permet l'adoption du texte en janvier 2024 à l'Assemblée nationale. Mais durant des mois, l'examen au Sénat est déprogrammé du fait de "lobbies très insistants auprès du gouvernement". En mai, la Haute Assemblée finit par adopter la PPL à son tour. Iñaki Echaniz n'est pourtant pas au bout de ses peines. Juin 2024, alors qu'une commission mixte paritaire (CMP) doit encore trouver un compromis entre les deux versions du texte, l'Assemblée nationale est dissoute. Après l'élection, nouvelle offensive des plateformes numériques. Une large mobilisation des acteurs concernés, dont France urbaine, permet enfin à la PPL d'être adoptée définitivement en novembre 2024. Non sans un dernier accroc : face au barrage de certains sénateurs, l'égalité fiscale entre meublés de tourisme et locations nues de longue durée disparaît du texte final. Un sacrifice qui permet de sauvegarder l'essentiel.
"On attendait avec impatience de pouvoir agir"
De ce texte, les maires saisissent d'abord la possibilité d'abaisser à 90, au lieu de 120, le nombre de jours maximum de location annuelle d'une résidence principale en meublé de tourisme. "On attendait avec impatience de pouvoir agir, a confié Barbara Gomes, conseillère déléguée de Paris chargée des plateformes locatives. Dès qu'il nous a été permis de passer de 120 à 90 nuitées, on l'a fait. On considère que le nombre de 120 favorisait le contournement. Personne n'a 120 jours de vacances dans l'année." En Avignon, où l'on dénombre 4.500 annonces à l'année pour des meublés de tourisme, le conseil municipal a pris la même décision dès février. À Marseille, où 12.600 meublés de tourisme sont actuellement identifiés, le vote pour passer à 90 nuitées autorisées pour une résidence principale doit avoir lieu ce 25 avril.
Une autre mesure attendue était l'extension à toutes les communes du pouvoir de délivrer une autorisation préalable de changement d'usage. Un pouvoir jusqu'ici réservé aux grandes villes et aux "zones tendues". Or le classement en zone tendue se fait parfois attendre, comme en ont témoigné Cécile Helle, maire d'Avignon, et Cécile Cottenceau, adjointe au maire de Caen chargée du tourisme.
Une base juridique pour les quotas de résidences secondaires
La loi de novembre 2024 a encore été l'occasion de donner une solide base juridique à l'instauration de quotas de résidences secondaires dans les communes. Jusqu'à présent, celles qui instauraient de tels quotas pouvaient facilement être attaquées en justice. Cela a été le cas d'Annecy, dont le règlement de 2023 a été suspendu. "On est très, très satisfait depuis novembre 2024 de voir que le cadre juridique existe", s'est réjouie Sophie Garcia, conseillère municipale déléguée d'Annecy chargée du logement. Dans la "Venise des Alpes", le règlement a pu être affiné, sans crainte d'annulation cette fois. Le Grand Annecy a ainsi délimité trois territoires concentriques – la vieille ville, la ville intra-rocade et la périphérie –, avec chacun son quota d'autorisations de meublés de tourisme et un objectif global : réduire de 25% le nombre de résidences secondaires, protéger le centre ancien et loger des habitants à l'année. Pour Caen, Cécile Cottenceau l'a également assuré : "On avancera certainement sur la question des quotas pour rééquilibrer la ville-centre et le littoral."
"Et merci encore à la loi, a renchéri Sophie Garcia, puisqu'on ne donne plus qu'une autorisation par propriétaire sans distinction entre personnes physiques et morales. À Annecy, 70 personnes possèdent entre 5 et 10 résidences secondaires qu'elles mettent en meublé de tourisme, ce ne sont plus des résidences secondaires. On est également satisfait de pouvoir obtenir le titre de propriété de la personne physique, ce qui est la moindre des choses. Et, enfin, il est normal que les meublés de tourisme soient désormais soumis aux mêmes contraintes que les autres en matière de diagnostic de performance énergétique (DPE)".
"Une bouilloire et un écran plat"
Si la large concertation menée pendant deux ans par Iñaki Echaniz et Annaïg Le Meur a permis de balayer un grand nombre de points noirs de la réglementation pour mieux lutter contre la prolifération des meublés de tourisme, la bataille n'est pourtant pas terminée.
Pour la déclaration préalable obligatoire à la location, il faut encore attendre mai 2026 et la mise en place d'un téléservice national. Et se pose la question du classement des meublés de tourisme, qui autorise toujours 50% d'abattement fiscal quand la location nue n'est exonérée qu'à hauteur de 30%. Et à propos de rendement fiscal, les échanges durant le colloque ont mis en lumière les moindres rentrées de taxe de séjour pour les meublés classés par rapport aux non-classés. Or, pour Iñaki Echaniz, "il est trop facile d'obtenir le classement en mettant une bouilloire et un écran plat". Le sujet du régime réel s'est également invité dans le débat : il permet aujourd'hui à 70% des propriétaires de meublés de tourisme qui l'ont choisi de ne payer aucun impôt sur leurs revenus locatifs. Comment ? En déduisant les coûts d'amortissement du bien immobilier lui-même mais aussi ceux des travaux et aménagements réalisés ainsi que du mobilier acheté. Sur tous ces points, le député des Pyrénées-Atlantiques l'a assuré : "On va aller chercher une réforme lors du prochain PLF."
Généraliser l'encadrement des loyers
Mais la réforme envisagée par Iñaki Echaniz va plus loin. La loi donne aujourd'hui la possibilité de créer, à travers le PLU, des zones de servitudes de résidences principales et de limiter à 20% le nombre de résidences secondaires. "On espère, à terme, pouvoir descendre à 15% puis à 10%." Autre ligne à bouger : celle de l'encadrement des loyers, actuellement permis dans une dizaine de territoires seulement à travers une expérimentation. Le député estime qu'il existe une volonté à l'Assemblée nationale pour "étayer l'expérimentation ou la généraliser à l'ensemble des territoires qui le souhaitent". Il est même convaincu que cette volonté est partagée par Valérie Létard, ministre du Logement : "Ce que je dis n'engage que moi, mais je pense qu'au fond de son petit cœur de ministre du gouvernement Bayrou, elle y est favorable. Mais elle ne peut pas le dire publiquement avant le rapport de la mission d'évaluation qui vient d'être lancée" (lire notre article du 8 avril).
Iñaki Echaniz ne perd pas pour autant son objectif initial : rééquilibrer l'offre locative en faveur des habitants à l'année. Il sort alors un dernier atout de sa manche : "On va continuer d'avancer sur la garantie universelle des loyers afin de sécuriser ceux qui voudraient basculer vers la location de longue durée." Autant de pistes d'action qui promettent de nouvelles et longues batailles parlementaires...