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Réhabilitation écologique et paysagère des cimetières : un recueil destiné aux élus et gestionnaires

Publié par Plante & Cité avec l'appui de Villes de France et la Fédération nationale des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, un guide sur la réhabilitation écologique et paysagère des cimetières entend aider les élus et les gestionnaires à faire évoluer les pratiques, en s'attachant notamment aux nouvelles contraintes liées au "zéro pesticide".

Plante & Cité, le centre technique national sur les espaces verts et la nature en ville, vient de publier un recueil complet sur la réhabilitation écologique et paysagère des cimetières, fruit de deux années d'étude en coopération avec Villes de France et la Fédération nationale des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement. Destiné aux élus et aux gestionnaires de cimetières, cet ouvrage entend répondre à leurs muliples interrogations sur la manière d'entretenir ces lieux de mémoire, en conciliant respect des défunts et des familles et contraintes environnementales.
Il est issu d'une étude nationale menée sur plus de 250 cimetières de toute taille, pour un état des lieux des problématiques actuelles et pour identifier les réponses apportées, quelle que soit leur ambiance, minérale ou végétale. L'ensemble des connaissances générales sur les paysages et l'entretien des cimetières sont présentées au travers de dix fiches repères présentant chacune des éléments chiffrés, des repères historiques, des points réglementaires et des illustrations. 

40.000 cimetières recensés

Ainsi, les 40.000 cimetières recensés en France ont une superficie cumulée représentant deux fois celle de la ville de Paris. Leurs paysages sont variés. La majorité des cimetières décrits dans l’enquête ont une ambiance minérale dominante mais pour certains, la présence du végétal est forte, et ils s’apparentent alors à des jardins ou à des parcs.
Cette physionomie des cimetières a d'ailleurs largement varié au fil du temps. Ceux sur lesquels s'est appuyée  l'étude sont assez récents au regard de l’histoire funéraire  puisqu'ils sont pour l'essentiel postérieurs à 1800. 
Beaucoup ont été créés suite à deux importantes lois du droit français - la déclaration royale du 10 mars 1776 et le décret du 23 prairial de l’An XII (12 juin 1804) - qui ont eu pour conséquence d’éloigner les morts des vivants, rappellent les auteurs de l'étude. Avant de laisser peu à peu la place à des monuments en pierre, les premières tombes des nouveaux cimetières du XIXe siècle étaient jardinées. Il était aussi fréquent à cette époque que des alignements d'arbres accompagnent les tracés des allées des cimetières des grandes villes. Les premiers cimetières paysagers créés au début du XIXe siècle comme le Père Lachaise à Paris se sont inspirés des jardins à l’anglaise. Depuis ce premier mouvement, d’autres cimetières paysagers ont été et continuent aujourd’hui d’être dessinés par les paysagistes concepteurs.

L'inhumation toujours majoritaire

L'étude revient aussi sur les usages et les pratiques funéraires, rappelant que l’inhumation reste la pratique majoritaire au cimetière même si la crémation a beaucoup progressé dans les dernières décennies. Le cimetière reste un lieu fréquenté, particulièrement à la Toussaint. Il est souvent perçu comme pouvant avoir d’autres fonctions que l’inhumation des défunts, notamment celle de lieu de promenade.
Les différents types d’emplacement reflètent la diversité des pratiques d’inhumation et de crémation ainsi que les particularités locales (pleine terre, caveau, communautés religieuses présentes, lien avec les guerres passées...). Les emplacements les plus couramment rencontrés au cours de l’enquête sont les concessions pour cercueils, caveau et pleine terre, à parts presque égales. Le mode de sépulture majoritaire pour les corps est le caveau et, pour les cendres, le columbarium.
Il existe une grande variété de formes de monuments et de combinaisons de formes, en particulier dans les plus anciens cimetières. Malgré la survivance d’une filière de production de pierres naturelles en France, la majorité des monuments funéraires sont aujourd’hui réalisés avec des pierres d’importation (Chine, Inde...) qui parcourent des milliers de kilomètres. D’après l’enquête, la pierre locale est aujourd’hui assez peu utilisée mais quelques régions restent plus dynamiques sur le sujet (la Bretagne et le Tarn pour les granites, la Bourgogne, le Languedoc-Roussillon, Poitou-Charentes et Provence-Alpes-Côte d’Azur pour les pierres calcaires).
L'étude détaille aussi la réglementation en vigueur dans les cimetières. Certaines règles concernent son paysage (sous terre et au-dessus du sol), d’autres les modalités de son renouvellement sur lui-même, grâce aux procédures de reprises de concessions. L'enquête a fait parfois ressortir certains décalages entre les règles existantes et les pratiques constatées, note toutefois l'étude. 

Des sites parfois soumis à une mesure de protection

Un cimetière (ou un élément qu’il contient) peut également être protégé ou être concerné par la protection d’un élément voisin comme un monument historique, un captage d’eau potable, une zone Natura 2000. Dans l’enquête Plante & Cité, près d’un tiers des cimetières décrits sont touchés par une mesure de protection. Le patrimoine architectural et paysager est le plus concerné.
"La régie communale est l’acteur majeur de l’entretien du cimetière", souligne encore l'étude. "Il est difficile de comparer les moyens humains dédiés au cimetière avec ceux mobilisés pour les autres espaces publics paysagers, du fait de ses nombreuses particularités, relève-t-elle. Ces moyens peuvent varier en fonction de l’étape de la progression dans la démarche 'zéro pesticide' et les changements de gestion entrepris."  Le désherbage est le poste le plus chronophage, avec une forte présence des techniques manuelles. D’autres stratégies de gestion de la flore spontanée sont utilisées (enherbement, paillages, plantations, acceptation...) et la collectivité a parfois recours à la mutualisation du matériel, selon l'enquête.
Lieu à l’organisation spatiale fragmentée, partagé entre espace privé et espace public, qui vit au rythme des cérémonies (enterrements, fêtes religieuses), le cimetière est soumis à de multiples contraintes en termes d'entretien. Le désherbage est source de difficultés (organisation du travail, perception des plantes spontanées dans des lieux de recueillement, matériel non adapté, pénibilité et répétitivité des tâches), ainsi que le défaut d’entretien des concessions par les familles. 

Evolution vers le zéro pesticide

L’usage des produits phytosanitaires, paraît solidement ancré mais ne remonte qu’à une soixantaine d’années. "De nombreux enjeux entourent leur utilisation : de représentation sociale, de santé publique, de préservation
de l’environnement, de psychologie avec la notion de 'propre', de responsabilité des communes", note l'étude. Mais elle constate un mouvement général vers la réduction puis la suppression des produits phytosanitaires dans l’entretien des espaces verts depuis le 1er janvier 2017 avec l’entrée en vigueur de la loi Labbé. Les cimetières pratiqués pour la promenade sont concernés par cette récente interdiction et l’enquête de  Plante & Cité montre que les cimetières gérés sans pesticides sont de plus en plus nombreux. L'étude montre aussi que les cimetières peuvent abriter une biodiversité floristique et faunistique, dans certains cas remarquable, que les inventaires naturalistes permettent de mieux connaître. "Dans tous les cas, les cimetières peuvent être une pièce importante de la trame verte urbaine ou communale", souligne-t-elle. 

Pollutions spécifiques

L'étude évoque aussi les problèmes bien réels liés à la présence d’eau dans le sol ou à des sources possibles de pollutions des eaux souterraines. "Ils semblent cependant méconnus, les tabous entourant la mort dans notre société s’exprimant de façon plus vive pour ce qui se passe sous terre", prévient-elle. Elle soulève en particulier la question des soins de thanatopraxie et leurs conséquences. Tout en étant de plus en plus pratiqués, ils sont assez mal connus des familles et des collectivités.
Une dernière "fiche repère" présente un panorama des actions et des acteurs. Elle rappelle que les cimetières font l’objet de nombreux aménagements et travaux de la part des collectivités, notamment pour développer l’offre de sites cinéraires mais aussi accompagner le changement de pratiques de gestion vers le "zéro pesticide" et améliorer la qualité paysagère. Si de nombreuses collectivités font le choix d’agir seules, nombreux sont les professionnels qui peuvent les aider dans leurs projets, fait valoir l'enquête, qu'il s'agisse de conseils dès l’amont, de la conception d'un plan d’ensemble de la réhabilitation et de la réalisation des travaux.

Des fiches actions pour améliorer les pratiques

Le guide propose également 10 fiches actions illustrées pour mener une réhabiltation écologique et paysagère des cimetières. Elles comportent des conseils, des témoignages, des exemples d'initiatives intéressantes pour puiser l'inspiration et orienter son action. Thèmes traités : les moyens humaines et financiers pour aller vers le "zéro pesticide", comment drainer les sols humides sous terre et diminuer les pollutions, comment favoriser les concessions écologiques et paysagères, entretenir des allées minérales sans pesticides, enherber des allées, favoriser l'accessibilité, préserver les arbres existants et en planter de nouveaux, , comment gérer les végétaux, communiquer sur les pratiques "zéro pesticide" ou repenser l'ensemble du paysage du cimetière.