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Relance : l'Etat et les métropoles entérinent leur accord de méthode

Le Premier ministre et la présidente de France urbaine ont signé, le 17 mai, un "accord de méthode" sur la mise en oeuvre des contrats de relance et de transition écologique (CRTE), le quatrième du genre après les régions, les départements et les intercommunalités. Au-delà de la relance, Etat et métropoles ouvrent la voie à de nouvelles expérimentations et à de nouvelles pistes financières, comme l'attribution d'une part de fiscalité écologique en remplacement de dotations.

Quelques semaines après la signature à Nantes du premier protocole d’engagement de CRTE (contrats de relance et de transition écologique), le Premier ministre Jean Castex et Johanna Rolland, présidente de la métropole nantaise et maire de Nantes, avaient à nouveau rendez-vous ce 15 mai à Matignon. Il s’agissait de signer officiellement l’ "accord de méthode" conclu le 25 février entre l’exécutif et l’association France urbaine sur la mise en œuvre des CRTE sur la durée des mandats 2020-2026. Cet accord reconnaît explicitement "la responsabilité majeure des territoires urbains dans la relance, dans la mise en oeuvre des grandes transitions, dans le renforcement de la cohésion et de la solidarité territoriale". Après Régions de France, le 28 septembre, l’Assemblée des départements de France, le 12 décembre et l’Assemblée des communautés de France, le 22 mars, l’association qui regroupe 106 métropoles et territoires urbains devient ainsi la quatrième à signer un tel document de cadrage. Ce type d’engagements réciproques semble porter ses fruits puisque "la quasi-totalité des régions ont signé un accord de relance et 50 accords départementaux de relance ont déjà été signés", s’est félicité le Premier ministre à cette occasion. Soit un département sur deux, ce qui n’était pas gagné d’avance. Pour les CRTE, l’enjeu est d’un autre ordre : 837 périmètres ont été prédéfinis sur tout le territoire. "Nous sommes à un moment charnière où nous commençons à voir l’horizon se dégager en matière sanitaire. Il faut que le pays soit prêt, dans toutes ses composantes, à la relance", a posé le chef du gouvernement. Mais l’accord n’est pas un blanc-seing. Il s’agit tout d'abord d’améliorer le dialogue entre "l’Etat stratège" et les collectivités. "Nous voyons un écart entre ce qui a été dit et qui arrive dans nos territoires", a mis en garde Johanna Rolland. "A l’urgence sociale que nous sentons dans les quartiers, nous voulons répondre par une urgence de l’action", a-t-elle dit, rappelant que les grandes villes "concentrent une part importante des pauvretés, des précarités", que le pays compte quelque "9 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté", ou encore que "la moitié des quartiers politique de la ville sont dans les grandes métropoles alors qu’on répète à l’envi que toutes les métropoles sont riches et que tous les territoires ruraux sont pauvres…".

Capacité d'autofinancement

S’il reconnaît des responsabilités aux métropoles, l’accord cerne leurs fragilités, d’autant que "l’impact de la crise y a été plus fort" (plusieurs études montrent que les régions métropolitaines comme l’Ile-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, ou la région toulousaine, sont parmi les premières touchées par la crise, compte tenu de leurs spécificités économiques). Mais "leur capacité à investir rapidement est sans équivalent", "leur capacité d’autofinancement doit être à la hauteur de la relance et des transitons à opérer".

C’est pourquoi l’exécutif et France urbaine vont tout d’abord s’employer à "construire un diagnostic commun de l’impact de la crise sanitaire sur les finances" des territoires urbains, dont ils tireront des "conclusions opérationnelles". Sur le plan financier, l’accord affiche un montant de plus de 10 milliards d’euros : 6,5 milliards d’euros dans le cadre du plan de relance, 2,3 milliards d’euros au titre du Comité interministériel des villes (dont 2 milliards pour l’Anru), 1.350 millions d’euros (dont 900 millions d’euros dans le cadre du plan de relance) au titre des transports urbains et des mobilités urbaines. Mais il s’agit aussi d’ouvrir de nouvelles perspectives en lançant dès cette année un examen des conséquences de la réforme fiscale sur l’intéressement à la construction de logements sociaux, en étudiant l’opportunité d’attribuer une part de fiscalité écologique aux métropoles en remplacement des dotations, l’opportunité d’une valorisation fiscale des terrains non-artificialisés ou encore le remplacement de la taxe d’habitation par de la CVAE au lieu de TVA, "en accord avec les départements concernés"…  

Enjeux contractuels et institutionnels

Au-delà des aspects financiers, l’accord fixe des enjeux "contractuels" et "institutionnels", en lien avec le projet de loi 4D présenté en conseil des ministres le 12 mai. Au niveau contractuel, l’Etat s’engage à réunir "dès maintenant" les territoires urbains et les régions dans le cadre d’un "dialogue tripartite" sur la déclinaison des accords de relance régionaux et des contrats de plan Etat-régions 2021-2027. S’agissant plus spécifiquement des CRTE, Etat et territoires urbains entendent construire un "dialogue pérenne, permettant, notamment, par la détermination de clauses de revoyure, l’adaptation régulière du contrat aux réalités territoriales, en étroite articulation avec les programmations CPER et européennes 2021-2027". L’accord accorde également une place importante aux "coopérations entre territoires urbains, périurbains et ruraux", "dans une logique de réciprocité et d’alliance entre les territoires". Le CRTE pourra leur réserver des enveloppes spécifiques.

Sur le plan institutionnel, le maître mot est la "différenciation" : "chaque fois que cela est possible, il s’agira, à l’avenir, de décliner les objectifs fixés par le législateur par une délibération des collectivités plutôt que par un décret ministériel". L’accord donne toute une série d’exemples où des assouplissements sont attendus. Les territoires urbains pourront ainsi expérimenter des actions pour l’insertion des jeunes ou de lutte contre la précarité étudiante, renforcer la mixité sociale, accélérer la récupération des "biens sans maîtres" en centre-ville… L’accord permettra d’étudier la définition d’autorités organisatrices locales dans le champ de la transition écologique, d’assouplir les opérations de revitalisation de territoire, de déployer dans les métropoles un dispositif inspiré des territoires d’industrie... A la lecture de ce catalogue, le CRTE apparaît bien plus qu’un instrument de relance. Ces accords sont "orientés vers des objectifs clairs qui ne sont pas seulement des réponses immédiates à la crise, comme l’ont été tous les dispositifs d’accompagnement", a d'ailleurs souligné Jean Castex. "Ils ont aussi pour objectif de moderniser, transformer, faire que notre pays soit au rendez-vous des grands défis du monde d’aujourd’hui."