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Habitat - Remise en cause de la loi Alur : pourquoi cette rumeur ?

Durant la journée du 11 juin, le porte-parole du gouvernement, puis la ministre du Logement se sont efforcés d'éteindre la rumeur qui enflait sur une éventuelle remise en cause des points les plus contestés de la loi Alur, comme l'encadrement des loyers ou la garantie universelle des loyers (GUL). Plusieurs médias se sont en effet fait l'écho d'un assouplissement par le biais des décrets d'application, voire d'un abandon pur et simple, de certaines dispositions du texte.

"Les décrets, c'est fait pour appliquer la loi. Donc, on ne peut pas revenir, avec des décrets, en arrière", assurait Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, dès la sortie du Conseil des ministres du mercredi 11 juin,  pour tenter de désamorcer la rumeur d'une remise en cause de plusieurs dispositions de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur).
Un tweet du ministère confirmait : "Pas de remise en cause de la loi Alur, la priorité est de relancer la construction, annonces en ce sens le 25/6". On relèvera toutefois au passage que la relance de la construction, présentée comme prioritaire, ne relève pas - ou très indirectement - de la mise en œuvre de la loi Alur, mais des mesures de simplification des normes de construction et des procédures promises par le chef de l'Etat et la ministre du Logement...
Le tweet n'ayant manifestement pas suffi, la directrice de cabinet de la ministre du Logement convoquait en toute hâte - en l'absence de Sylvia Pinel, en déplacement à Dijon - une conférence de presse, pour expliquer qu'"il n'y a pas de remise en question de la loi Alur. Nous sommes actuellement dans la mise en place des décrets d'application". Emilie Piette reconnaissait toutefois qu'"il y a une priorisation à faire. C'est pourquoi certaines mesures sont en cours de discussion avec les acteurs du logement". Lors de la présentation de son programme de travail, le 22 mai, Sylvia Pinel n'avait d'ailleurs pas dit autre chose. La ministre avait même donné des dates précises pour les premiers des 200 textes réglementaires nécessaires à la mise en œuvre de la loi Alur (voir notre article ci-contre du 23 mai 2014).

Les "boîtes d'influence média" à l'œuvre ?

Alors pourquoi ce psychodrame autour de la loi Alur ? Cécile Duflot a son explication. Dans un tweet, elle évoque "la nouvelle offensive contre l'encadrement des loyers" et se demande "Qui paye les boîtes 'd'influence média' cette fois ?", allusion notamment à des sondages négatifs qu'elle juge orientés dans leur échantillon ou leurs questions.
La rumeur s'explique aussi par des confusions chez certains médias, en particulier sur les mesures de simplification qui, contrairement à plusieurs présentations, ne sont pas contradictoires avec les dispositions d'Alur. Mais il n'est pas sûr que l'annonce d'une déclaration ministérielle, le 25 juin, sur les mesures de simplification - alors que la polémique porte sur Alur - clarifie vraiment le message.

Des questions de fond : financement, périmètre et calendrier

Mais au-delà d'une communication défaillante autour de la mise en œuvre de la loi, il reste au moins trois questions de fond. Tout d'abord, celle du financement de certaines mesures, à commencer par la GUL. Le financement de ce dispositif devait, au départ, être assuré par une taxe sur les loyers acquittée par les propriétaires et les locataires (selon un principe calqué sur l'assurance). Mais, pour faire passer la GUL auprès des propriétaires, le gouvernement y a finalement renoncé et a mis le dispositif à la charge du budget de l'Etat. Or, en pleine période de disette budgétaire, trouver les 400 millions d'euros envisagés pour financer la GUL relève du casse-tête. Les décrets d'application pourraient donc tarder à venir et/ou pousser vers une GUL "low cost".
Ensuite, le périmètre de certaines mesures pourrait évoluer, Matignon n'ayant pas nécessairement la même vision que le ministère du Logement. Le cas le plus emblématique est celui de l'encadrement des loyers. Si sa mise en œuvre sur Paris et la région parisienne semble acquise, c'est beaucoup moins évident pour les autres villes envisagées. La question se pose d'autant plus que la période n'est plus à la hausse des loyers et que les observatoires locaux se révèlent déjà difficiles à mettre en place en raison du peu d'empressement des collectivités territoriales à s'y investir et du manque de fiabilité des outils actuels (voir notre article ci-contre du 3 juin 2014).

Absence de visibilité

Enfin, il est clair que l'absence de visibilité sur la parution de l'ensemble des principaux textes d'application de la loi favorise puissamment la rumeur sur d'éventuels renoncements. Sans aller jusque-là, elle est aussi le signe de discussions ou de tensions sur les priorités.
Les internautes attentifs auront d'ailleurs remarqué que le ministère du Logement a mis en ligne, il y a quelques jours, un outil interactif permettant de suivre la mise en œuvre de la loi Alur. En entrant un mot (GUL, encadrement, frais d'agence, bail...), l'internaute obtenait aussitôt les références des articles d'Alur correspondants, l'indication des textes réglementaires d'application et - dans certains cas - leur date de parution prévisionnelle. Mais cet outil n'est resté en ligne que quelques heures avant de disparaître. Il n'est toujours pas revenu. Et, officiellement, le tableau est depuis lors "en cours d'élaboration"...