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ZEP - Rencontres de l'OZP : Et si l'éducation prioritaire renouait avec la pédagogie ?

"Dans les établissements qui n'ont pas un noyau stable d'enseignants possédant des compétences pédagogiques, les dispositifs tel que le 'plus de maîtres que de classes' ont un impact très faible." Pour Gérard Chauveau, qui intervenait mercredi 20 mars dans le cadre d'une rencontre de l'Observatoire des zones prioritaires (OZP), l'éducation prioritaire est trop souvent réduite à des questions de moyens ou de dispositifs généraux.
L'ancien chercheur de l'INRP (Institut de recherche pédagogique) a ainsi constaté que les dispositifs ambitieux tels que l'opération "CP dédoublés ou renforcés" mise en place par Luc Ferry lorsqu'il était ministre de l'Education, ou encore les "Coups de pouce CLE", ont eu très peu d'impact dans les endroits où les maîtres étaient "apeurés, dépressifs" ou ne disposaient pas de bases pédagogiques solides.

"Effet-maître"

Les élèves de milieu populaire seraient particulièrement sensibles aux effets des méthodes pédagogiques. Gérard Chauveau affirme même que "l'effet-maître" est plus important que le milieu socio-économique d'origine des élèves défavorisés.
Si l'intervention individuelle et collective des enseignants est primordiale pour éviter "l'effet ghetto", nombre d'enseignants chercherait avant tout la "paix sociale" dans leur classe. "Il y a un écart entre le discours, les projets d'établissements écrits et financés, et la situation réelle dans les établissements", affirme l'ancien chercheur.
A tous les niveaux, "de la maternelle au lycée", les ZEP sont marquées par une forte hétérogénéité pédagogique, du fait d'une formation "très faible" dans ce domaine. Les écarts d'efficacité des méthodes pédagogiques seraient plus importants en ZEP qu'ailleurs, a-t-il pu observer.
Les futures ESPE (écoles supérieures du professorat et de l'éducation) devraient selon Gérard Chauveau permettre aux futurs enseignants d'acquérir des "compétences sociales" et des "compétences éthiques et citoyennes". Il estime que "les enseignants en zone d'éducation prioritaire devraient avoir une relation sociale bienveillante avec leur environnement". Cela passerait par une meilleure communication avec les élèves des milieux populaires et leurs parents, mais aussi la conviction que tous les élèves sont capables de réussir... à condition qu'un enseignant les y aide. Actuellement, "tous les enseignants de ZEP ne partagent pas ces principes", regrette l'ancien chercheur.

Le "club des quatre" des activités périscolaires

"On oublie trop souvent que la pédagogie ne se limite pas à l'espace scolaire", souligne enfin Gérard Chauveau, estimant que le périscolaire joue aussi un rôle très important dans la réussite des élèves de ZEP. Or, "constamment menacés par le formalisme et les dérives bureaucratiques", les dispositifs périscolaires reposent sur ce qu'il appelle "le club des quatre" : l'animateur, l'élève, son enseignant et ses parents, qui doivent sans cesse interagir. "Ce n'est que lorsque cette dynamique est enclenchée qu'on observe des résultats positifs", assure-t-il.
Selon lui, les animateurs devraient avoir des compétences proches de celles des enseignants, car "pour travailler avec les enfants, on ne peut pas engager n'importe quel animateur compétent pour faire une balle au prisonnier".
Il regrette que des élus locaux pensent que les activités périscolaires permettent de "courir deux lièvres à la fois" : améliorer les apprentissages des enfants tout en réduisant le chômage des jeunes peu diplômés. "C'est souvent une mauvaise idée", estime Gérard Chauveau, en les invitant à investir dans la qualité des ressources humaines et pédagogiques.