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Refondation de l'école - Les députés achèvent une semaine de débats sur le projet de loi Peillon

L'Assemblée nationale vote mardi 19 mars, en première lecture, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, dont elle a débattu toute la semaine dernière. Zoom sur les amendements adoptés qui concernent les collectivités.

Le débat a débuté lundi 11 mars à l'Assemblée nationale, mais il aura fallu attendre la nuit du jeudi au vendredi pour que l'article 1 du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'Ecole de la République soit adopté. Vendredi soir, l'ensemble du texte était amendé. Voici, avec nos lunettes "collectivités locales", les amendements votés.

Education prioritaire - L'éducation prioritaire a fait l'objet de deux amendements de Mathieu Hanotin (SRC) dont un, celui visant à "mentionner la nécessité d'un rééquilibrage des moyens" entre les établissements d'éducation prioritaire et les établissements classiques, a été adopté. Mais le rapporteur Yves Durand a contesté le diagnostic du député de Seine-Saint-Denis quand il a soutenu que "contrairement à ce qui devrait être le cas, l'État consacre aujourd'hui moins d'argent à l'élève d'un établissement d'éducation prioritaire qu'à l'élève d'un établissement classique, situé en centre-ville ou ailleurs".
Lors de la discussion générale, Mathieu Hanotin avait appelé à "une réforme de l'éducation prioritaire". C'est selon lui "l'organisation même de l'éducation prioritaire qu'il nous faudra revoir" évoquant le zonage et l'attribution des moyens, la "prise en compte des besoins réels de chaque établissement ainsi que de leur évolution année après année" ; la formation, la rémunération et l'évolution des carrières des enseignants dans ces établissements "pour éviter le turnover important des équipes pédagogiques". Sur le plan pédagogique également des choses seront à revoir car selon Mathieu Hanotin "les établissements en zone prioritaire doivent avoir tous les moyens pour mettre en place de nombreuses innovations pédagogiques" permettant notamment "une meilleure prise en charge du décrochage et des grandes difficultés scolaires".
Par ailleurs, un amendement d'Annie Genevard (UMP) substitue à l'expression "collèges en difficulté" la formulation "collèges comptant une forte proportion d'élèves en difficulté" pour éviter "le danger du zonage stigmatisant".

Scolarisation des enfants handicapés – Un amendement soutenu par Jean-Luc Drapeau (SRC) rappelle qu'il est "important de permettre et améliorer l'accès des élèves en situation de handicap à une scolarité ordinaire". Certes, mais il ne suffit pas d'ouvrir des droits, "il faut se donner les moyens de rendre ces droits effectifs et de bonne qualité, pour les enfants en situation de handicap comme pour les autres", a souligné Vincent Peillon évoquant le coût "des moyens matériels, mais aussi celui de la qualité et de l'accompagnement des personnels spécialisés qui connaissent aujourd'hui des conditions indignes, et de tous les autres personnels, desquels relève aussi cette mission". "Lorsque nous aurons établi le référentiel métiers décrivant les compétences requises et pris la décision de stabiliser les personnels, il est certain qu'il faudra réaliser un effort financier", a ajouté George Pau-Langevin.
Un amendement de Jean-Luc Drapeau (SRC) ajoute "favoriser la scolarisation des élèves en situation de handicap" aux "grands défis" auxquels notre Ecole est confrontée : "Améliorer la formation de l'ensemble de la population, accroître sa compétitivité, lutter contre le chômage des jeunes, réduire les inégalités sociales et territoriales, recréer une cohésion nationale et un lien civique autour de la promesse républicaine."
Plus tard dans la discussion, un amendement de Michel Ménard (SRC) a été adopté donnant à la communauté éducative de l'établissement dans lequel un enfant handicapé est scolarisé la possibilité de saisir la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) pour demander en cours d'année une révision des notifications de l'accompagnement de l'enfant, "après avoir consulté et recueilli l'avis de ses parents".

Vous avez dit "périscolaire" ou "complémentaire" ? – Un amendement au rapport annexé, soutenu par le ministre, substitue, à propos des parcours d'éducation artistique et culturelle, aux mots "temps éducatifs complémentaires" les mots "périscolaire et extrascolaire" pour éviter toute "confusion avec les activités pédagogiques complémentaires évoquées dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires". En toute cohérence, un autre amendement (à l'article 46 cette fois), remplace les "activités éducatives complémentaires" par "activités périscolaires".

Projet éducatif territorial - Ce second amendement ajoute que "le Projet éducatif territorial vise en particulier à renforcer la cohérence et la complémentarité entre les activités d'enseignement sur le temps scolaire et les activités périscolaires qui le prolongent".
Un autre amendement à ce même article 46, soutenu par le rapporteur, ajoutait que "l'élaboration et la mise en application de ce projet [le PEDT, ndlr] sont suivies par un comité de pilotage réunissant des représentants des personnels enseignants, des parents d'élèves, de la commune ou, lorsque les dépenses de fonctionnement des écoles lui ont été transférées, de l'établissement public de coopération intercommunale et des acteurs institutionnels, associatifs, économiques et sociaux associés au service public de l'éducation". Mais Vincent Peillon a demandé à ce qu'on réserve à la circulaire le soin d'en énumérer les membres et la phrase se limite donc à "L'élaboration et la mise en application de ce projet sont suivies par un comité de pilotage".

Fonds d'amorçage – Un amendement à l'article 47 précise que les aides versées au titre du fonds pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques "ne sont pas prises en compte dans le calcul des dépenses de fonctionnement des classes sous contrat". La députée Marie-Françoise Bechtel (SRC) demande qu'il soit également précisé que "l'offre d'activité périscolaire est bien l'offre organisée par les communes au profit des élèves aussi bien des écoles publiques que des écoles privées" mais qu'il "ne s'agit pas de venir financer une offre périscolaire qui émanerait des écoles privées elles-mêmes".

Scolarisation des enfants de moins de 3 ans et effectifs scolaires - Brigitte Bourguignon (SRC) soutient un amendement visant "à comptabiliser les enfants de moins de trois ans dans les effectifs des établissements scolaires". "Cet amendement permettrait, dans le cadre de la préparation de la carte scolaire, d'éviter certaines fermetures de postes voire de classes dans les territoires ruraux", a commenté la députée du Pas-de-Calais. L'amendement sera adopté mais avec une modification de taille demandée par Vincent Peillon : ces enfants seront comptabilisés "dans les effectifs des écoles situées dans un environnement social défavorisé". Le ministre justifie : "Nous avons 3.000 postes, pas vingt-cinq mille : nous devons d'abord accueillir les enfants de moins de trois ans là où ils en ont le plus besoin", insistant sur le fait qu'"il n'y a pas de généralisation, il y a bien des conditions qui (…) permettent de cibler les territoires où cette scolarisation est la plus utile".
Par ailleurs, interpellé par les députés UMP sur les problèmes de fermeture des classes en primaire sur certains territoires, Vincent Peillon s'est engagé, pour la deuxième lecture, à inscrire dans la loi une obligation au niveau du ministère à prévenir en avance les exécutifs locaux concernés.
Par ailleurs, dans la discussion générale, la députée Dominique Nachury (UMP) avait avancé l'idée que la scolarisation des enfants de moins de 3 ans risquerait de déstabiliser les structures existantes ; il faudrait au contraire, selon elle, financer des "structures de transition" entre l'accueil du jeune enfant et l'école maternelle. Or, selon Dino Cinieri (UMP), "la généralisation de la scolarisation précoce laisse à penser que le gouvernement va renoncer à augmenter le nombre de places en crèche et limiter les aides aux familles pour la garde des petits enfants."

Numérique à l'école – Un amendement de Barbara Pompili (EELV) visant à interdire l'utilisation du wifi dans les écoles maternelles (et à le règlementer strictement dans les autres établissements scolaires), a été adopté, après deux rectifications : "Le service public de l'enseignement numérique devra se mettre en place dans les établissements grâce à une infrastructure qui favorise l'utilisation de connexions de données filaires. En effet, le principe de précaution doit pousser l'État et les collectivités territoriales à protéger les enfants, notamment les plus jeunes, de l'influence des ondes."
Martine Faure (SRC) a demandé dans un amendement qu'une "attention toute particulière [soit] accordée au milieu rural et à l'accès au très haut débit". Il s'agit "de prioriser les cofinancements prévus par les programmes gouvernementaux en les fléchant principalement sur les milieux ruraux".
Sylvie Tolmont (SRC) ajoute dans un amendement au rapport annexé un alinéa disposant que "l'État, les collectivités territoriales et les équipes éducatives choisissent de manière concertée les équipements matériel et logiciel acquis dans le cadre du développement du numérique dans les écoles et établissements scolaires".

Santé à l'école – Un amendement de Martine Pinville (SRC) précise que "La politique de santé à l'école se définit selon trois axes : l'éducation, la prévention et la protection" et un autre que "l'action des personnels sociaux et de santé de l'Education nationale constitue un outil majeur de lutte contre les inégalités sociales de santé, de prévention précoce des difficultés des élèves et du décrochage scolaire. Cette action s'exerce en collaboration avec l'ensemble des personnels de la communauté éducative et les partenaires de l'école."
Un amendement soutenu par le ministre, ajoute que "la promotion de la santé contribue à réduire les inégalités de santé par le développement des démarches de prévention".
Un amendement de Xavier Breton (UMP) prévoit une sensibilisation des parents au rythme "veille-sommeil" des enfants.

Ecole ouverte sur son environnement - Barbara Pompili a également soutenu un amendement visant à "renforcer la coopération entre les services médico-sociaux et l'éducation nationale" afin de "montrer que l'école inclusive c'est aussi le renforcement de ces coopérations".
Un amendement de Julie Sommaruga (SRC) cherchait quant à lui à "favoriser les liens entre les familles et le collège" et à "organiser des activités au sein du collège pour (...) aider les parents à accompagner la scolarité de leurs enfants. Il s'agit d'accueillir les familles sur des activités d'aide à la parentalité, et en lien avec les associations".

Lutte contre l'illettrisme - Un amendement soutenu par Colette Langlade (SRC) ajoute 4 alinéas au rapport annexé, se rapportant à la lutte contre l'illettrisme, pour rappeler qu'il est possible de le prévenir, "à condition de donner une cohérence aux actions de tous les acteurs qui agissent dans le domaine", à savoir : "l'éducation nationale, les familles, les associations, les collectivités".

Formation professionnelle initiale – Un amendement soutenu par le ministre ajoute "les organisations syndicales" [représentatives des employeurs et des salariés] aux "branches professionnelles" que doit consulter la Région avant de recenser "par ordre de priorité les ouvertures et les fermetures qu'elle estime nécessaires de sections de formation professionnelle initiale".

Langues régionales - Un amendement soutenu par l'UMP ajoute dans le Code de l'Education : "Dans le cadre du volume horaire existant, un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé aux enfants des familles intéressées dans les collectivités territoriales où ces langues sont en usage. L'enseignement de la civilisation et de l'histoire régionales est intégrée dans les programmes des disciplines aux différents niveaux scolaires. À cet effet, les pouvoirs publics sont tenus d'organiser l'information des familles sur ces formes d'enseignement, leur intérêt et leurs enjeux."
Un amendement d'Ericka Bareigts (SRC) précise que "dans les académies d'outre-mer, peuvent être favorisées les langues étrangères parlées dans les pays avec lesquels, dans le cadre de leur coopération régionale, les régions d'outre-mer où se situent ces académies entretiennent des relations privilégiées". A la demande de Patrick Hetzel (UMP), un sous-amendement ajoute aux académies d'outre-mer les académies frontalières.
Un autre amendement prévoit que "après accord des représentants légaux des élèves ou des élèves eux-mêmes s'ils sont majeurs, les professeurs peuvent recourir aux langues régionales chaque fois qu'ils peuvent en tirer profit pour leur enseignement de la langue française".
Les députés ont décidé de revenir plus largement sur cette question des langues régionales lors de la prochaine lecture du texte.

Parcours d'orientation - Un amendement du gouvernement introduit dans le Code de l'Education le fait notamment qu' "un parcours individuel d'information, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel est proposé à chaque élève, aux différentes étapes de sa scolarité du second degré. Il est défini sous la responsabilité du chef d'établissement et avec l'aide des parents par les conseillers d'orientation psychologues, les enseignants et les autres professionnels compétents. Les administrations concernées, les collectivités territoriales, les organisations professionnelles, les entreprises et les associations contribuent à la mise en œuvre de ce parcours".


Valérie Liquet avec ToutEduc


Suppression de l'apprentissage à 14 ans

A l'occasion de l'examen du projet de loi pour la refondation de l'école de la République, les députés ont supprimé, dans la nuit du 15 au 16 mars 2013, une mesure concernant l'apprentissage des plus jeunes. Cette mesure, prévue dans le cadre de la loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l'apprentissage et la sécurisation des parcours professionnels, rendait possible l'apprentissage dès la classe de quatrième pour des jeunes entrant dans le dispositif d'initiation aux métiers de l'alternance (Dima). La suppression de l'apprentissage à 14 ans faisait partie des promesses de campagne de François Hollande. Une mesure que le gouvernement a justifiée par le fait qu'un apprentissage précoce empêchait les élèves d'acquérir le socle de compétences auquel tout jeune a droit, et l'enfermait trop tôt dans une filière. D'après le ministre de l'Education nationale, Vincent Peillon, le dispositif avait peu d'impact, avec seulement quelques centaines de jeunes concernés. "Lorsque les choses n'ont pas d'utilité, il vient un moment où il faut les supprimer", a-t-il affirmé.
L'UMP a dénoncé la "suppression sèche d'un dispositif" qui a "fait ses preuves". Cette décision "est gravissime alors que le nombre d'élèves sortant sans diplôme du système éducatif ne cesse de croître chaque année" s'est insurgée pour sa part Catherine Morin-Desailly, sénatrice de la Seine-Maritime (UDI). "C'est mettre la priorité sur une idéologie, celle du collège unique, au détriment de l'avenir de nos enfants", a-t-elle ajouté, dans un communiqué.
A gauche aussi, une voix s'est élevée contre la décision des députés. Il s'agit de celle de Ségolène Royal, présidente de la région Poitou-Charentes, qui par un tweet publié le 16 mars, a évoqué une "regrettable suppression du droit pour des jeunes de 14 à 15 ans de se former par alternance", et a parlé d'une "idéologie dépassée vu la gravité de l'échec scolaire".
Emilie Zapalski