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Renforcer le pouvoir réglementaire local : le plaidoyer des députés de la délégation aux collectivités

Une "mission flash" de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation au sein de l'Assemblée nationale plaide pour que le futur projet de loi "4 D" (déconcentration, différenciation, décentralisation, décomplexification) procède à un renforcement du pouvoir réglementaire des collectivités. La proposition est vue comme le moyen de favoriser la différenciation territoriale.

Renforcer le pouvoir réglementaire local : cela se justifie par "la nécessité d'adopter des politiques locales sur mesure", mais "plus encore" par la reconnaissance de la pleine responsabilité politique des élus locaux, qui doivent "exercer les compétences que la loi leur a attribuées". C'est ce que la co-rapporteure de la mission, la députée (Agir ensemble) Patricia Lemoine a expliqué en présentant, jeudi 10 décembre les conclusions de la mission, avec l'autre co-rapporteure, la députée (LREM) Monica Michel. Les deux élues ont mis en évidence les "fortes attentes" des collectivités locales sur le sujet.

"Malgré un ancrage constitutionnel", le pouvoir réglementaire des collectivités est "limité", ont-elles souligné. Cela tient notamment à la réforme constitutionnelle menée en 2003 par le gouvernement Raffarin, qui "a cherché un compromis entre unité normative de l'État et intervention territorialisée".

La mission recommande d'"affirmer le principe de la liberté d'action des collectivités pour mener à bien les missions qui leur ont été attribuées par la loi". Cela signifie notamment qu'"à partir du moment où une compétence a été transférée à une collectivité, le pouvoir réglementaire doit lui être associé sans qu'il y ait d'équivoque", estiment les députées. Pour qui, par ailleurs, les collectivités doivent être libres d'organiser entre elles l'exercice des compétences qui leur incombent.

La mission flash insiste aussi sur la nécessaire adaptation des normes aux réalités locales. Il y a fort à faire en la matière. Car ces dernières années, le législateur et le pouvoir réglementaire, voulant répondre à toutes les situations, auraient fait preuve d'un "excès de détails". Au bout du compte, les libertés locales seraient "étouffées". Les co-rapporteures reprennent à leur compte des critiques émises par le président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), Alain Lambert.

Volonté politique

Pour aller à l'encontre de cette tendance, les députées suggèrent que les associations d'élus locaux et le CNEN – dont les pouvoirs seraient renforcés – soient mieux associés à la préparation des textes de lois qui concernent les collectivités et que les études d'impact précisent mieux les conséquences des mesures envisagées sur la sphère publique locale. Le gouvernement et le Parlement doivent par ailleurs s'engager à une "véritable ascèse", a estimé Monica Michel. Avec sa collègue, elle considère que les lois concernant les compétences des collectivités devraient énoncer des "principes directeurs" et laisser ensuite la possibilité aux assemblées locales d'adapter ceux-ci en fonction des situations de terrain. Les textes réglementaires devant obéir à la même logique.

Les députées proposent encore d'"étendre" la possibilité qu'ont les préfets de déroger sous certaines conditions à certaines normes réglementaires, lorsqu'ils prennent des décisions sur des demandes individuelles (sur cette faculté, voir notre article du 9 avril 2020). Là encore, il s'agit de permettre une meilleure adaptation des normes aux réalités locales. En plus, dans chaque département, une commission réunissant des représentants de l'État et des collectivités aurait pour rôle d'apprécier si les projets d'aménagement ou les demandes d'expérimentation peuvent "justifier une dérogation aux normes nationales".

Afin que les collectivités disposent d'un plus grand pouvoir réglementaire local, il faut certes que certaines difficultés techniques soient levées. Mais il faut surtout que les acteurs publics fassent preuve de "volonté politique", ont conclu les députées. Le rapport de la mission "flash" sera publié au mois de janvier prochain, donc peu de temps avant la présentation du projet de loi porté par la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault.