Rénovation du bâti scolaire : il faut "renforcer la connaissance de l'état du bâti et chiffrer les besoins financiers"

Un rapport parlementaire concernant l'adaptation de l'école aux enjeux climatiques, présenté mercredi 6 décembre 2023 à l'Assemblée nationale, appelle notamment à mieux "chiffrer les besoins financiers" en matière de rénovation du bâti. Il propose la création de guichets uniques pour les collectivités et le lancement d'un plan pour transformer toutes les cours du premier et du deuxième degré en "cours oasis".

L'adaptation de l'école aux enjeux climatiques occupe l'agenda parlementaire de cette fin d'année 2023. Les rapporteures Graziella Melchior et Francesca Pasquini ont remis mercredi 6 décembre leur rapport sur le sujet, tandis qu'une proposition de loi "tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires" sera discutée au Sénat le 14 décembre 2023. Le rapport ne s'inscrit pas autour du seul "prisme" de la rénovation du bâti scolaire mais la question reste centrale. Le rapport aborde en effet les questions relatives aux programmes scolaires et aux méthodes pédagogiques, de même que celles en lien avec les enjeux de la restauration scolaire, des mobilités et de la sobriété. Mais si la rénovation du bâti scolaire occupe le premier plan, c'est parce qu'elle a été identifiée par le président de la République comme l'une des priorités de la planification écologique. Un plan de rénovation de l'ensemble des écoles primaires d'ici dix ans a été présenté jeudi 14 septembre dernier (voir notre article du 14 septembre). L'objectif annoncé est de rénover 2.000 écoles d'ici 2024, 10.000 d'ici 2027 et 40.000 d'ici 2034, soit la quasi-totalité du parc du premier degré. Le plan s'appuie sur le programme "EduRénov" de la Banque des Territoires, qui prévoit un investissement de 2 milliards d'euros pour la rénovation de 10.000 écoles d’ici 2027, avec un objectif d’économies d'énergie de 40% minimum.

Plus de la moitié du parc immobilier scolaire date d'avant 1914

Comme le font remarquer les députés, le parc estimé à 60.000 bâtiments scolaires, enseignement public et privé compris (50.130 écoles primaires, 7.230 collèges et 4.150 lycées), est globalement "en mauvais état". Plus de la moitié date d'avant 1914 ou de la vague de reconstruction au sortir de la Seconde Guerre mondiale. 10% du parc présenterait un état de vétusté important et seul 14% du parc correspondrait aujourd’hui aux normes dites "bâtiments basse consommation". "La mauvaise performance thermique est à l'origine de déperdition importante d'énergies et n'offre pas des conditions favorables au bien-être de la communauté éducative et à l'apprentissage des élèves, d'autant plus que les périodes caniculaires sont en augmentation", résume le rapport.

Des estimations partielles et incomplètes

Une fois ce constat établi, Graziella Melchior et Francesca Pasquini appellent "à renforcer la connaissance de l'état du bâti et à chiffrer les besoins financiers". Les rapporteures considèrent que "les estimations actuelles, qui gravitent autour de 50 milliards d’euros à mobiliser d’ici dix ans […] sont partielles et incomplètes". "Nous savons que la rénovation s'élève aujourd'hui entre 1.000 et 1.700 euros du mètre carré mais nous ne savons pas combien de mètres carrés exactement doivent être rénovés", ont précisé les rapporteures en conférence de presse mercredi 6 décembre. Les estimations actuelles sont "partielles et incomplètes" aussi parce qu'"elles ne concernent que le bâti scolaire primaire".

De plus, cet état des lieux complet du bâti scolaire doit "être assorti d’une estimation précise du coût des travaux nécessaires pour atteindre le dernier jalon du décret tertiaire, soit la réduction de 60% de la consommation des énergies finales d’ici 2050 et l’atteinte des normes bâtiments basse consommation". Autrement dit, l'estimation du coût des travaux doit inclure l'ensemble des travaux "embarqués" : la rénovation énergétique, mais aussi les normes de sécurité et incendie, le désamiantage et le déplombage, la désimperméabilisation et la végétalisation des cours de récréation. "La connaissance de l'état du bâti passera également par les diagnostics de performances énergétiques", estime le rapport qui propose la généralisation pour l'ensemble des établissements scolaires. 

EduRenov étendu aux collèges et aux lycées ?

Autre aspect mis en exergue dans le rapport : "les dispositifs d'aides nombreux mais complexes et peu lisibles". Rappelons que l'investissement annuel des collectivités dans le bâti scolaire s'élève à 8,3 milliards d’euros par an (dans le détail 3,7 milliards d’euros pour les communes ; 2,7 milliards d’euros pour les régions et 1,9 milliard d’euros pour les départements). "Les aides ont été rehaussées" mais "le reste à charge reste important et les collectivités peuvent se retrouver démunies face à la complexité et la multiplicité des dispositifs existants".

"Au printemps dernier, le gouvernement a donné une nouvelle impulsion dans le cadre du plan de rénovation de l'ensemble des écoles primaires d’ici 10 ans, qui repose en grande partie sur le programme EduRénov de la Banque des Territoires qui comprend une enveloppe de 2 milliards d'euros de prêts et d'avances et 50 millions d’euros de crédits d’ingénierie sur cinq ans", est-il rappelé dans le rapport. Les auteures saluent ce plan mais considèrent qu'il est "nécessaire d'aller plus loin, en incluant les collèges et lycées et en y ajoutant les financements adéquats. Elles préconisent également le lancement d'un plan pour transformer l'ensemble des cours de récréation des écoles du premier et du deuxième degré en cours végétalisées.

Des préfectures de département ou les sous-préfectures en guichet unique

Les rapporteures portent aussi des propositions pour mieux accompagner les collectivités. "Il est essentiel que les élus puissent se tourner vers un interlocuteur unique et clairement identifié. Les préfectures de département ou les sous-préfectures constitueraient un point d'entrée pertinent". Elles demandent également à ce que "les moyens financiers pour l'accompagnement en ingénierie soient rehaussés". Rappelons que les bâtiments de l'école publique représentent la moitié du patrimoine bâti des collectivités territoriales et que 66% des écoles primaires sont installées dans des communes de moins de 10.000 habitants. "Partant du constat que les petites communes sont mal outillées pour contrôler la qualité des travaux et que cette situation peut susciter la méfiance des élus locaux", les rapporteures appellent au lancement d’une démarche de labellisation et au développement d'outils pour aider les collectivités à mesurer l'efficacité des travaux conduits.