Plan de rénovation des écoles : les élus locaux très réservés

Flou sur le guichet unique, limitation des compétences du maire, conditionnalité des aides : la présentation du plan de rénovation des écoles par le gouvernement inquiète les représentants de l'Association des maires de France. La pérennisation jusqu'en 2027 du Fonds vert, lequel serait abondé de 500 millions d'euros par an réservés aux bâtiments scolaires, est toutefois perçue comme "une annonce positive importante".

Les élus locaux ne semblent pas convaincus par le plan de restauration écologique des écoles présenté jeudi 14 septembre 2023 par Gabriel Attal, ministre de l’Éducation nationale, et Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique. Lors d'un point presse tenu à l'issue du premier comité d'animation ad hoc, Delphine Labails, maire de Périgueux et coprésidente de la commission éducation de l'AMF (Association des maires de France), et Christian Métairie, maire d'Arcueil et coprésident de la commission transition écologique de l'AMF, ont fait part de leurs réserves sur plusieurs points.

Alors que 40.000 bâtiments scolaires sont à remettre aux normes dans les dix ans à venir afin de faire face aux enjeux climatiques pour un budget estimé à 40 milliards d'euros – et même plus selon la récente mission sénatoriale consacrée au bâti scolaire –, les ministres ont annoncé aux élus locaux la pérennisation jusqu'en 2027 du Fonds vert, lequel serait dès 2024 abondé de 500 millions d'euros par an exclusivement réservés aux bâtiments scolaires, soit 2 milliards. À ce budget viennent s'ajouter d'autres aides ainsi qu'une "montée en capacité d'accompagnement" de la Banque des Territoires (lire encadré n°2). Sur l'aspect budgétaire, Christian Métairie a déclaré qu'il s'agissait d'"une annonce positive importante que nous ne devons pas bouder". Avant de tempérer : "Ce qui est clair, c'est que s'il faut 40 milliards et que l'État en mets 2, les communes n'auront pas les moyens d'en mettre 38." Surtout, devant la multiplicité des dispositifs, l'élu a jugé qu'"aujourd'hui, on a du mal à mesurer à quoi correspondent les différentes aides qui peuvent arriver." Difficulté qui revient à mettre sur la table une première problématique du dossier de la rénovation du bâti scolaire : le guichet unique.

"Des dispositifs un petit peu compliqués"

Du guichet unique, que tous les élus appellent de leurs vœux, il fut bien question lors de la réunion du comité d’animation du plan de restauration écologique des écoles. Ou plutôt, d'une "sorte de guichet unique", selon les termes rapportés par Delphine Labails. Une formule qui entretient le flou et emporte les regrets de Christian Métairie : "Je suis sorti de la réunion en n'ayant pas forcément compris comment cela marcherait, puisqu'on nous a détaillé tout un tas de dispositifs, certes intéressants, mais quand même un petit peu compliqués. […] On n'a pas bien vu d'avancée précise sur ce que serait le guichet unique."

Les représentants de l'AMF ont également avancé leurs réticences devant les éléments de conditionnalité tels que Gabriel Attal les leur a présentés. En effet, les financements devraient être liés à une démarche d'autoévaluation et d'innovation pédagogique proposée dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR). "C'est une vraie difficulté car dans une commune comme la mienne, seule une école sur dix-sept a sollicité le fonds d'innovation pédagogique", a souligné Delphine Labails. Rappelons qu'au niveau national, seuls 14% d'établissements scolaires ont déposé un dossier dans le cadre du CNR à ce jour.

Une procédure "pas acceptable"

Mais la plus grande inquiétude des élus porte sur leur pouvoir dans le plan de restauration écologique des écoles tel qu'il leur a été présenté. D'après la plaquette qui leur a été remise, les élus auront pour tâche d'identifier les écoles à rénover, tandis que, de leur côté, la préfecture identifiera, en lien avec le Dasen (directeur académique des services de l'Éducation nationale), les projets prioritaires. Autrement dit, préfets et Dasen désigneront, en lieu et place des communes, les écoles qui devront être rénovées. Ce que le gouvernement appelle "une gouvernance intégrée au niveau national et territorial". Une démarche "qui n'est pas acceptable" pour Delphine Labails. "Il relève des prérogatives du maire et de son conseil municipal de choisir les écoles qui seront rénovées. Or cette nouvelle procédure limite clairement le pouvoir d'agir des maires", s'insurge l'élue, avant de rappeler que "les bâtiments appartiennent aux communes, nous faisons le choix de nos investissements, du recours à l'emprunt. D'autre part, nous sommes porteurs d'une politique éducative et nous sommes seuls à pouvoir la mettre en œuvre dans le cadre d'un partenariat équilibré avec l'Éducation nationale et les familles. Ni le préfet ni le Dasen ne peuvent se substituer au maire".

Le comité d'animation du plan de restauration écologique des écoles est appelé à se réunir deux fois par an. Les représentants de l'AMF ont assuré qu'ils en profiteraient pour faire remonter du terrain les expériences auxquelles ils auront été confrontés. Leur président David Lisnard devrait même formaliser une demande "d'éclaircissements" afin de lever "une grande inquiétude" sur "le guichet unique" et le "pilotage de l'État".

  • Une PPL pour limiter la participation financière des communes dans la rénovation des écoles

Les députés Nadège Havet (Finistère) et Jean-Marie Mizzon (Moselle) ont déposé le 8 septembre 2023 une proposition de loi visant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires.

Autrement dit, "compte tenu des enjeux de l'adaptation du bâti scolaire à la transition environnementale et du défi que constituent ces investissements pour les collectivités", ils souhaitent limiter le financement des maîtres d'ouvrage à 10% des financements publics pour la rénovation écologique des bâtiments scolaires, en fonction de la situation financière des communes ou intercommunalités.

Actuellement, sauf dérogation, la participation minimale du maître d'ouvrage doit être de 20% du montant total des financements apportés au projet par des personnes publiques.

  •  La Banque des Territoires accélère le déploiement de son programme EduRénov

Annoncé en mai 2023 par la Banque des Territoires (voir notre article du 10 mai 2023), le programme "EduRénov" représente une "brique essentielle" du "Plan Ecoles de rénovation énergétique des établissements scolaires" lancé ce 14 septembre par Gabriel Attal et Christophe Béchu. Le communiqué publié le même jour par la Banque des Territoires rappelle que ce programme est doté d'une capacité de financement de 2 milliards d'euros via "le prêt bonifié à long terme Edu Prêt, des avances remboursables de type intracting (1) ou le tiers financement". Ces financements viennent en complément du Fonds vert ou des financements sur fonds propres des collectivités. La Banque des Territoires souligne qu'elle met également à disposition 50 millions d'euros de crédits d'ingénierie sur 5 ans pour "se focaliser sur le passage à l'acte des travaux des écoles, collèges et lycées". 62 projets sont d'ores et déjà recensés. "Le déploiement progressif s'accélérera dès le début de l’année 2024 avec 800 projets déjà identifiés [..] pour atteindre les 10.000 bâtiments rénovés en 2027", précise le communiqué. 

"Pour faciliter le passage à l’action des élus", la Banque des Territoires décrit une "approche innovante, intégrée et simplifiée". Elle mentionne une "ressourcerie" commune recensant l’ensemble des documents et bonnes pratiques réalisées avec les partenaires institutionnels (ministères, Actee+ de la FNCCR, Cerema, Ademe, etc.) ; un accompagnement "clé-en-main" des élus à l’ingénierie de projets "afin de lever les complexités inhérentes à ces chantiers" ; une charte EduRénov pour donner un cadre commun et simplifié aux élus pour des projets écologiques, innovants et de qualité. Rappelons que sont éligibles au programme EduRénov les écoles mais aussi les collèges, lycées, crèches. 

  Virginie Fauvel / Localtis

(1) Financements en "intracting" : dispositif financier permettant d'utiliser les économies d'énergie réalisées grâce aux travaux pour rembourser l'avance accordée.