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Rénovation énergétique : l'Opecst plaide pour une "rupture"

Dans une note présentée dans le cadre de l’Office scientifique d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), les députés Jean-Luc Fugit (LREM, Rhône) et Loïc Prud’homme (LFI, Gironde) invitent à changer radicalement de méthode pour rendre la démarche de rénovation énergétique des bâtiments plus efficace.

La France doit opérer une véritable rupture dans sa politique de rénovation énergétique des bâtiments pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de consommation d'énergie, estiment les députés Jean-Luc Fugit (LREM, Rhône) et Loïc Prud’homme (LFI, Gironde) dans une note qu'ils ont présentée le 12 juillet dans le cadre de l’Office scientifique d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst).
Le secteur du bâtiment représente de l’ordre de 25% des émissions de gaz à effet de serre et de 45% de la consommation d’énergie finale. Pourtant, la politique de rénovation énergétique des bâtiments a été jusqu’ici relativement inefficace : alors que la loi Grenelle "a fixé un objectif de réduction de la consommation énergétique des bâtiments de 38% entre 2009 et 2020", "celle-ci a baissé de seulement 1%", entre 2009 et 2016, déplorent les deux députés. Malgré un investissement substantiel - pour la seule année 2015, le montant cumulé des incitations financières en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments s'est élevé à 3,8 milliards d'euros - les députés auteurs de la note jugent donc les résultats nationaux "nettement insuffisants".

Nécessité d'une démarche "plus rigoureuse"

Ils plaident pour une "démarche plus rigoureuse". "Initier une véritable dynamique de rénovation énergétique maîtrisée implique d’être en capacité de mesurer les résultats unitaires obtenus, de suivre l’évolution globale du parc, de concentrer les efforts là où leur efficacité est avérée, d’identifier les obstacles de tous ordres et de les lever", estiment les deux députés.
La mesure des performances de l'enveloppe et la consommation réelle des bâtiments constitue à leurs yeux un "prérequis indispensable au pilotage de la rénovation énergétique". Ils y voient "un préalable à la mise en place d'un diagnostic de performance énergétique opposable, envisagée pour 2020, à l'introduction d'une garantie de performance énergétique, permettant de redonner confiance aux donneurs d'ordres, à une généralisation de la corrélation entre la valorisation d'un bien immobilier et sa performance énergétique, ainsi qu'à la simplification et à la lisibilité des aides à la rénovation, en remplaçant les aides ciblées, fonction des caractéristiques des produits, par des aides fondées sur la performance globale d'une opération de rénovation."
Ils défendent aussi la création d'un "véritable observatoire du bâtiment" qui permettrait "de suivre en permanence la situation réelle du parc, aux niveaux national et local, ainsi que son évolution, de cibler les bâtiments à rénover en priorité, pour permettre des opérations groupées, et d'évaluer l'adéquation des actions engagées".

Priorité aux "passoires" énergétiques

Pour des raisons d'"efficacité", "une réelle priorité doit être donnée aux 'passoires', énergétiques et à gaz à effet de serre", poursuivent-ils. "Au regard des enjeux climatiques mais aussi de santé (…), il convient de traiter spécifiquement le cas des 2,6 millions de 'passoires' - représentant 35% du total - habitées par des ménages modestes", précisent-ils. Autre impératif : "inverser la désaffection croissante des ménages, constatée en France mais aussi à l’étranger, vis-à-vis de la rénovation énergétique". "Ceci implique de mieux cerner les conditions de déclenchement d’une décision de rénovation, en habitat individuel et collectif ; et de la rendre plus attractive, en l’associant à l’amélioration de la qualité de vie dans l’habitat, en développant de nouvelles offres de produits, adaptés à des situations diversifiées, 'embarquant' plusieurs fonctionnalités le tout à un coût attractif", détaillent-ils.
Outre le fait de lever certains obstacles réglementaires à l'innovation dans la rénovation énergétique, les députés appellent à identifier de nouvelles solutions en matière d'ingénierie financière, par exemple "en mettant en œuvre un mécanisme hypothécaire s’inspirant du viager", suggèrent les auteurs de la note.

Nombreuses pistes pour la recherche 

Les députés pointent aussi de "multiples axes de recherche à développer" : développement des technologies numériques qui ouvre la voie à une multitude de nouvelles applications (gestion active de l'énergie dans les bâtiments, via les objets connectés, techniques d'intelligence artificielle pour faciliter l'identification des travaux de rénovation les plus appropriés pour un bâtiment, notamment), nouveaux matériaux plus performants, plus simples ou rapides à déployer, recherches sur la qualité de l'air et le confort intérieur ainsi que le respect du bâti existant, accélération du développement des sources non carbonées pour la production de chaleur, etc.
Globalement, il faudra aussi un réinvestissement massif dans la recherche. "Au regard des enjeux liés à l’atteinte des objectifs climatiques et énergétiques, l’effort de recherche publique et privée en matière de rénovation énergétique n’apparaît pas à la hauteur des défis scientifiques et technologiques à relever", déplorent les deux députés. Concernant la recherche privée, "le secteur du bâtiment, qui génère en France un chiffre d’affaires annuel d’environ 130 milliards d’euros, n’alloue qu’environ 0,1% à 0,2% de ce montant à la recherche, contre 2% en moyenne dans les autres secteurs". Et sur la recherche publique, "il y a une désaffection croissante des grands organismes publics de recherche et de financement pour le domaine de la performance énergétique des bâtiments, au moment même où cette recherche devient cruciale", s’inquiètent les auteurs de la note. Comparée à d’autres pays, "sur le plan des effectifs, la communauté de recherche française est en décroissance depuis plusieurs années, alors même qu’elle était déjà plus réduite que dans les pays d’Europe ou d’Amérique du Nord, où existe une tradition structurée de recherche publique dans ce secteur".
"Il apparaît plus que jamais souhaitable de remettre la recherche sur le bâtiment au cœur de la politique d’économie d’énergie française, notamment en inversant la tendance à la baisse des crédits alloués", plaident donc Jean-Luc Fugit et Loïc Prud’homme. Même si des équipes "très compétentes" existent en France "au sein du CSTB, du CEA et de quelques centres universitaires régionaux", un effort de regroupement est nécessaire. La création, à terme, "d’un institut de recherche dédié […] permettant de disposer d’infrastructures adaptées et de donner à ces travaux la visibilité nécessaire, aux niveaux national et international, afin d’attirer de nouveaux talents, pourrait constituer une étape structurante importante de cette démarche", concluent les députés.

 

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