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Projet de loi Elan - L'opposabilité du diagnostic de performance énergétique repoussée par les sénateurs en commission

Après l'annulation définitive par le Conseil d'Etat, le 18 juin dernier, du décret du 9 mai 2017 relatif aux obligations d'amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments tertiaires existants, les dispositions du projet de loi Elan qui en trace les nouveaux contours, notamment en décalant dans le temps le calendrier de mise en oeuvre, prennent tout leur sens. L'article 55 module en effet ces obligations en fixant la première échéance à 2030, tout en conservant le principe d'une réduction de 60% de la consommation d'énergie des bâtiments tertiaires à l'horizon 2050.
Contrainte d'examiner le texte dans un calendrier très serré - les 3 et 4 juillet - la commission des affaires économiques du Sénat ne s'est pas attardée sur le court chapitre consacré à la rénovation énergétique. Tout au plus, en proposant notamment de supprimer la sanction administrative introduite "de façon peu compréhensible" en première lecture par l'Assemblée, pour ceux qui choisiraient la première branche de l'alternative, à savoir atteindre un niveau de consommation d'énergie finale réduit respectivement de 40%, 50% et 60%. "En matière de rénovation des bâtiments, il est préférable de mener des politiques incitatives plutôt que punitives. Un accompagnement technique et financier serait plus pertinent pour atteindre les objectifs fixés", selon la rapporteure Dominique Estrosi-Sassone (LR-Alpes-Maritimes)

Obligations des propriétaires et preneurs à bail

Reprenant dans la partie législative du code de la construction et de l'habitation (art. L. 111-10-3) le principe posé par le décret de 2017, l'article 55 soumet les propriétaires des bâtiments et le cas échéant les preneurs à bail à l'obligation de réaliser des actions de réduction de la consommation d'énergie. C'est à partir des "dispositions contractuelles régissant leurs relations", qu'il leur appartiendra de définir ensemble les actions destinées à respecter cette obligation et mettre en œuvre les moyens correspondants chacun en ce qui les concerne. "Il apparaît difficile d'obtenir l'effectivité de cette obligation si elle n'est pas organisée et coordonnée de façon claire dans les contrats qui lient un propriétaire et un preneur de bail puisqu'elle concerne des moyens distincts qui relèvent de compétences propres (chauffage, éclairage, etc.)", remarque Anne Chain-Larché (LR-Seine-et-Marne) à l'origine de l'amendement.

Produits renouvelables

Concernant les bâtiments d'habitation, l'article 55 bis poursuit un objectif d'harmonisation des fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) de chaque produit de construction incorporé dans l'ouvrage, au regard notamment de leur impact sur la qualité de l'air intérieur du bâtiment. La commission substitue la mention de "produits renouvelables" à celle de "produits biosourcés". Détail sémantique qui a son importance, explique la rapporteure, s'il l'on veut privilégier la performance et non les moyens et se garder d'encourager une filière plutôt qu'une autre. Même substitution terminologique aux articles 55 D (axé sur l'exemplarité de la commande publique) et 55 bis (caractéristiques énergétiques et environnementales des bâtiments neufs). L'amendement supprime également l'obligation de transmission des déclarations de performance environnementale des produits de construction à l'observatoire éponyme. C'est au ministre chargé du Logement qu'il appartient de déterminer la structure destinataire de ces déclarations.

Diagnostics de performance énergétique : ne pas mettre la charrue avant les boeufs

Suivant l'adage, la commission propose de supprimer l'article 55 bis C rendant opposables à compter du 1er janvier 2020 le diagnostic de performance énergétique (DPE). Le chantier sur la fiabilisation du DPE est toujours en cours. Sa finalisation n'est pas attendue avant mi-2019. Il paraît donc "prématuré de rendre opposables ce diagnostic et les recommandations qui l'accompagnent, alors même qu'on ne sait pas si les diagnostics seront fiables au 1er janvier 2020 et qu'on ne dispose pas d'une étude d'impact permettant d'évaluer avec précision les conséquences de cette opposabilité en termes de contentieux pour les entreprises et de contentieux en matière de vente et de location de logements", justifie la rapporteure.

Carnet numérique

La commission propose par ailleurs de maintenir l'exclusion des logements sociaux de l'application du dispositif du carnet numérique, dont le décret d'application n'a toujours pas été publié, et pour lequel le projet de loi promet un nouveau départ (art. 55 ter).


Précarité énergétique

Déjà très peu évoquée par le projet de loi, la lutte contre la précarité énergétique accuse la suppression de l'expérimentation par les collectivités volontaires d'une stratégie territoriale de résorption de la précarité énergétique (art. 55 sexies). "Il existe déjà des actions en ce sens dans les territoires", relève la rapporteure, estimant que "la loi n'a pas à autoriser des initiatives que les collectivités peuvent déjà entreprendre elles-mêmes".