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Requalification d'une DSP en marché public : quelles conséquences ?

Un arrêt du 24 mai 2017 a permis au Conseil d’Etat de rappeler quelques règles relatives à la qualification juridique des contrats et à ses conséquences sur la suite du litige. Lorsque le juge des référés requalifie une délégation de service public (DSP) en marché public, il règle le litige selon les règles de passation propres aux marchés publics.

Dans un arrêt du 24 mai 2017, le juge administratif a admis le référé contractuel d’une société évincée, cette dernière n’ayant pu présenter en temps utile un référé précontractuel du fait des erreurs commises par la commune. En l’espèce, la commune de Saint-Benoît avait conclu une convention relative à la gestion du service de restauration municipale. Cependant, n’ayant pas respecté les obligations de publicité et de mise en concurrence, ce contrat avait été résilié par le juge le 31 mars 2016 dans le cadre d’un précédent litige, avec effet au 1er décembre 2016. Le 18 novembre 2016, la commune avait conclu avec la société Dupont Restauration Réunion une délégation de service publique (DSP) provisoire sans mesure de publicité ni de mise en concurrence, invoquant une situation d’urgence. Quelques heures après la signature de ce contrat, la société de service de restauration Régal des Iles a saisi le tribunal administratif (TA) de la Réunion d’un référé précontractuel. Le TA l’a informée de la signature de la DSP et la société a présenté un référé contractuel. Estimant ce recours irrecevable, le TA a rejeté la demande de la société Régal des Iles. Cette dernière a donc saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.

Publicité et recevabilité du référé contractuel

Le TA avait considéré que le référé contractuel de la société Régal des Iles était irrecevable du seul fait qu’elle ait antérieurement introduit un référé précontractuel. Le Conseil d’Etat a toutefois censuré ce raisonnement. En effet, si l’article L. 551-14 du code de justice administrative (CJA) dispose qu’un référé contractuel ne peut être introduit si le requérant a déjà présenté un référé précontractuel, cela ne vaut pas si la société requérante était dans l’ignorance de la signature du contrat, en raison du non-respect par la collectivité de ses obligations. En l’espèce, le TA n’a pas recherché si la société "n’avait pas été privée de la possibilité d’introduire utilement son référé précontractuel du fait du comportement de la commune". En effet, le Conseil d’Etat a estimé que la commune avait à tort eu recours à une procédure sans publicité ni mise en occurrence. Le TA a donc commis une erreur de droit, entraînant l’annulation de son ordonnance par les juges de cassation.

Une DSP peut cacher un marché public

Avant de vérifier si la situation d’urgence invoquée par la commune justifiait que la procédure ait été passée selon une procédure sans publicité ni mise en concurrence, le Conseil d’Etat s’est d’abord intéressé à la nature même du contrat en cause. Si la commune l’avait qualifié de DSP provisoire, la Haute Juridiction administrative ne l’a pas vu du même œil. Elle a effectivement estimé que compte tenu des différents types de versements (subvention forfaitaire annuelle et compléments de prix unitaire au repas servi) et leur montant (86% de la rémunération totale du cocontractant), "la part du risque transférée au délégataire n’implique pas une réelle exposition aux aléas du marché et le cocontractant ne peut, par suite, être regardé comme supportant un risque lié à l’exploitation du service". Dès lors, la convention en cause, qualifiée de DSP par la commune, a été requalifiée en marché public par le Conseil d’Etat.

Pas d’urgence au sens du droit des marchés publics 

Suite à cette requalification, les juges de cassation ont apprécié la situation d’urgence au regard du droit des marchés publics, et plus précisément de l’article 30 du décret Marchés publics. Cette disposition prévoit la possibilité de passer un marché public sans publicité ni mise en concurrence préalables "lorsqu’une urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles pour l’acheteur et n’étant pas de son fait ne permet pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées (...)". En l’espèce, le Conseil d’Etat a considéré que la commune ne se trouvait pas dans une telle situation. Entre le 31 mars 2016, date à laquelle la commune avait été informée de la résiliation de sa précédente DSP, et le 1er décembre 2016, date à laquelle la résiliation prenait effet, la commune avait tout à fait le temps de s’organiser et de lancer une nouvelle procédure de passation en bonne et due forme. Le Conseil d’Etat a donc fait droit à la demande d’annulation du contrat présentée par la société requérante. Compte tenu de la nécessité de préserver la continuité du service de la restauration municipale, les juges de cassation ont différé les effets de l’annulation au 24 septembre 2017.

Référence : CE, 24 mai 2017, n° 407213

 

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