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Infrastructures - Réseau routier : gare à la dégradation, alerte le Sénat

La France doit dégager les moyens suffisants et pérennes pour assurer le bon état du réseau routier, qui a tendance à se dégrader depuis plusieurs années, entraînant une hausse des coûts d'entretien, affirme un rapport du Sénat publié le 8 mars.

Alerter avant qu'il ne soit trop tard, pour éviter de reproduire les mêmes erreurs que pour le réseau ferroviaire. C'est en substance le message du rapport d'information réalisé par Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, qui a organisé le 8 février dernier une table ronde sur l'état des infrastructures routières et autoroutières. "Une tendance à la dégradation du réseau routier national non concédé et du réseau autoroutier a été observée ces dernières années", souligne le rapport, publié le 8 mars. "Même si elle peut sembler limitée pour l'instant, il apparaît nécessaire de la mesurer et d'y mettre un terme, pour éviter la détérioration de ce patrimoine et l'augmentation de ses coûts d'entretien", estime Hervé Maurey. "L'exemple du réseau ferroviaire, dont l'état est déplorable faute d'un entretien régulier pendant plusieurs années, incite à une vigilance particulière dans ce domaine", ajoute-t-il.

Infléchissement depuis 2013

Le réseau routier français compte plus d'un million de kilomètres de voirie, dont 11.560 km d'autoroutes, essentiellement concédées, 9.645 km de routes nationales, 378.973 km de routes départementales et 673.290 km de routes communales, rappelle le rapport. Il constitue "un atout formidable pour la mobilité dans nos territoires, à condition d'être bien entretenu", insiste Hervé Maurey. Or, alors que plus de 85% des chaussées étaient dans un état correct entre 2010 et 2012, ce chiffre est tombé à 83% en 2015, s'infléchissant à partir de 2013, relève le rapporteur, citant un avis du sénateur Jean-Yves Roux sur le volet transports routiers du projet de loi de finances pour 2017. La dégradation du patrimoine routier et autoroutier entraîne des ralentissements, des restrictions de circulation et des problèmes de sécurité, note encore Hervé Maurey.

Baisse des crédits et abandon de l'écotaxe

Selon lui, la réduction des crédits d'entretien de l'Etat est l'une des premières causes mais il pointe aussi l'abandon de l'écotaxe qui a privé l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) de 1,2 milliard d'euros. Les départements, de leur côté, ont dû faire face à la réduction des dotations et aux contraintes budgétaires qui ont réduit leurs crédits, relève aussi Hervé Maurey qui indique que 130 millions d'euros de recettes de l'écotaxe devaient également leur revenir. Selon les chiffres de l'Assemblée des départements de France cités par le rapport, les dépenses d'investissement des départements dans le domaine routier auraient diminué de 30% depuis 2008, passant de 4,7 à 3,3 milliards d'euros. Certes, le niveau des dépenses de 2008 s'expliquait par l'état dégradé de ces routes lorsque l'Etat les avait transférées aux départements en 2006. Certes, cette diminution des dépenses d'investissement aurait touché la construction d'ouvrages neufs plus que l'entretien. Quant aux dépenses de fonctionnement (de 1,2 à 1,4 millions, hors travaux réalisés en régie), elles seraient elles aussi en baisse. "Les politiques menées dans ce domaine sont très différentes selon les départements, certains considérant la route comme une priorité, d'autres ayant donné la priorité donnée à d'autres dépenses d'investissement (collèges, numérique, etc.)", résume le rapport.

Optimiser l'entretien du réseau

Le rapport reprend les conclusions de la table ronde du 8 février qui a réuni des représentants des gestionnaires des réseaux routiers les plus structurants - l'État, les sociétés d'autoroutes, les départements -, des entreprises du secteur et des usagers. Ces intervenants ont ainsi souligné "la nécessité d'octroyer dès à présent des moyens suffisants à l'entretien du réseau routier, et cela de façon pérenne". "A défaut, on ne pourra que constater un renchérissement significatif des coûts d'entretien au cours des prochaines années", ont-ils mis en garde. D'autres facteurs d'amélioration ont été mis en exergue : l'innovation technologique, pour optimiser l'entretien du réseau, la refonte des stratégies et des politiques d'entretien, ou encore la démarche d'ouverture des données des différents réseaux routiers, engagée dans le cadre de l'observatoire national de la route, qui devrait faciliter le suivi de l'entretien de ce patrimoine.

Contrôle des concessionnaires d'autoroutes

Cette table ronde a aussi été l'occasion de faire le point sur la mise en oeuvre du plan de relance autoroutier signé en septembre 2015 entre l'Etat et les concessionnaires des autoroutes françaises, privatisées entre 2002 et 2006 (3,2 milliards d'euros) et sur le contenu du plan d'investissement autoroutier conclu début 2017. Pour les intervenants, "le contrôle par l'Etat des obligations des sociétés concessionnaires reste fondamental pour vérifier le maintien de la qualité du patrimoine autoroutier, comme la mise en œuvre des engagements pris lors des plans de relance autoroutiers, par exemple celui de réserver la majorité des travaux à des entreprises non liées à des groupes autoroutiers". Même si la loi Macron de 2015 a accordé de nouvelles prérogatives en ce domaine à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), en particulier en matière de contrôle de la passation des marchés de travaux, le rapport estime qu'"il revient en premier lieu à l'Etat d'assurer pleinement son rôle de concédant."