Réseaux de chaleur : Amorce et les énergéticiens appellent à combler le retard par une planification locale systématique

Combler le retard de la France en matière de raccordement à des réseaux de chaleur passe par une planification systématique à l'échelle des petites communes, ont défendu ce 7 décembre, lors des Rendez-vous de la chaleur et du froid renouvelables, le réseau de collectivités et d'acteurs locaux Amorce et sept fédérations d'énergéticiens, qui préparent une proposition de loi. Au cours de ces rencontres, les représentants de la filière du chauffage au bois ont aussi défendu ce mode de chauffage qui leur apparaît sous-estimé dans les stratégies gouvernementales.

"Il faut créer la culture de la chaleur renouvelable par une planification nationale mais aussi locale", a souligné devant la presse Nicolas Garnier, le délégué général d'Amorce, en marge des Rendez-vous de la chaleur et du froid renouvelables qui se sont tenus les 7 et 8 décembre à Paris. Parent pauvre de la planification énergétique, malgré un triplement ces quatre dernières années des aides du Fonds chaleur, les réseaux de chaleur se composent d'une unité de génération ou de récupération de chaleur, et d'un réseau de conduites qui amènent cette chaleur jusqu'aux immeubles. Ils sont plus avantageux pour l'usager – ils sont 20 à 30% moins cher que les autres modes de chauffage. Historiquement utilisateurs de fioul, ils intègrent en outre un taux croissant d'énergies renouvelables ou de récupération (66,5% en 2022) et émettent moins de gaz à effet de serre.

2,7 millions de logements reliés aujourd'hui à un réseau de chaleur

Amorce milite auprès des élus locaux pour développer ces réseaux que l'on trouve principalement dans les régions Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est et qui bénéficient à 2,7 millions de logements (ou 47.380 bâtiments, bureaux ou locaux industriels). L'association a ainsi "généré une centaine d'études de faisabilité" et s'attend à ce que cela débouche sur une cinquantaine de créations de réseaux de chaleur. Mais "il faut que toutes les collectivités locales de plus de 5.000 habitants se posent la question de faire un réseau de chaleur", plaide Nicolas Garnier, et que celles-ci soient dans l'obligation de faire une étude de faisabilité. Actuellement, dit-il, les plans locaux d'urbanisme (PLU) ou d'habitat éludent la question.

Amorce et les fédérations partenaires au sein du Club de la Chaleur renouvelable (AFPG, ATEE, Cibe, Enerplan, Fedene, SER-Syndicat des énergies renouvelables et Via Sèva) proposent également d'obliger les sites industriels dépassant un seuil de consommation d'énergie de vérifier la possibilité de valoriser cette chaleur dans un réseau.

Dotation du Fonds chaleur jugée insuffisante

Tous ont également déploré le refus du gouvernement de porter la dotation 2024 du Fonds chaleur géré par l'Ademe au-delà du niveau de 800 millions d'euros déjà prévu en loi de finances, malgré des tentatives de parlementaires pour l'augmenter. "Cela freine une dynamique qui est quand même extrêmement forte", a regretté Nicolas Garnier. Selon lui, une trentaine de collectivités locales ont vu leur projet de réseau de chaleur bloqué l'an dernier pour des raisons financières alors que d'autres filières brassent des milliards. "Ca nous choque", dit-il. Cette année, le portefeuille de projets dépassait déjà 900 millions d'euros, affirment élus et professionnels.

Selon les membres du Club de la chaleur renouvelable, il faudrait porter le budget annuel du Fonds chaleur à 3 milliards d'euros en 2030 si le gouvernement veut suivre la trajectoire qu'il s'est lui-même fixée dans son document de planification énergétique, la Stratégie française Energie-Climat 2024-2035, mise en consultation depuis le 22 novembre dernier (lire notre article).

Inquiétudes de la filière du chauffage au bois

Ce document inquiète par ailleurs les représentants de la filière du chauffage au bois, qui l'ont fait savoir lors des rencontres de la chaleur renouvelable. "On insiste là-dessus car ça correspond à la réalité dès qu'on sort des grandes villes. Le bois est une source d'énergie historique qui peut être mobilisée par des appareils performants et à moindre coût, dans des zones où il n'y a pas forcément d'alternatives", a souligné le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER) Jules Nyssen, lors d'une conférence de presse ce 8 décembre en marge de ces rencontres.

L'un des leviers choisi dans la SFEC pour sortir des énergies fossiles, responsables des gaz à effet de serre, est d'accélérer la production de chaleur d'origine renouvelable utilisée pour se chauffer, sachant que le chauffage représente 43% de la consommation d'énergie finale en France. Les projections gouvernementales placent la consommation de chaleur d'origine renouvelable et de récupération à 297 térawattheures (TWh) en 2030, puis à 330 voire 419 TWh en 2035, contre 183 TWh en 2021. "La hausse la plus importante est due au déploiement des pompes à chaleur" électriques, selon le document.

"Derrière les grands chiffres, qu'on partage, on constate une divergence sur la manière d'y arriver (...) Ce qui semble un peu sacrifié dans les stratégies gouvernementales, c'est la plus grosse partie, le chauffage au bois domestique", conteste Jules Nyssen. "Il n'y a pas que l'électricité dans la vie !" Selon lui, "le bois souffre d'un préjugé" et de la volonté de préserver la forêt et de maximiser sa fonction puits de carbone dans le contexte du réchauffement climatique. Quand elle se porte bien, la forêt absorbe en effet le carbone, qui est le principal gaz à effet de serre. Quant à la pollution de l'air, elle est majoritairement due aux appareils anciens de chauffage au bois et peu performants.

La filière n'a donc pas caché son soulagement ce 8 décembre en apprenant que le gouvernement décidait finalement de maintenir l'aide MaPrimeRénov pour l'achat d'appareils neufs de chauffage au bois (chaudières, poêles, inserts). "Nous regrettons évidemment que son montant soit diminué de 30%, mais nous notons avec satisfaction que cette baisse ne sera applicable qu'au 1er avril 2024, ce qui permet de continuer à s'équiper aux conditions financières actuelles pendant toute la saison de chauffe 2023-2024", a commenté le SER.

Bois domestique : 7,3 millions de ménages concernés

Poêles, inserts, chaudières à bûches ou à granulés : quelque 7,3 millions de ménages français se chauffent aujourd'hui au bois. C'est plus qu'en 2013 (6,6 millions de ménages) et avec un rendement énergétique amélioré grâce à des efforts sur la qualité des appareils et des combustibles, signalés par le label Flamme verte. 

La consommation énergétique du bois domestique est tombée à 76 TWh cette année contre 90 TWh en 2013, preuve qu'on peut chauffer plus de gens avec moins de ressource, soulignent Jules Nyssen et son collègue au SER, Aymeric de Galembert (groupe Seguin-Duteriez), coprésident de la commission chauffage au bois. Pour le SER, la consommation énergétique provenant du bois domestique pourrait donc aisément suivre une courbe ascendante, grimpant à 80 TWh en 2030 puis 82 TWh en 2035. Contrairement au gouvernement qui la voit baisser à 60 TWh en 2030, puis entre 51 et 80 TWh en 2035 selon les scénarios. "Pour se développer, on n'a pas besoin de tirer plus sur la ressource", a assuré durant une table ronde Aymeric de Galembert. Le bois "joue un rôle dans la lutte contre la précarité énergétique et l'allègement de la pointe hivernale" de consommation électrique, a-t-il dit.

Outre le bois, le Club de la chaleur, qui unit l'association de collectivités Amorce et sept fédérations d'énergie renouvelable (AFPG, ATEE, Cibe, Enerplan, Fedene, SER et Via Sèva) juge que le gouvernement sous-estime aussi le potentiel énergétique à retirer des déchets ménagers. Selon Nicolas Garnier, le drame aujourd'hui, c'est que les collectivités locales se retrouvent avec des tonnages toujours élevés de poubelles et négocient pour certaines l'exportation de ce gisement vers des pays voisins qui l'utilisent pour se chauffer. Une situation "absurde", dénonce-t-il. Car "c'est un potentiel énergétique qu'on perd".

 

Label Ecoréseau de chaleur : 71 collectivités lauréates en 2023

118 réseaux, issus de 71 collectivités, se sont vu attribuer le label Ecoréseau de chaleur ce 8 décembre, lors d'une cérémonie organisée dans le cadre des Rendez-vous de la chaleur et du froid renouvelables qui se sont tenus à Paris. Ce label, qui a été lancé en 2013 par Amorce en partenariat avec l'Ademe, entend "récompenser les collectivités œuvrant à la décarbonation de la chaleur, tout en gardant des tarifs compétitifs et une grande transparence pour leurs usagers", rappelle Amorce. 

"Les objectifs de cette distinction sont de contribuer au développement de la filière en communiquant au mieux sur les atouts de ce mode de chauffage auprès du grand public, des aménageurs, promoteurs, abonnés et pouvoirs publics, ainsi que de valoriser les collectivités locales qui assurent la maîtrise de ce service public", souligne l'association. "Les critères mis en avant par le label Écoréseau de chaleur démontrent l’engagement des lauréats en termes d’exigence environnementale (réseau alimenté par plus de 50% d’énergies renouvelables et de récupération – EnR&R), de compétitivité économique (facture globale pour l’usager inférieure à la solution de référence), tout en justifiant d’une transparence envers les abonnés et usagers (un service public transparent et l’existence d’un lieu de concertation)", détaille-t-elle. En 2022, une nouvelle catégorie, le label Écoréseau +, a été ajoutée pour récompenser les réseaux aux performances environnementales "plus qu’exemplaires". 49 réseaux lauréats, pour 37 collectivités, ont ainsi obtenu ce label cette année.

Dans le détail, les villes lauréates du label Ecoréseau sont  Arras, Yzeron, Saint-Germain-en-Laye, Évreux, Hazebrouck, Maubeuge, Sevran, Sin-le-Noble, Alès, Amiens, Abbeville, Bondy, Chambéry, Châteaubriant, Colmar, Dole, Fresnes ainsi que la SPL Semhach. Les villes de  Château-Thierry, Briançon, Blois, Roanne, Laval, Chaumont, Amnéville, Lens, Annemasse, Saint-Louis, Melun, Montereau-Fault-Yonne, Auxerre et Champigny-sur-Marne obtiennent le label Ecoréseau +.

Côté intercommunalités, le label Ecoréseau a été attribué à l'Eurométropole de Metz, à Grand Besançon Métropole, Grenoble-Alpes Métropole, à la Métropole Européenne de Lille, à Montpellier Méditerranée Métropole, Orléans Métropole, Rennes Métropole, à la Communauté d’Agglomération Val Parisis, à la Communauté d’Agglomération de Cergy Pontoise, à la Communauté Urbaine de Dunkerque, au Grand Paris Seine & Oise, à Grand Poitiers Communauté Urbaine et à Nevers Agglomération.
Le label Écoréseau + a récompensé Dijon Métropole, Préval Haut-Doubs, Brest Métropole, Toulouse Métropole, Bordeaux Métropole, Saint-Etienne Métropole, Nantes Métropole, la Métropole Grand Nancy, Clermont Auvergne Métropole, la Communauté d’Agglomération Pau Béarn Pyrénées, à l'Eurométropole de Strasbourg, à la Métropole de Lyon, au Havre Seine Métropole, au Mans Métropole, à Limoges Métropole, au Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart et à l'Établissement Public Territorial Paris Terres d’Envol.

Trois syndicats de collectivités - SMGC, SMIREC et le Syndicat Intercommunal de Villiers-le-Bel/Gonesse - ont reçu le label Ecoréseau et six autres le label Écoréseau +  - SYDED du Lot, SITRU, Syan’Chaleur (régie du Syane), Fédération Départementale d’Énergie de la Somme – Territoire d’Énergie Somme, SITTOMAT, SIOM de la Vallée de Chevreuse. A.L. / Localtis