Archives

Commande publique - Résiliation irrégulière d'un marché public : quels enjeux ?

Deux arrêts du Conseil d'Etat en date du 15 novembre 2012 rappellent les conditions à respecter pour que la résiliation d'un marché public soit considérée comme régulière, ainsi que les conséquences financières qui en découlent.

Une résiliation justifiée sur le fond peut être irrégulière

Dans la première affaire, le département des Bouches-du-Rhône a conclu avec une société un marché de travaux de gros oeuvre pour la construction d'un collège. Suite à la résiliation du marché aux torts de la société, cette dernière saisit le tribunal administratif pour le versement du solde du marché. Le tribunal rejette sa demande et fait partiellement droit aux conclusions du département en mettant à la charge de la société l'indemnisation des surcoûts imputables à la résiliation du marché et aux opérations d'achèvement de la construction du collège. La cour d'appel est saisie tant par le département que par la société contre la décision du tribunal. Elle rejette les deux requêtes. Elle estime en effet que la condamnation de la société est fondée dans la mesure où même si la décision de résilier le marché était intervenue selon une procédure irrégulière, elle était justifiée au fond.
Cependant, les juges du Conseil d'Etat annulent l'arrêt de la cour d'appel. La Haute Cour affirme que l'irrégularité d'une décision de résilier un marché fait obstacle à ce que "le surcoût issu de cette résiliation soit mis à la charge du titulaire, alors même que la résiliation serait justifiée au fond". Ainsi, le surcoût qui résulte de la résiliation du contrat ne peut pas être mis à la charge de la société. Elle précise ensuite la raison de l'irrégularité. Conformément à l'article 3 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée (loi MOP), le pouvoir de résiliation ne peut être délégué. En l'espèce, la décision de résiliation prise par le maître d'ouvrage délégué n'était pas régulière car celui-ci n'était pas compétent pour résilier le marché.

Résiliation : à quel moment l'ancien titulaire peut-il obtenir le paiement du solde ?

La seconde affaire concerne un marché conclu entre les Hospices civils de Beaune et une société de travaux. Suite à la résiliation dudit marché, la société demande à la cour d'appel l'indemnisation du préjudice causé par la décision de résiliation et le règlement de ses dettes contractuelles. La cour rejette l'appel et estime que la résiliation irrégulière ou infondée "n'était pas de nature à faire obstacle à ce que le décompte général du marché résilié ne soit notifié à l'entrepreneur qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux".
Les juges de la Haute Cour rappellent donc que le titulaire d'un marché résilié régulièrement à ses frais et risques ne peut obtenir le décompte général de ce marché pour le règlement des sommes dues au titre des travaux exécuté, qu'après le règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. Cependant, le titulaire peut saisir le juge afin de faire constater l'irrégularité ou le caractère infondé de la résiliation. Si la résiliation se révèle irrégulière, le cocontractant de l'administration peut demander le règlement des sommes qui lui sont dues avant le règlement définitif du nouveau marché.

L'Apasp

Les modalités de reprise du chantier dans le marché de substitution

Un arrêt du Conseil d'Etat du 3 décembre 2012 porte quant à lui sur les conditions de reprise d'un chantier dans un marché de substitution, après la résiliation du précédent marché.
Dans les faits, le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères (Setom) de l'Eure a résilié un marché de travaux aux frais et risques de l'entrepreneur. Il a alors lancé une nouvelle procédure de passation d'un nouveau marché destiné à terminer les travaux du chantier commencé. L'ancien entrepreneur, s'estimant propriétaire des matériaux d'isolation laissés sur le chantier, intente une action en justice. Le tribunal administratif de Rouen annule l'ensemble de la procédure de passation du marché de substitution "au motif que le pouvoir adjudicateur avait indiqué, dans les documents de la consultation, mettre à disposition des candidats des matériaux entreposés sur le chantier, qui demeuraient la propriété de la société".
Le Conseil d'Etat rappelle alors les règles du cahier des clauses administratives générales (CCAG) en matière de travaux. Conformément à l'article 46.4, en cas de litige au cours de l'exécution d'un marché, "le maître d'ouvrage dispose du droit de racheter, en totalité ou en partie : (…) les matériaux approvisionnés, dans la limite où il en a besoin pour le chantier". Le Setom est donc légitime à prétendre au rachat des matériaux d'isolation présents sur le chantier. Il peut inscrire dans les documents de la consultation leur mise à disposition pour le futur marché de substitution, quand bien même leur rachat n'est pas encore acté. En effet, ce droit pour le pouvoir adjudicateur est automatique dès lors que les matériaux s'avèrent nécessaires à l'exécution du marché.

Références : Conseil d'Etat, 15 novembre 2012, n° 349840 ; Conseil d'Etat, 15 novembre 2012, n° 356832 ; Conseil d'Etat, 3 décembre 2012, n°361287.

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis