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Délinquance des mineurs - Responsabilité des parents : une mesure qui existe déjà mais n'est jamais appliquée

Dans la foulée du discours musclé du chef de l'Etat à Grenoble vendredi 30 juillet, le député et président du conseil général des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, a annoncé dans le Journal du dimanche une future proposition de loi visant à incriminer les parents d'enfants délinquants en cas de défaillance caractérisée. Cette proposition, préparée avec son collègue Edouard Courtial, répond à la demande de l'Elysée, fin juin, d'examiner de nouvelles mesures. Concrètement, explique le député dans l'hebdomadaire, "en cas de condamnation d'un mineur", le juge mettra "systématiquement" en place un "plan de probation sous la responsabilité de ses parents". A travers ce plan de probation qui s'inspire d'un dispositif canadien, le jeune aura des interdictions, comme celles de "paraître dans certains lieux, d’entrer en relation avec certaines personnes qui peuvent être des co-auteurs, des complices", et des obligations en termes de résultats scolaires. En cas de non-respect, les parents encourront une nouvelle peine ainsi rédigée : "Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende le fait par le père ou la mère de laisser son enfant mineur, lorsque celui-ci a été poursuivi ou condamné pour une infraction, violer les interdictions et les obligations auxquelles il est soumis." Une disposition qui viendrait compléter l'article 227-17 du Code pénal. Ce dernier dispose que "le fait, par le père ou la mère légitime, naturel ou adoptif, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre gravement la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende". Un arsenal qui pourrait très bien permettre de responsabiliser les parents mais qui n'est jamais utilisé par les magistrats. Pourtant la disposition n'a rien d'archaïque, elle date de la rédaction du nouveau Code pénal de 1990.

Mais deux autres mesures dont Eric Ciotti est à l'origine vont venir compléter le dispositif de responsabilisation des parents à la rentrée. Tout d'abord sa proposition de loi votée en première lecture à l'Assemblée fin juin visant à suspendre les allocations familiales après "un premier avertissement", pour lutter contre l'absentéisme scolaire. Cette décision découlant de la loi sur l'égalité des chances du 31 mars 2006 ayant institué le contrat de responsabilité parentale, relevait jusqu'ici des présidents de conseil général. Mais elle n'a jamais été appliquée. A présent, l'initiative pourra relever directement des inspecteurs d'académie. Par ailleurs, à partir du 7 septembre, les sénateurs devront examiner la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure 2, votée en première lecture par l'Assemblée. L'une de ses dispositions (article 24) prévoit de renforcer le contrat de responsabilité parentale en proposant aux parents des mesures d’aide et d’action sociales. Elle prévoit dans le même temps d'imposer un couvre-feu aux enfants faisant l'objet d'un contrat de responsabilité parentale. En cas de non-respect, les parents seront passibles d'une amende.

Reste maintenant à mettre en oeuvre toutes ces mesures qui n'ont pas fini d'alimenter la polémique. Auditionné par le Sénat en 2002 sur la question de la délinquance des mineurs, le criminologue Alain Bauer, aujourd'hui président de l'Observatoire national de la délinquance, avait déjà relevé l'absence d'utilisation de l'article 227-17 du Code pénal. "Avant de créer de nouveaux articles, d’en modifier certains, la sagesse impose de faire fonctionner cette machine puis seulement ensuite de réformer ce qui ne marche pas", avait-il souligné.
 

Michel Tendil