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Risque pénal : le nombre d'élus locaux mis en cause est en baisse

Au cours du mandat 2014-2020, 308 élus locaux en moyenne ont fait chaque année l'objet de poursuites pénales, selon l'observatoire de Smacl assurances. Le nombre des élus locaux mis en cause est en baisse continue depuis 2016, la crise sanitaire ne modifiant pas les choses.

Le nombre de mises en cause contre les élus locaux a augmenté de 42% au cours du dernier mandat municipal (2014-2020), selon le rapport annuel de l’observatoire de Smacl assurances sur le risque pénal des élus locaux, rendu public ce 19 janvier. En s'appuyant tout à la fois sur les contentieux déclarés par ses assurés, les informations issues des médias et les décisions de justice accessibles, l'observatoire créé par la société d'assurance des collectivités territoriales a recensé 1.846 élus poursuivis dans l’exercice de leurs fonctions au cours de la mandature 2014-2020. Soit une moyenne de 308 élus locaux poursuivis par an. C'est singulièrement plus que les 1.300 affaires qui étaient apparues durant le mandat 2008-2014.

Mais, en 2014, année des élections, un record a été enregistré, avec 437 élus locaux mis en cause. Cela explique une partie de la croissance des mises en cause constatées globalement sur la période du précédent mandat… et masque une évolution à la baisse sur la seconde partie de ce mandat. Depuis 2016, une "lente décrue" est en effet constatée. Et elle ne s'est pas interrompue, même en 2020, année des élections et de la crise sanitaire. Pour l'heure - ces chiffres sont encore provisoires -, 223 poursuites dirigées contre des élus locaux ont été recensées pour cette année 2020. C'est deux fois moins qu'en 2014. La réduction du nombre des mises en cause visant les élus locaux apparaît donc comme un phénomène durable. Pour l'observatoire de Smacl assurances, ce nombre devrait concerner environ 1.500 édiles pour la période du mandat 2020-2026.

Des élus reconnus innocents dans plus de 60% des affaires

En sachant que la France comptait un peu plus de 579.000 élus locaux au 1er janvier 2021, le taux de mise en cause pénale des détenteurs de mandats locaux s'élève à moins de 0,32%. C'est "un chiffre très loin du malsain 'tous pourris'", commente l'observatoire de Smacl assurances. Ce, d’autant que toutes les procédures ne se soldent pas par une déclaration de culpabilité. Au contraire : plus de 60% des procédures engagées s'achèvent sur une décision favorable aux élus poursuivis.

Sur la période 2014-2016, 402 élus locaux ont en revanche été reconnus coupables d'une infraction pénale : plus de 36% pour manquement à leur devoir de probité (corruption, favoritisme, prise illégale d’intérêt...), plus de 28% pour atteintes à l’honneur (diffamation et dénonciation calomnieuse...) et près de 18% pour atteintes à la dignité (harcèlement moral, injures, discriminations...). Mais ce nombre de 402 condamnations est encore provisoire : le bilan final devrait être plus élevé, car toutes les procédures engagées ne sont pas encore achevées. Pour 2020-2026, l'observatoire de Smacl assurances s'attend à ce que le nombre de condamnations atteigne le nombre de 607.

L'Observatoire recense aussi les procédures ouvertes contre des fonctionnaires territoriaux dans l'exercice de leurs fonctions. Il en a recensé 913 pour le mandat 2014-2020. Ce résultat n'est certes pas exhaustif. Mais il révèle en tout cas que les agents font plus rarement l'objet de plaintes ou d'actions en justice que les élus locaux. Le taux de mise en cause pénale s'élève ainsi pour eux à 0,046% toutes infractions confondues. Et comme chez les élus, beaucoup d'entre eux – plus du tiers – bénéficient finalement d'une décision favorable de la Justice. Ceux qui, toutefois, sont jugés coupables, le sont le plus souvent (43%) pour des faits de manquement au devoir de probité (corruption, favoritisme, prise illégale d’intérêts...). Dans 14% des cas, les faits condamnés concernent des atteintes à la dignité (harcèlement moral, injures, discriminations...) et dans près de 12% des cas des violences sexuelles (agression, viol, voyeurisme, harcèlement sexuel…).

Nouvelle définition de la prise illégale d'intérêts : un coup d'épée dans l'eau ?

À noter que pour les fonctionnaires aussi, le nombre des mises en cause connues est en décélération depuis quelques années et que le phénomène pourrait se poursuivre jusqu'à la fin du mandat actuel. L'observatoire de Smacl assurances estime que durant cette mandature, quelque 650 fonctionnaires territoriaux au total pourraient être poursuivis, soit environ 30% de moins par rapport au précédent mandat. Pour la période du mandat actuel, moins de 250 fonctionnaires territoriaux devraient donc être "condamnés pénalement à l’issue des procédures".

Tant pour les fonctionnaires que pour les élus locaux, la récente modification de l'article 432-12 du code pénal réprimant la prise illégale d'intérêts contribuera-t-elle à réduire la menace pénale ? Reprenant une proposition de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), le Sénat a placé ses espoirs dans cette réforme inscrite à l'article 15 de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. Mais les avis de quatre avocats spécialistes de ce sujet, que l'observatoire de Smacl assurances a recueillis, ne sont guère rassurants. S'ils estiment que l'intention du législateur était bonne, ils considèrent que la nouvelle écriture du code pénal se révèle en pratique d'une "efficacité douteuse".