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Risque tsunami : le circuit de l’alerte toujours pas sur la bonne longueur d’onde

L’instauration d’un centre d'alerte aux tsunamis en Méditerranée, opérationnel depuis 2012, est apparue comme la suite logique du rapport établi par le sénateur Roland Courteau pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) en 2007. Mais à l’heure du bilan, l'architecture du cheminement de l’alerte dans sa phase descendante, vers les autorités de protection civile locales, apparaît largement perfectible.   

 

"Un tsunami peut survenir demain sur les côtes françaises" : en 2007 l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sonnait l’alarme, préoccupé par l’impréparation manifeste de la France - à l’exception de la Polynésie Française - face à cet aléa rare, mais aux conséquences potentiellement désastreuses. Au lendemain du dramatique tsunami indonésien au large de Sumatra, cette position d’attentisme contrastait avec la vulnérabilité du littoral français aggravée par une forte densité de la population, en particulier sur la Côte-d’Azur. Le rapport concluait donc à la nécessité d'instaurer rapidement un système national d'alerte aux tsunamis couvrant la métropole et les départements d’outre-mer.
Le travail du rapporteur Roland Courteau a été influent en la matière. Dix ans après, le sénateur de l’Aude a de nouveau répondu présent pour en tirer le bilan, lors d’une audition publique, organisée par l’OPECST ce 7 février. " Je vous fais grâce des innombrables démarches des uns et des autres qui ont conduit à la mise en place d’un centre national d’alerte au tsunami couvrant la Méditerranée occidentale et l’Atlantique Nord-Est", remarque-t-il, mesurant le chemin parcouru jusqu’à "cette avancée majeure". Sous pilotage du CEA (Commissariat à l'énergie atomique), le Cenalt (Centre d’alerte aux tsunamis) est en effet pleinement opérationnel depuis juillet 2012. L’élargissement de son périmètre d’action - aux Antilles et à La Réunion - est néanmoins encore à l’étude.  

Course contre la montre

Confronté à des délais de réaction courts, le Cenalt, pour être efficace, doit être capable d'affiner en moins de 15 minutes le message d'alerte régional suivant les événements sismiques potentiellement "tsunamigènes", 24h sur 24, 7 jours sur 7, et de le transmettre aux autorités nationales de sécurité civile - en pratique vers un terminal situé Place Beauvau au centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (Cogic) - ainsi qu’aux points focaux et centres d’alerte étrangers. Ce système  "d’alerte montante géré par le Cenalt fonctionne très bien", estime Roland Courteau, qui se montre en revanche plus sceptique sur la gestion de "l’alerte descendante" lancée par le Cogic vers les autorités de protection civile régionales et locales (préfecture de département, de zone de défense, maritime, Sdis etc.). "Le risque zéro n’existe pas mais un système d’alerte peut réduire considérablement le nombre de perte de vies humaines à la condition que la chaîne d’information et de décision fonctionne avec rapidité d’un bout à l’autre et parvienne aux populations",  insiste-t-il.
"S’il y doit y avoir des marges de progression, c’est sans doute sur la partie alerte descendante",  confirme Jean-Bernard Bobin, de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises au ministère de l’Intérieur. Car c’est bel et bien une  "course contre la montre" qui s’engage en fonction de l’intensité à l’origine du phénomène (selon trois niveaux d’alerte : jaune, orange, rouge), relève-t-il. Un tsunami au large des côtes algériennes mettrait ainsi à peine une heure à arriver sur la côte méditerranéenne, sans parler des tsunamis locaux (mer Ligure) qui peuvent quant à eux survenir en quelques minutes. "Dans ce cas, il faut plutôt miser sur la sensibilisation des populations",  admet Jean-Bernard Bobin. 

Cannes : une ville exemplaire

CEA et Cenalt - en la personne de François Schindelé - ont participé à des actions concernant l’alerte descendante ces deux dernières années avec la commune de Cannes, la préfecture des Bouches-du-Rhône et la Dreal Paca, notamment en fournissant les éléments scientifiques pour le plan Orsec tsunami et le plan communal de sauvegarde (PCS). Les Bouches-du-Rhône sont en effet le premier département à se doter d’un Ordre départemental opérationnel tsunami (ODOTSU), conçu comme un plan dérivé des dispositifs Orsec inondations, et approuvé en août dernier.  "Nous avons adapté notre procédure en conséquence pour adopter une procédure réflexe : dès lors que les échelons départementaux (préfecture, Cossim/Codis) ont connaissance d’un message, ils doivent le relayer de manière systématique aux communes du littoral et exploitants industriels potentiellement concernés", explique son coordonnateur, Christos Sabanis.
Depuis l’automne, un groupe de travail a par ailleurs été mis en place sous le pilotage de la Dreal, avec l’appui du Cyprès, visant à accompagner les collectivités et les exploitants industriels pour la prise en compte du risque tsunami dans leurs planifications de gestion de crise (PCS, POI, etc.). Véritable territoire pilote, la commune de Cannes y est là encore associée. Implication des élus locaux, des autorités portuaires et professionnels du tourisme, formation des personnels, exercice d’entraînement, sensibilisation du public, installation de sirènes et de zones refuges dans l’enceinte du Palais des festivals, rien ne paraît avoir été laissé au hasard sur la Croisette, comme en témoigne, la conseillère municipale en charge de la prévention des risques, Claire-Anne Reix. Même constat à cet échelon : "l’amélioration majeure consisterait à diminuer les délais d’alerte descendante au niveau étatique (…) : entre le Cenalt et nous il y a plus de 40 mn à chaque fois", déplore-t-elle. La ville de Cannes souhaiterait donc être directement contactée en cas de risque tsunami. Or, actuellement, il n’y pas de ligne dédiée de transmission à l’attention des préfectures ou des mairies.
Christos Sabanis en tire lui aussi une conclusion simple :  "il conviendrait que dès son émission par le Cenalt l’alerte descendante soit simultanément transmise aux échelons nationaux (Cogic) et zonaux (COZ/préfectures/Codis/Cossim et s’agissant de forts enjeux pour les populations, idéalement aux communes littorales), de façon à ce que tous les niveaux soient dans la boucle". 
 

 

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