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Sanitaires scolaires : il y a urgence à agir

La Fédération nationale des délégués départementaux de l'Éducation nationale estime que l'état des sanitaires dans les écoles est déficient. Elle lance une enquête nationale pour évaluer une situation qui a des répercussions directes sur les apprentissages des élèves.

La question des toilettes à l'école est-elle tabou ? On est en droit de se poser la question en apprenant que la Fédération nationale des délégués départementaux de l'Éducation nationale (FNDDEN) vient de lancer une enquête sur le sujet. Pourquoi ? Parce que cette même organisation avait déjà réalisé une enquête similaire en 2006. À l'époque, la FFDDEN écrivait : "Ce qui existe partout en matière d’hygiène dans tous les lieux de travail et dans tous les lieux publics est absent dans nombre d’écoles… ce qui serait intolérable pour des adultes est trop souvent accepté pour des enfants." Et depuis ? Rien n'a changé.

Du papier toilette fourni par les enseignants

L'épidémie de Covid a entraîné un renforcement des mesures d'hygiène à l'école, et notamment l'obligation de se laver les mains très fréquemment. La FNDDEN – qui regroupe quelque 16.000 délégués départementaux bénévoles, nommés par l’inspecteur d’académie et chargés de visiter les écoles maternelles et élémentaires et d'informer les communes et académies sur leur état – a voulu savoir si ces mesures étaient respectées et a effectué dans ce but de nombreuses visites d'écoles. "Nous avons pu constater que la question des sanitaires se posait, explique Eddy Khaldi, président de la FNDDEN. Il y a un manque criant d'équipements et les toilettes ne sont pas toujours dans un bon état de fonctionnement. Quand toute une école doit défiler devant un unique point d'eau, cela perturbe bien évidemment le fonctionnement de l'école. Et en plein hiver, nous avons constaté que certains établissements étaient même dépourvus de points d'eau chaude."

En 2006, les dysfonctionnements des sanitaires scolaires étaient aussi nombreux que divers : absence de papier toilette, odeur d’urine, saleté, matériel (chasse d’eau, verrou, éclairage…) en mauvais état, manque d’intimité, peur du comportement d’autres élèves, peur de rester enfermé, etc. Plus de quinze ans après, ces mêmes lacunes semblent persister. "Il y a deux ans, nous avions visité 371 des 465 écoles de Marseille. Notre rapport de synthèse avait servi aux élus locaux et était même remonté jusqu'à la présidence de la République, d'après ce qu'on a pu nous rapporter. Nous y avions noté un certain nombre de manques en matière d'équipements sanitaires des écoles. Nous avions vu que les enseignants ramenaient à tour de rôle du papier toilette… sauf avant nos visites, qui étaient annoncées à l'avance, où des palettes de papier toilette étaient livrées", raconte Eddy Khaldi.

Stratégies d'évitement des toilettes

Si ces nombreux dysfonctionnements posent des problèmes d'hygiène évidents, leurs répercussions vont au-delà. Dans le numéro de la revue de la FNDDEN daté de mars 2022, un article intitulé "Les sanitaires scolaires : une urgence nationale" notait : "La fréquentation des toilettes participe à la satisfaction des besoins fondamentaux de la pyramide de Maslow dont le non-assouvissement entraîne des répercussions sur les fonctions supérieures et donc sur les apprentissages. Un enfant sur deux se retient d’aller aux toilettes volontairement. Près de sept enfants sur dix ont élaboré des stratégies d’évitement. Ce qui entraîne des troubles physiques (fuites et infections urinaires, maux de ventre, constipation…) et un manque de concentration au travail."

La FFDEN a donc décidé de passer à l'action. Elle vient de lancer une enquête qui va durer d'avril à juin 2022. L'ensemble de ses délégués sont invités à visiter les écoles de leur ressort puis à remplir un questionnaire en ligne. Parmi les points que l'enquête va tenter mettre en lumière, on relève des questions portant sur la présence des Atsem (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles) et plus généralement des adultes dans l'école, le nombre de points d’eau chaude et froide dans les bâtiments et la présence d’un lavabo équipé de savon liquide et de serviettes dans chaque classe, mais aussi sur le nombre, la localisation et l'accessibilité des sanitaires dans l'établissement, ou encore sur l'existence ou non d'un budget spécifique pour l’entretien et la rénovation des sanitaires. Le reste des questions porte essentiellement sur la qualité et l'entretien des installations au regard de leur destination et des attentes et besoins des enfants.

In fine, le but est bien entendu de réaliser un état des lieux et de relever tout ce qui peut nuire à la santé et à la sécurité des enfants dans les installations sanitaires des écoles maternelles et élémentaires. En septembre 2022, une synthèse assortie de propositions pour améliorer la situation sera publiée et diffusée auprès des pouvoirs publics, et notamment des maires.