Santé scolaire : Elisabeth Borne appelle à une "refondation", associant après coup les collectivités
Lancées en mars dernier, les concertations des assises de la santé scolaire se sont conclues mercredi 14 mai 2025 en présence de la ministre Elisabeth Borne qui a souhaité une "refondation ambitieuse" du système de santé scolaire. Les collectivités territoriales, déjà partenaires via la PMI, sont appelées à s'engager davantage dans une "gouvernance partagée" sans pour autant avoir été conviées aux concertations. Les mesures annoncées ont été jugées "étriquées" par les syndicats.

© Capture vidéo Ministère Éducation nationale/ Elisabeth Borne
Sachant que l'enfant passe 40% de son temps d'éveil à l'école, que la santé est une condition de la réussite de l'élève et que la France affiche un des plus hauts taux de symptômes dépressifs d'Europe, la santé scolaire s'est imposée comme un enjeu de société. "L'école, c'est là son premier devoir, doit d'abord instruire, transmettre, former des citoyens. Mais on n'enseigne pas à des élèves en souffrance", a rappelé la ministre de l'Éducation nationale Élisabeth Borne, en conclusion des assises. La ministre avait lancé en mars 2025, les concertations des assises de la santé scolaire auxquelles le Réseau français Villes-Santé, France urbaine et le Réseau français des villes éducatrices (RFVE) n'avaient pas été associés ; ce qu'ils ont regretté et fait savoir (lire encadré) en marge de la journée du mercredi 14 mai 2025 à Paris, durant laquelle les conclusions ont été présentées.
Face à l'augmentation des troubles psychiques, aux séquelles du Covid-19 et aux inégalités persistantes d'accès aux soins, l'exécutif a souhaité questionner la santé scolaire. Le ministère de l'Education nationale compte environ 30.000 réponses à son questionnaire en ligne. Structurée autour de douze mesures, la feuille de route de la ministre vise à "agir dès le plus jeune âge", "simplifier l'organisation des soins" et "inscrire durablement la santé mentale dans le quotidien des élèves".
"La visite de la 6e année n'est réalisée que dans 20% des cas"
"La visite de la 6e année n'est réalisée que dans 20% des cas", a rappelé la ministre. Pour contrer cet échec, dès la rentrée 2026, chaque élève devra bénéficier d'une analyse personnalisée de sa situation de santé, grâce à un travail concerté entre l'Éducation nationale, les familles et les services de PMI. Ces diagnostics permettront d'orienter les enfants vers une visite médicale, un bilan psychologique ou une consultation infirmière selon les besoins.
Pour libérer du temps médical, les personnels verront leurs tâches administratives allégées : "Nous allons lancer une vague de simplifications […] afin de libérer un temps essentiel aux médecins scolaires", a encore souligné la ministre.
Une gouvernance territoriale renforcée
Dans la lignée des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant (2024), une convention-cadre sera signée avec la DGCL et la Cnam, pour renforcer les coopérations avec les services départementaux de PMI et les caisses d'assurance maladie. "Nous veillerons à systématiser les conventions avec les PMI, et à inscrire notre action dans les plans territoriaux de santé publique", s'est engagée la ministre. La future convention précisera les priorités territoriales et formalisera l'engagement des différents acteurs : collectivités, ARS, établissements scolaires et services de santé.
Un protocole dédié à la santé mentale dans chaque collège et lycée
Par ailleurs, la santé mentale, déclarée grande cause nationale en 2025, était au cœur des préoccupations. Les chiffres très préoccupants de Santé publique France ont été rappelés le 14 mai — "13% des enfants de 6 à 11 ans présentent déjà des troubles mentaux probables, 14% des collégiens et 15% des lycéens présentent un risque important de dépression".
Le plan gouvernemental prévoit donc que d'ici fin 2025, chaque collège et lycée devra établir un protocole dédié à la santé mentale. Dans le premier degré, des protocoles seront élaborés à l'échelle des circonscriptions.
Par ailleurs, deux personnels-repères en santé mentale devront être formés dans chaque circonscription pour le premier degré et dans tous les collèges et les lycées d'ici la fin de l'année scolaire 2025-2026. Ils seront formés "au repérage des signes de souffrance psychique, à l'accueil de la parole des élèves et orienteront les élèves en fonction de leurs besoins vers les personnels psychosociaux et de santé", détaille le dossier de presse du ministère du 14 mai.
Dès juin 2025, le plan prévoit également un accès prioritaire, "un coupe-file" aux centres médico-sociaux (CMP) pour les élèves identifiés. Un groupe de travail avec le ministère de la Santé doit permettre d'aboutir à une convention-cadre nationale qui facilitera l'accès aux soins des élèves au sein des CMP, dès lors qu'ils ont bénéficié d'une évaluation par les personnels de santé de l'Education nationale. "Cela évite de passer par une nouvelle phase d'évaluation", précise le dossier de presse.
1 conseiller technique en charge de la santé mentale dans chaque département
Par ailleurs, dans chaque département, le directeur académique des services de l'Education nationale (Dasen) nommera un psychologue de l'Education nationale (EN) conseiller technique en charge de la santé mentale. Une source ministèrielle précise que ces 100 conseillers devraient être recrutés "principalement parmi les psychologues scolaires". "Ils manquent déjà cruellement", soulignent régulièrement les syndicats. Sans compter qu'un psychologue EN a en charge en moyenne 1.600 élèves, a rappelé une psychologue lors de son intervention le 14 mai.
En tout état de cause, le ministère prévoit que ce conseiller technique "apporte son expertise auprès des services départementaux, des chefs d'établissement et des inspecteurs du premier degré, notamment dans l'élaboration de leur protocole santé mentale". Au sein du pôle santé, bien-être et protection de l'enfance, le conseiller technique sera chargé de proposer une feuille de route départementale sur la santé mentale. Il prendra appui sur l'équipe académique santé mentale, créée en 2023, dans les situations les plus complexes. La nomination des référents interviendra en septembre 2025 et les feuilles de route santé mentale seront présentées en décembre 2025.
De nouveaux outils de formation
L'ensemble de la communauté éducative est concerné : inspecteurs, chefs d'établissement, personnels sociaux et de santé bénéficieront de nouveaux outils de formation dès juin 2025.
En parallèle, les élèves eux-mêmes seront sensibilisés via le module “L'AIDER”, qui sera généralisé dans les lycées début 2026, puis expérimenté dans les collèges. Le futur socle commun de connaissances, attendu à l'automne, intégrera des compétences psychosociales pour renforcer le bien-être dès le plus jeune âge. "La promotion de la santé passe par l'acquisition […] de compétences psycho-sociales ", a insisté Élisabeth Borne.
Une revalorisation allant jusqu'à 500 euros brut par mois
Enfin, la question des moyens a été abordée par la ministre, qui a rappelé que près de 40% des postes de médecins scolaires sont vacants. Leur carrière "sera revalorisée et fluidifiée", a promis Elisabeth Borne. L'objectif est de permettre une revalorisation allant jusqu'à 500 euros brut par mois, a précisé le ministère.
La ministre a aussi évoqué "le renforcement des effectifs d'infirmiers et de psychologues de l'Education nationale". Deux points qui feront l'objet de négociations lors de la préparation du projet de loi de finances 2026.
Les syndicats Snics-FSU (infirmières), Snuas-FP FSU (assistants sociaux), Snes-FSU (principal syndicat enseignant du secondaire) et FSU-Snuipp (premier degré) ont regretté des "mesures étriquées" et des "réponses inadaptées". "Les projets présentés relèvent davantage du cache-misère que d'une véritable ambition", ont-ils ajouté dans un communiqué du 14 mai, appelant à ce que "cette réforme change de cap", avec "des moyens humains supplémentaires" et une "revalorisation de tous les personnels".
Les villes éducatrices réclament une revalorisation de la subvention accordée par l'ÉtatEn marge des Assises de la santé scolaire du 14 mai 2025, le Réseau français Villes-Santé, France urbaine et le Réseau français des villes éducatrices (RFVE) ont fait savoir dans une tribune publiée le 13 mai qu'ils regrettaient de ne pas avoir été entendus dans la phase de concertation. Ils rappellent que les villes agissent quotidiennement sur la santé des élèves, qu'il s'agisse de restauration scolaire, d'équipements sportifs ou d'animations éducatives. Surtout, dix grandes villes (dont Paris, Lyon, Nantes, Strasbourg ou Bordeaux ) assurent un service municipal de santé scolaire via une délégation de l'État, avec un taux de couverture et de dépistage bien supérieur à celui des services de l'Éducation nationale. Ces collectivités demandent une revalorisation de la subvention accordée par l'État, aujourd'hui jugée insuffisante, et un renforcement des effectifs médicaux et sociaux, ainsi que des moyens pour la protection de l'enfance portée par les départements. "Ces assises ne sont qu'un point de départ et il n'y aura aucun souci pour les associer à l'avenir", a assuré le cabinet du ministère de l'Education nationale le 14 mai. |