Sécheresse : les nappes phréatiques en amélioration "notable", mais l'incertitude demeure pour 2024, selon le BRGM

Les pluies abondantes d'octobre et de novembre ont permis d'améliorer "considérablement" l'alimentation des nappes phréatiques, avec 78% des niveaux en hausse au 1er décembre, selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Mais l'organisme public reste très prudent dans ses prévisions pour la période hivernale, d'autant que la situation reste très contrastée sur le territoire et que la recharge en cette saison dépend largement des niveaux de précipitations.

C'est finalement à la demande du ministère de la Transition écologique que le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l'organisme public chargé de la surveillance des nappes métropolitaines, a présenté un nouveau bulletin de situation des aquifères ce 14 décembre, alors que celui de novembre devait être le dernier de l'année (lire notre article). Il est vrai que la situation au 1er décembre montre une "inversion brutale des tendances" en un mois, avec, globalement, une amélioration "notable" de la situation.

Près de la moitié des nappes phréatiques (48%) sont désormais repassées au-dessus des normales, dont 20% sont même à des niveaux "très hauts". Même si 41% restent à des niveaux insuffisants, c'est nettement mieux qu'il y a un mois, où 65% des principales réserves souterraines d'eau potable étaient sous les niveaux, et à peine 14% connaissaient une situation favorable. Et c'est sans commune mesure avec la situation de novembre 2022, où 70% des nappes étaient sous les normales et où à peine 9% dépassaient les normales.

"Seules les nappes du Languedoc et du Roussillon", où les pluies restent insuffisantes pour compenser les déficits accumulés depuis l'an dernier, "conservent des niveaux plus bas qu'en 2022", souligne le BRGM dans un communiqué. "Cela fait presque trois ans qu'on n'avait pas connu une situation aussi favorable", a commenté Violaine Bault, hydrogéologue au BRGM lors d'une visioconférence.

Recharge généralisée

Au 1er décembre, les niveaux des nappes métropolitaines étaient en hausse pour 78% des points d'observation, contre 12% en octobre, et la recharge, qui permet aux réservoirs d'eau souterrains de reconstituer leurs stocks durant l'automne et l'hiver quand la végétation est en dormance, s'est généralisée. Cette recharge, qui d'habitude démarre en septembre-octobre, a cette année été retardée du fait de pluies déficitaires et d'une végétation restée active en raison des températures élevées durant le début de l'automne.

Les précipitations records à l'origine d'inondations et de nombreux dégâts notamment dans le nord de la France ont naturellement permis de recharger un certain nombre de nappes. Selon Météo-France, entre la mi-octobre et la mi-novembre, la France a été arrosée par un "rail de dépressions" sur l'Atlantique qui ont occasionné un cumul moyen de 237,3 mm de pluies. Le précédent record était de 187,1 mm entre le 13 janvier et le 11 février 1988.

Néanmoins, souligne Violaine Bault, la situation reste "très contrastée" selon les régions. Les pluies ne sont pas tombées partout, et leur "impact bénéfique" n'a pas forcément été ressenti de la même manière selon que la nappe soit réactive aux précipitations ou inertielle, avec parfois des délais de deux à trois mois avant que l'eau ne s'infiltre en profondeur.

Situations contrastées selon la nature des nappes

Sur les deux-tiers nord du territoire et sur le Sud-Ouest, les épisodes de recharge ont ainsi été très bénéfiques, analyse le BRGM. L’état des nappes est jugé favorable sur l’Artois, l’est de la Lorraine, la plaine d’Alsace et l’Avant-Pays savoyard. Mais la situation reste dégradée sur les nappes inertielles à mixtes du centre et de l’ouest du Bassin parisien, de la plaine de la Limagne, du Sundgau (sud Alsace) et du couloir Rhône-Saône. Des niveaux préoccupants, de bas à très bas, sont toujours observés localement dans le Bassin parisien et le couloir Rhône-Saône.

Dans le sud-est de la France, l’état s’améliore légèrement sur les nappes des massifs de socle (sud Massif central) et de calcaires (Grands Causses, bordure cévenole et Provence) et n’évolue pas sur les nappes des plaines et de la côte méditerranéenne, constate le BRGM, avec des situations qui restent généralement sous les normales mensuelles. Les niveaux sont "préoccupants" sur les nappes du Roussillon, des calcaires du massif des Corbières et des alluvions de la côte du Languedoc, les pluies restant très insuffisantes pour compenser les déficits accumulés depuis 2022.

Ainsi, "les niveaux sont très favorables sur les nappes réactives des deux-tiers nord et du sud-ouest, mais restent sous les normales pour les nappes de la Corse, du pourtour méditerranéen, de la plaine de la Limagne, du couloir Rhône-Saône, du sud de l'Alsace et du Bassin parisien", note le BRGM.

Prudence pour les prévisions 2024

Pour 2024, la prudence reste de mise. "On est certes très satisfait que le début de la période de recharge des nappes soit excédentaire sur une large partie du territoire mais il faudrait qu'il continue à bien pleuvoir pour garantir de bons niveaux pour l'an prochain", a indiqué Violaine Bault. Si pour certaines nappes très réactives, un scénario optimiste peut se profiler si les précipitations restent de mise, pour d'autres, inertielles (Artois, bassin parisien, couloir Rhône-Saône) ou très dégradées (Roussillon), la reconstitution des réserves en eau apparaît "difficilement envisageable d'ici le printemps 2024" et il y aura "probablement des tensions sur celles déjà en déficit", a-t-elle indiqué.

Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu a pour sa part salué l'amélioration de la situation des nappes, "rassurante pour les Français", tout en soulignant qu'il reste malgré tout "quelques zones critiques". "Amélioration ne signifie pas baisse de la vigilance, il serait irresponsable que les acteurs baissent leurs efforts" de préservation de la ressource en eau, a-t-il enjoint.

 

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