Archives

Insertion - Selon le Sénat, la création du RSA n'a rien coûté aux départements

Après la commission d'évaluation ad hoc (voir notre article ci-contre du 11 janvier 2011), le Sénat se penche à son tour sur le revenu de solidarité active (RSA). L'angle d'approche est toutefois différent, puisque la commission des finances et celle des affaires sociales ont choisi "de réaliser un contrôle budgétaire sur les conditions de mise en place et de financement de cette prestation".
Le titre du document - "Le revenu de solidarité active : une avancée décisive à la recherche de son public" - donne une bonne idée du contenu. Les auteurs reviennent ainsi sur les difficultés d'une mise en place "dans l'urgence", qui s'est notamment traduite par un afflux de demandes durant les premiers mois et - faute d'information suffisante - par un grand nombre de demandes qui n'ont pas abouti : 231.000 entre avril et septembre 2009, soit un tiers de l'ensemble des demandes traitées (dans plus de 60% des cas en raison d'un montant de ressources supérieur au seuil d'éligibilité). Ces difficultés ont été aggravées par la conjonction entre la mise en place du RSA et la réforme du traitement des ressources et du renouvellement des droits (lancée au début de 2009 par la branche famille).
Face à ces difficultés, les pouvoirs publics et les caisses d'allocations familiales ont pris un certain nombre de mesures - créations de postes, heures supplémentaires, renforcement des plateaux téléphoniques, mise en place d'un "atelier de régulation des charges" permettant des mutualisations entre les caisses -, mais l'organisation a été lente à s'adapter. Celle-ci a, de plus, été handicapée par la détérioration du climat social au sein des CAF, à l'œuvre depuis 2008. Enfin, la complexité du RSA a également joué son rôle dans ces difficultés, en raison de la révision trimestrielle des situations et de la forte variation dans les situations individuelles (110.000 entrées et 90.000 sorties par mois au premier semestre 2010).

Des questions structurelles qui restent à régler

Au-delà de la période de mise en place, le rapport du Sénat s'interroge également sur les "questions structurelles" qui restent à régler. Il met notamment l'accent sur plusieurs éléments. Le premier concerne les complications engendrées par la multiplication des acteurs engagés dans le dispositif. Le rapport conclut certes que cette multiplicité "est une constante du monde social et [que] le législateur a souhaité utiliser cette richesse tout en incitant à un travail collectif". Mais il pointe néanmoins les territoires institutionnels qui ne se recoupent pas, les risques de cloisonnement entre les approches sociales et professionnelles ou encore "les problèmes persistants d'échanges informatiques". Le second élément concerne les retards dans la mise en place de l'allocation personnalisée de retour à l'emploi (Apre), ainsi que la complexité et le manque de réactivité de cette prestation.
Autres faiblesses pointées par le rapport : l'absence de véritable solution au problème des droits connexes et le paramétrage du RSA jeunes, qui devra être "rapidement évalué". Le rapport relève en revanche les améliorations sensibles apportées à la lutte contre la fraude. Il en conclut - en forme de "quadrature du cercle" - que le RSA "reste complexe pour ses bénéficiaires", mais qu'il n'est pas évident de simplifier les procédures sans risquer de nuire au contrôle et à la maîtrise de l'argent public.

Manipulation budgétaire ou sage précaution ?

Le rapport du Sénat était particulièrement attendu sur la question du financement. Sur ce point, le discours est nettement plus tranché : "Neutre pour les départements, la création du RSA a fait l'objet d'une programmation budgétaire défaillante de la part de l'Etat".
Certes, la création du RSA na pas aggravé le déficit du budget de l'Etat, puisque le solde des dépenses et des recettes résultant de l'adoption de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA se révèle nul. Même chose du côté des départements, dans la mesure où l'extension de compétences liées à la création du "RSA socle majoré" (pour les ex-titulaires de l'allocation de parent isolé, absorbée par le RSA) "a été intégralement compensée aux départements". D'où cette affirmation : "les difficultés financières des départements ne résultent pas de la mise en place du RSA". Les rapporteurs prennent toutefois le soin de préciser qu'ils ont limité leur analyse "à la seule question de la compensation résultant de la création du RSA socle majoré" et n'ont pas abordé "la problématique de la compensation du RMI et de 'l'effet-ciseau' auquel sont confrontés presque tous les départements compte tenu de la crise économique". Autrement dit, "les difficultés financières des départements ne résultent pas de la mise en place du RSA" elle-même, dans la mesure où "la compensation arrêtée lors du transfert du RMI n'est pas modifiée par la création du RSA".
Les rapporteurs concluent que le cadre mis en place par la loi du 1er décembre 2008 pour assurer la compensation a été "scrupuleusement respecté jusqu'à présent" par un Etat qui "a exécuté ses engagements de 'bonne foi'".
Selon les rapporteurs, l'Etat s'est en revanche montré moins à son avantage dans la gestion du Fonds national des solidarités actives (FNSA), qui finance le RSA activité grâce à un prélèvement de 1,1% sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. Le rapport juge d'ailleurs "contestable" la création du FNSA, puisque le souci de transparence a finalement débouché sur une "débudgétisation importante de certaines charges", à l'image de la prime de Noël financée par le fonds "en dehors de toute autorisation parlementaire" ou de la ponction de 230 millions d'euros opérée pour soutenir la trésorerie de l'Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale). Ces transferts de charges ont été permis par une programmation budgétaire des dotations du fonds "particulièrement défaillante", face à une montée en charge du RSA activité nettement plus lente qu'annoncé. Ceci s'est traduit par les excédents impressionnants dégagés par le FNSA : plus de 570 millions d'euros en 2009 et environ 1,3 milliard en 2010. Tout en reconnaissant que le fonds permet une plus grande transparence sur l'utilisation de la contribution de 1,1%, les rapporteurs mettent en cause "une opacité budgétaire qui permet à l'Etat d'échapper aux normes de progression des dépenses" et déplorent "cette utilisation peu rigoureuse des deniers publics qui détourne le FNSA de son objet initial".
Interrogé en octobre dernier lors d'une réunion conjointe des commissions des finances et des affaires sociales - alors qu'il était encore ministre de la Jeunesse et des Solidarité actives -, Marc-Philippe Daubresse s'est défendu en indiquant que "la prévision délibérément haussière du budget 2010 répondait à la volonté de constituer un fonds de roulement pour les deux années suivantes". Le résultat est à la hauteur de l'objectif, puisque le fonds de roulement du FNSA a atteint 1,39 milliard d'euros en 2010, montant qualifié de "gigantesque" par Jean Arthuis, le président de la commission des finances. L'argument du fonds de roulement n'a d'ailleurs pas du tout convaincu les sénateurs, qui y voient plutôt un détournement de la procédure budgétaire. Tout en affirmant qu'il n'y avait pas eu "volonté de constituer une trésorerie artificielle sur le FNSA", Marc-Philippe Daubresse les a toutefois mis en garde contre la tentation d'utiliser cet argent ailleurs, sauf à jouer les "sapeur Camember".

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : Sénat, rapport d'information de Auguste Cazalet, Colette Giudicelli et Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, sur le revenu de solidarité active.

Mise en œuvre du RSA : les CAF se remettent tout juste de la surchauffe
Après la forte "surcharge" qui avait marqué le fonctionnement des caisses d'allocations familiales (CAF) tout au long de 2009, l'année 2010 affiche un léger mieux, même si "la crise fait que la charge reste élevée". Et pour 2011, "on espère que la décrue sera plus rapide que l'an dernier", indique Hervé Drouet le directeur de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), qui présentait le 25 janvier à la presse un bilan annuel de l'activité de la branche famille aux côtés de son président, Jean-Louis Deroussen. Ce dernier note lui aussi qu'à la suite des difficultés de 2009, "face à un stock très important de dossiers" principalement dû à la mise en place du RSA, les CAF avaient même dû "appeler à l'aide". En 2010, les CAF ont reçu 19 millions d'usagers, contre 21 millions un an plus tôt, et ont traité 123 millions de pièces. Au 17 janvier 2011, le stock de dossiers en attente, en équivalent de jours de travail, était de 7,9 jours, à peu près comme à la même période de 2010. Mais en temps normal, la moyenne est désormais de cinq jours, sachant que décembre et janvier correspondent toujours à un pic, à des mois "en flux tendus", au moment où sont recalculées une partie des prestations versées par les CAF. "Depuis 2010, nous devons faire face à quelques nouveautés, à savoir notamment le RSA jeunes et la mise en place du RSA dans les DOM, mais ce n'est pas du tout de la même ampleur", poursuivent les représentants de la Cnaf. Parallèlement, la Cnaf se félicite d'avoir mené un chantier d'"optimisation de la gestion" des dossiers et d'avoir su s'appuyer sur un pool de soutien (appelé "atelier de régulation des charges") et une plateforme téléphonique de renfort. Tout cela pour afficher en 2010, selon Hervé Drouet, une "amélioration de la qualité de service" mesurable, entre autres, par la diminution du temps de traitement des dossiers et du temps d'attente aux guichets. Le directeur rappelle toutefois que pour le RSA-activité, "on a quasiment autant de sorties que d'entrées chaque mois", d'où "un mouvement considérable dans les fichiers" et donc une charge de travail quasi incompressible. Cette forte mobilité au sein du RSA-activité a été tout récemment mise en avant par le dernier rapport en date du comité d'évaluation du RSA, qui constate en effet que le taux de renouvellement (entrants et sortants) est de l'ordre de 5% chaque mois, auxquels il faut ajouter les changements de catégorie (voir ci-contre notre article du 11 janvier).

C.M.