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Selon un rapport du Sénat, c’est le manque de cohérence des politiques qui bloque l’ascenseur social

En matière de politiques jeunesse, les nombreux dispositifs forment comme "un maquis", dans lequel les jeunes – et souvent aussi les professionnels – se perdent… Rapporteure d’une mission d’information sur l’égalité des chances, la sénatrice Monique Lubin appelle à davantage de cohérence, de transversalité et de partenariat, pour une action plus efficace au service de "l’émancipation" des jeunes, de la petite enfance à la sortie du système scolaire.   

 

"L’égalité des chances, jalon des politiques de jeunesse" est le nom du rapport de la sénatrice Monique Lubin (socialiste, Landes), publié le 28 septembre 2021 en conclusion des travaux de la mission d’information sur la politique en faveur de l’égalité des chances et de l’émancipation de la jeunesse (voir nos articles de mars, avril et mai 2021). 

"La fluidité sociale stagne depuis près de trente ans (…) un fils de cadre a toujours en 2015, comme en 1993, 12 fois plus de chances qu’un fils d’employé ou d’ouvrier de devenir cadre, contre 28 en 1977", peut-on lire dans le rapport. La mission s’est donné pour but d’identifier l’ensemble des "facteurs d’inégalité des chances" ou encore "tout ce qui génère les conditions d’une émancipation réussie" dans le parcours d’un jeune, a expliqué Monique Lubin lors d’une conférence de presse. Avec quatre étapes ou lieux analysés en particulier : la petite enfance, le parcours scolaire, l’environnement extra-scolaire et la sortie du système scolaire. L’accent a notamment été mis sur l’accès à des structures d’accueil collectives de la petite enfance – qui concerne 16% des enfants de familles modestes -, sur le processus d’orientation jugé défaillant tant sur les plans quantitatif que qualitatif, sur l’accès à l’éducation non-formelle – le périscolaire, les colonies de vacances… - et sur la "dispersion" des moyens constatée en matière d’insertion des jeunes en difficulté.      

Des politiques souffrant d’un manque de cohérence

"Il y a de nombreux dispositifs, presque trop. A un certain moment cela devient un maquis, les jeunes ne s’y retrouvent pas", tranche la sénatrice des Landes qui appelle à des politiques "transversales" en faveur de l’égalité des chances. Cela passerait, selon le rapport, par la réunion annuelle d’un comité interministériel de la jeunesse, pour parvenir à la définition et au suivi d’une feuille de route précise, et par le renforcement des moyens du délégué interministériel de la jeunesse. Au niveau territorial, est préconisée "la mise en place d’instruments favorisant une approche partenariale et coordonnée des politiques répondant aux besoins des jeunes (schémas départementaux des services aux familles, conventions territoriales globales, projets éducatifs territoriaux)". "Il faut cesser d’empiler les dispositifs et d’en inventer de nouveaux", insiste la sénatrice. 

Dans le rapport, les nombreuses recommandations ont en effet trait à l’existant et concernent chacune des étapes du parcours observé : il est notamment conseillé de renforcer la formation des professionnels de la petite enfance, de poursuivre le mouvement de scolarisation des enfants de deux à trois ans, de mieux accompagner les collectivités dans le développement d’internats, d’accorder une place obligatoire dans les emplois du temps des lycéens à l’orientation, de poursuivre le déploiement des écoles de la deuxième chance…   

Étendre le dédoublement des classes au-delà des quartiers prioritaires 

La mission d’information appelle également à étendre le dédoublement des classes au-delà des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et à accélérer sa mise en œuvre en grande section dans les territoires d’éducation prioritaire. Jugée "salutaire", cette démarche "ne doit pas se faire au détriment des territoires ruraux", est-il écrit dans le rapport. Relançant un débat qui avait émergé dès les débuts du quinquennat (voir nos articles de 2018 et 2019), la rapporteure estime que les territoires ruraux ont été privés d’un "dispositif efficace", le dispositif "plus de maîtres que de classes" qui a été interrompu en 2017 au profit du dédoublement des classes en REP. 

Au chapitre des doléances, Monique Lubin dit aussi "[regretter] fortement la fin de la semaine de cinq jours" qui a constitué dans certains départements "une vraie réussite" concernant l’intégration d’activités périscolaires dans les journées des enfants, "avec bien sûr un coût pour les collectivités locales". Destiné à prolonger cette dynamique, le "plan mercredi" n’a pas encore rempli ces promesses, puisque seuls 2.500 plans auraient été signés, "principalement par des collectivités dont l’offre de loisirs est déjà bien structurée". Il est donc recommandé de "relancer la conclusion de projets éducatifs territoriaux", avec une attention particulière sur les jeunes les moins favorisés. Il importe plus globalement, pour la sénatrice des Landes, de "refonder les relations avec le tissu associatif et de sécuriser les financements".  

 

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