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Transport ferroviaire - Sénateur cherche régions volontaires pour tester l'ouverture du rail à la concurrence

Le 13 novembre, Hubert Haenel, sénateur du Haut-Rhin, a rendu public son rapport remis au Premier ministre sur "l'acte II de la révolution ferroviaire régionale". Le premier volet de ses travaux, remis début octobre, portait sur les relations RFF-SNCF. Ce second rapport porte sur la décentralisation des services ferroviaires au profit des régions, entamée en 2002.
Il a d'abord salué le rapide succès de cette décentralisation reposant sur une expérimentation préalable dans six régions, une compensation du transfert de charges assumée par l'Etat à hauteur de 1,5 milliard d'euros par an et, surtout, par un effort sans précédent des régions. Hors Ile-de-France, 4 milliards d'euros par an sont consacrés par les régions au transport ferroviaire. Soit "un quart de leur budget total, même si le degré d'implication est très variable d'une région à l'autre". Il a par ailleurs rappellé que cette nouvelle compétence a enclenché une "révolution culturelle" tant du côté des élus, des cheminots ayant "joué le jeu" que des voyageurs à l'initiative de comités de ligne.
L'engagement régional porte aussi sur le renouvellement du matériel roulant, propriété pourtant de la SNCF. Il atteint 871 millions d'euros d'investissement régional en 2007, soit quatre fois plus qu'avant la décentralisation. En parallèle, d'autres financements ont été engagés "dans des domaines où les régions ne devaient a priori pas intervenir". Et ce, au travers des CPER ou bien des "plans rail" mis en oeuvre dans certaines régions comme Midi-Pyrénées. "En quelques années, les conseils régionaux sont donc intervenus sur tous les fronts, leur effort financier constituant l'un des aspects essentiels de la rénovation du transport ferroviaire régional", précise le sénateur.

 

La région, "assembleur des transports collectifs"

En peu de temps, les régions sont donc devenues ces "charnières du système français de transports publics". Levier de développement du territoire, cette compétence leur a permis de se connecter au réseau national ou à grande vitesse. Selon Hubert Haenel, la mission consistant à "relier les régions entre elles" reste toutefois perfectible. "Assembleur des transports collectifs", la région n'en reste pas moins confrontée à trois défis.
Le premier vise à ce qu'elle s'assume mieux en tant que chef de file de l'intermodalité. Si certaines régions tendent à le faire en misant sur l'information multimodale et l'harmonisation de leurs offres, il reste nombre d'efforts à déployer en travaillant sur l'offre de services en grande gare et en absorbant la croissance du trafic par une meilleure organisation des dessertes périurbaines.
Second défi : repousser les limites pouvant menacer ce modèle de développement. En effet, les tensions budgétaires s'accroissent, alors même que la demande de transport est en hausse et que la charge d'infrastructure pourrait à terme peser encore plus sur le dos des régions. De fait, le sénateur souligne qu'"il n'est pas acceptable que les efforts des collectivités puissent servir d'éventuel prétexte à un désengagement progressif de l'Etat, surtout au moment où l'Assemblée nationale vient de se prononcer en faveur d'un abondement de 400 millions d'euros supplémentaires par an du plan de régénération du réseau 2006-2010". Pour desserrer l'étau qui se resserre sur les régions, il préconise de remettre à plat la politique tarifaire et l'offre de service proposée, en étendant le versement transport aux grands bassins d'emploi desservis par des liaisons nouvellement mises en service et en améliorant la visibilité sur les besoins des grandes gares de correspondance et sur le devenir des lignes à faible trafic.

 

La concurrence est déjà aux portes des régions

Dernier défi, l'ouverture à la concurrence. Sur ce point, il faut d'abord que l'Etat tranche sur la bonne interprétation à faire du règlement d'obligations de services publics (OSP), qui suscite pour l'instant de fortes divergences. A cette fin, Hubert Haenel vient de déposer une question écrite au gouvernement. Dès décembre 2009, ce règlement européen va faire tomber le monopole de la SNCF et les régions pourront a priori faire appel à d'autres opérateurs, ceux par exemple des groupes Veolia ou Deutsche Bahn. Une fois le cadre mieux défini, il préconise d'agir vite car "l'intérêt des collectivités pour ces formules (d'ouverture de sillons à la concurrence) pourrait se faire de plus en plus pressant, à mesure que l'équation financière de l'accompagnement des succès des TER apparaîtra difficile à boucler". En effet, beaucoup de lignes TER sont déficitaires. Mais une telle ouverture engendre évidemment son lot de questions, ne serait-ce que sur les conditions dans lesquelles les régions pourront ou non faire appel au privé.
A l'instar de ce qui a été fait durant la phase de décentralisation, il recommande donc de "recourir à l'expérimentation dans des régions volontaires, pour savoir où on met les pieds". Il faudra attendre les prochaines régionales pour voir naître de tels dispositifs. D'ores et déjà, l'Alsace semble partante pour expérimenter la mise en concurrence. Dans sa prochaine convention à signer avec la SNCF, cette région compte d'ailleurs introduire la possibilité de recourir à la concurrence dans un cadre pré-établi. Selon Hubert Haenel, la concurrence est déjà aux portes des régions. "Donc mieux vaut l'encadrer, la gérer en amont, même si l'Etat doit continuer de fixer le cap à moyen et long termes pour un développement maîtrisé du secteur ferroviaire et que l'introduction de la concurrence devra dans tous les cas se faire au profit du concitoyen", a-t-il conclu.

 

Morgan Boëdec / Victoires Editions