Archives

Signature du contrat : la précipitation peut être sanctionnée !

Dans un arrêt rendu le 14 février, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la recevabilité d’un référé contractuel introduit suite à un référé précontractuel. Comme l’a précisé lors de l’audience Gilles Pellissier, rapporteur public, "la question de l’articulation entre référé précontractuel et contractuel est une source inépuisable". Cette jurisprudence permet également de revenir sur la possibilité offerte au juge de sanctionner le pouvoir adjudicateur qui signerait un contrat alors qu’un référé précontractuel a été déposé.

Recours de dernière minute

En l’espèce, la commune d’Auriol avait lancé une procédure de délégation de service public (DSP) pour la distribution d’eau potable. A l’issue de la délibération du conseil municipal, le contrat a été immédiatement signé. Toutefois, le même jour, quelques minutes plus tôt, la société des eaux de Marseille, candidate évincée, lui avait notifié par mail son référé précontractuel. Le contrat ayant été signé, le recours a été transformé en référé contractuel. Le tribunal administratif de Marseille a néanmoins rejeté la requête de la société évincée tendant à l’annulation du contrat de DSP. Cette dernière a alors porté l’affaire devant le Conseil d’Etat, demandant l’annulation de l’ordonnance.
Deux questions se posaient alors : au vu des faits, le référé précontractuel pouvait-il être requalifié en référé contractuel ? Dans quelle mesure la commune pouvait-elle être sanctionnée par le juge pour ne pas avoir respecté l’article L. 551-4 du code de justice administrative (CJA) ?

Une vérification avant la signature s’impose

En l’espèce, le référé précontractuel a été notifié à la commune quelques minutes avant la signature de la DSP. Toutefois, à l’heure de la notification (19h38), le service compétent de la mairie était fermé. Dès lors, pouvait-on reprocher au pouvoir adjudicateur de ne pas avoir vérifié si un recours avait été engagé ? Le Conseil d’Etat a répondu par la positive. Il a estimé qu’il appartenait à la commune de faire preuve de davantage de vigilance, alors même que le règlement de la consultation indiquait que les bureaux fermaient à 16h30. En effet, comme l’indique l’article L. 551-1 du CJA, "Elle [la notification du recours] est réputée accomplie à la date de réception par le pouvoir adjudicateur". Dès lors, "la circonstance que la notification ait été faite en dehors des horaires d’ouverture de ce service est dépourvue d’incidence, le délai de suspension courant à compter non de la prise de connaissance effective du recours par le pouvoir adjudicateur, mais de la réception de la notification qui lui a été faite". Ce manque de diligence de la commune traduit donc une méconnaissance de l’article L. 551-4 du CJA qui interdit au pouvoir adjudicateur de signer un contrat dès lors qu’un recours lui a été notifié, et ce jusqu’à ce que le juge ait rendu sa décision. En estimant que la commune n’avait pas pu avoir connaissance du référé précontractuel compte tenu des horaires d’ouverture des bureaux, le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit. Les juges de cassation ont donc annulé son ordonnance.
En outre, c’est le non-respect du délai de suspension de signature suite à la notification du référé qui a permis à la société requérante de transformer son référé précontractuel en référé contractuel.

Signature précipitée = sanction à la clé

En l’espèce, le Conseil d’Etat a fait usage de l’article L. 551-20 du CJA qui permet au juge administratif de sanctionner le non-respect par l’acheteur de l’article L551-4 du même code. En effet, lorsque le pouvoir adjudicateur signe un contrat alors que le dépôt d’un référé précontractuel lui a été notifié, le juge peut sanctionner cette pratique en annulant le contrat, en le résiliant, en réduisant sa durée ou en infligeant une pénalité financière à la personne publique. Pour déterminer le type de sanction, "le juge du référé contractuel peut prendre en compte, notamment, la nature et l’ampleur de la méconnaissance constatée, ses conséquences pour l’auteur du recours ainsi que la nature, le montant et la durée du contrat en cause et le comportement du pouvoir adjudicateur". En l’occurrence, le Conseil d’Etat a estimé que la DSP ne pouvait être annulée, le manquement en question n’ayant pas affecté la concurrence. Il a toutefois infligé une pénalité financière de 20.000 euros à la commune d’Auriol au regard de son comportement, caractérisé par la signature précipitée du contrat, "sans s’être assurée de l’existence d’un éventuel référé précontractuel".

 

Référence : Conseil d'Etat, 14 février 2017, n° 403614
 

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis