Simplification du droit de l’urbanisme : la proposition de loi Huwart s’épaissit encore à l’Assemblée

La proposition de loi de simplification dédiée à l’urbanisme et à l’habitat adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, ce 15 mai, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Liot, a fait l’objet d’une nuée d’amendements. Après son passage par l’hémicycle, ce texte sur lequel la ministre du Logement, Valérie Létard, mise pour relancer la production de logements, comprend désormais plus d’une vingtaine d'articles.

Les députés ont adopté, a une large majorité - 119 voix pour, 28 contre et 2 abstentions -, la proposition de loi de simplification dédiée à l’urbanisme et à l’habitat, portée par le groupe Liot, et examinée en séance, ce 15 mai, dans le cadre de sa niche parlementaire, après un passage devant la commission des affaires économiques qui avait conduit à l’ajout de trois nouveaux articles (voir notre article du 14 mai). L’un d’eux (l’art.1er bis) a d’ailleurs été supprimé en séance. Mais 17 articles additionnels y ont été introduits faisant gonfler le texte à 23 articles alors qu'il en comptait quatre au départ. Et ce n’est sans doute qu’un début…

La ministre du Logement, Valérie Létard, espère bien que la navette parlementaire permettra "d’enrichir encore ce texte au Sénat lors de son examen qui interviendra d’ici peu" - mi-juin, avant la réunion d'une commission mixte paritaire prévue la dernière semaine de juin. "L’adoption du texte démontre que le travail transpartisan et la mobilisation du gouvernement, que j’avais annoncée en mars dernier en marge du Mipim [Marché international des professionnels de l’immobilier], peuvent apporter des résultats concrets et faire avancer des mesures consensuelles", s’est-elle félicitée dans un communiqué. Généralisation du permis d’aménager "multisites", délais de recours raccourcis, renforcement des outils d’ingénierie, dérogations au PLU pour 1.800 communes supplémentaires situées en zone tendue, font partie des avancées saluées par la ministre. À gauche de l’hémicycle, le texte divise en raison précisément de cette institutionnalisation de "dérogations permanentes" et des régressions sur le plan démocratique ou social qui en découlent. Le groupe socialiste a de son côté voté pour mais les écologistes - qui ont malgré tout obtenu le retrait de la disposition visant à atténuer les obligations de solarisation et végétalisation des bâtiments publics - et La France insoumise (LFI) ont voté contre, tandis que le groupe GDR s’est abstenu. 

"Aujourd’hui, en France, les délais n’ont jamais été aussi longs, les recours n’ont jamais été aussi nombreux, la construction de logements n’a jamais été aussi compliquée, le nombre de logements neufs construits n’a jamais été aussi bas et le nombre de Français en attente d’un logement n’a jamais été aussi élevé", a martelé le député Harold Huwart, auteur et rapporteur du texte, en ouverture des débats. Son adoption est donc a ses yeux "une bonne nouvelle pour les 4 millions de Français qui attendent un logement", a-t-il souligné sur X. 

Redonner de la souplesse aux documents d’urbanisme

Par souci de consensus, Harold Huwart a pris l’initiative de proposer de supprimer l’assouplissement des obligations de solarisation et de végétalisation envisagée à l’article 1er, contre laquelle la gauche était vent debout, affirmant sa conviction que cette mesure "pourra être réexaminée dans un cadre plus approprié, la proposition de loi du sénateur Daniel Gremillet sur la politique énergétique de la France". Suite au vote de trois amendements identiques de suppression (écologistes, LFI et socialistes), exit le rehaussement du seuil de 500 à 1.100m2 d’assujettissement des bâtiments existants et parkings associés aux obligations de production d’énergies renouvelables et de végétalisation -qui ne concerne d'ailleurs pas que les bâtiments publics - et, de facto, maintien de la date de mise en œuvre initialement prévue à 2028 par la loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables (Aper)

Une victoire en demi-teinte car dans la foulée les députés ont adopté un article additionnel - article 1er bis D - porté par la députée Olivia Grégoire (EPR), ancienne ministre déléguée aux entreprises - modifiant l’article 40 de la loi Aper qui pour rappel, impose l’installation, sur au moins la moitié de la superficie des parkings extérieurs de plus de 1.500 m², d’ombrières intégrant un procédé de production d’énergies renouvelables, notamment photovoltaïque. Il s’agit d’introduire la possibilité de combiner des dispositifs de végétalisation (arbres à large canopée) et des ombrières photovoltaïques sur un même parking, plusieurs sources de production d’énergies renouvelables, comme le photovoltaïque et la géothermie, dans le calcul des surfaces ou volumes exigés. Un sous-amendement de Jean-Luc Fugit (EPR) instaure un plancher de 35% de photovoltaïques (PV) en cas de mixité arbres / PV. Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) s’est immédiatement indigné de cette "nouvelle obstruction au déploiement du solaire sur des espaces artificialisés !". "Il n'existe plus aucune obligation formelle de solarisation pour ces parkings puisqu’il suffira d'y planter des arbres pour s'être mis en conformité avec la loi", a -t-il réagi, demandant la suppression de cette disposition au cours de la navette. 

Un amendement de la députée Sandra Marsaud (EPR), retravaillé pour la séance sur demande du rapporteur, après débat en commission, allonge le délai d’évaluation des Scot de six à dix ans. "Ce nouveau délai maintient une exigence de révision périodique tout en l’adaptant aux pratiques constatées sur le terrain et aux cycles de planification territoriale", précise l’exposé sommaire. 

Un nouvel article 1er bis A -porté par le député Max Mathiasin (Liot) et travaillé avec la Région Guadeloupe - propose un assouplissement du droit applicable aux schémas d’aménagement régional (SAR) dans les départements et régions d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, Mayotte) en alignant les procédures pour leur élaboration ou leur révision, sur celles des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), uniquement soumis à l’approbation du représentant de l’État dans le département.

Un article 1er bis B nouveau - défendu par le député Jean-Victor Castor (GDR) - propose, à titre expérimental (sur une période de cinq ans) en Guyane, et afin d’accélérer la mise en œuvre des projets relevant de l’intérêt général situés en zones urbanisées (zones U des PLU) et en bande littorale, une simplification des démarches par le biais d’une "déclaration de projet" en mairie, remplaçant la procédure classique d’instruction d’autorisation d’urbanisme. 

Un autre - article 1er bis C nouveau - propose, toujours en Guyane, la création d’un document unique d’autorisation de permis d’urbanisme pour faciliter la régularisation de l’habitat informel et les demandes d’autorisation. 

L’article 1er bis - introduit en commission - qui prévoyait une mise en compatibilité "descendante" des documents d’urbanisme avec les schémas régionaux des carrières (SRC) par le biais de la procédure intégrée définie à l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme a été supprimé par amendements identiques des groupes écologistes, LFI et socialistes, qui y voyaient une "dépossession" des maires de leur pourvoir de régulation. 

Faciliter la production de logements étudiants et sociaux

L’article 2 introduit une dérogation au cadre des résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS) afin de répondre aux besoins d’hébergement des salariés en mobilité dans les territoires connaissant de fortes dynamiques de réindustrialisation. Autre sujet d’irritation à gauche. C'est "gravissime" de vouloir faire "porter le manque de logements pour les travailleurs" sur des "populations en situation en détresse", pour lesquelles la seule alternative "c'est la rue", a dénoncé la députée LFI Anaïs Belouassa-Cherifi. 

Cet article 2 a été complété en séance par plusieurs amendements. Celui du député Vincent Jeanbrun (DR) l’élargit "aux besoins de développement économique des territoires". 

Un autre du député Julien Gokel (socialiste) vise à encadrer la "deuxième vie" de ces RHVS, en permettant leur reconversion en logements familiaux, en particulier sociaux. Il prévoit ainsi qu’un protocole soit établi précisant les conditions de la transformation, et les engagements de l’État, notamment en matière d’agrément pour les logements locatifs sociaux (LLS).

Toujours à l’article 2, s’agissant de créer une nouvelle dérogation dans les zones d’activité économique, en rendant possible la délivrance d’une autorisation d’urbanisme permettant la réalisation de logements lorsque le règlement du PLU l’interdit, le député Pierre Pribetich (socialiste) a défendu un amendement visant à permettre au maire ou au président de l’EPCI d’assortir la décision de la servitude de résidence principale instituée par la loi Echaniz – Le Meur ( loi "anti-Airbnb")

Un autre - présenté par le député Jean-Luc Warsmann (Liot) - permet également d’étendre aux opérations de logements consacrés spécifiquement à l’usage des étudiants, la possibilité de bénéficier de dérogations au PLU octroyées par l’autorité compétente.

Un nouvel article 2 bis, introduit par l’amendement du député Lionel Causse (EPR) pour encourager une utilisation plus flexible des espaces bâtis, permet quant à lui l’ajout de destinations additionnelles ou accessoires. 

Autre ajout via un nouvel article 2 ter - porté par la députée Marie Lebec (EPR) - qui prévoit la possibilité de fixer au sein du PLU des orientations d’aménagement et de programmation (OAP) spécifiques visant au renouvellement urbain dans les zones pavillonnaires et dans les zones d'activité économique. Il introduit par ailleurs un assouplissement des modifications des documents du lotissement et crée un nouvel outil d'aménagement, l'opération de transformation urbaine (OTU) ayant vocation à être mise en œuvre dans les zones pavillonnaires et commerciales couvertes par ces nouvelles OAP pour y favoriser l’évolution ou la requalification du bâti existant et l’optimisation de l’utilisation de l’espace. Un sous-amendement du député Pierre Pribetich impose la prise en compte des besoins en réseaux, en particulier d’eau, d’assainissement et d’énergie, dans la création de telles opérations.

Un autre - nouvel article 2 quater - introduit par amendement du député François Jolivet (Horizons) - prévoit d’inscrire explicitement dans le code de l’urbanisme (nouvel art. L.151‑26‑1) le principe selon lequel les droits à construire issus des règles de densité prévues par les PLU doivent être pleinement octroyés.

L’article 2 quinquies nouveau - porté par le député Sébastien Huyghe (EPR) - prévoit l’application de plein droit des dispositions réduisant pour les bâtiments neufs la superficie d’aires dédiées au stationnement des véhicules motorisés en contrepartie de places prévues pour le stationnement sécurisé des vélos

Un autre - nouvel article 2 sexies - propose de permettre à l’autorité compétente en matière d’urbanisme de déroger aux règles des PLU relatives à la hauteur des constructions lorsque celles-ci ont pour objet d’accueillir une activité industrielle ou logistique

Un autre - nouvel article 2 septies - prévoit que, dans les zones d’activités existantes ou à vocation logistique ou de transport, l’autorité compétente puisse accorder une bonification en bloc des règles du PLU (notamment en matière de hauteur, d’emprise au sol ou d’implantation), à condition que le projet concerné crée un nombre significatif d’emplois directs ou indirects et/ou représente un investissement significatif au regard de l’économie locale

Un dernier - nouvel article 2 octies -, adopté au grand dam de la gauche de l’hémicycle qui avait obtenu un peu plus tôt en la matière la suppression de l’article 1er bis, vise à simplifier la réalisation des projets de carrières compatibles avec le Scot en facilitant la mise en compatibilité des PLU via la procédure intégrée de l’article L.300-6-1. 

Simplifier la délivrance des autorisations d’urbanisme

Un amendement du député Frédéric Maillot (GDR) sécurise le recours obligatoire à un architecte ou à un paysagiste concepteur dans le cadre du nouveau permis d’aménager multisites (PAMS) créé par l’article 3. Il y est pour ce faire précisé que le seuil (de 2.500 m2) s’apprécie à l’échelle du cumul des surfaces de l’ensemble des unités foncières non contiguës concernées par le permis d’aménager

Un nouvel article 3 bis A - introduit par amendement du député Éric Woerth (EPR) - vise à créer un principe général d’alignement de la durée de validité des autorisations administratives connexes, notamment environnementales (dérogation espèces protégées, évaluation d’incidences Natura 2000, autorisation au titre de la loi sur l’eau, ICPE, etc.) sur celle du permis de construire, dès lors qu’elles ont été obtenues de manière régulière et sont en vigueur à la date de délivrance dudit permis de construire. 

L’article 3 bis B nouveau - porté par le député François Jolivet (Horizons) - instaure quant à lui un principe de cristallisation des règles d’urbanisme à la date du permis initial pour toute demande de permis modificatif, à l’exception de celles ayant pour objet de préserver la sécurité ou la salubrité publiques, et ce pour une période de trois ans à compter de la délivrance du permis de construire initial.

L’article 3 bis C nouveau - défendu par le député Emmanuel Grégoire (socialiste) avec un avis favorable de la commission et défavorable du gouvernement - prévoit de renforcer le dispositif de mise en concordance du cahier des charges de lotissement avec les dispositions du PLU, en l’ouvrant aux porteurs des projets de développement de logements, à condition que les propriétaires au sein du lotissement ne s’y opposent pas, après enquête publique. En cas d’opposition, le maire pourra néanmoins poursuivre la mise en concordance, après délibération du conseil municipal.

L’article 3 bis - introduit en commission - qui prévoyait la création d’un permis d’aménager précaire, notamment pour faciliter la réalisation des chantiers d’EPR2, a fait l’objet en séance d’une réécriture par un amendement de Harold Huwart sous-amendé par Pierre Pribetich. Le rapporteur propose un cadre juridique spécifique pour les constructions, installations et aménagements présentant un caractère provisoire et nécessaires à la réalisation des nouveaux réacteurs électronucléaires, à l’hébergement des salariés travaillant sur ces chantiers et à la création de parkings provisoires. Il dispense ces constructions, installations et aménagements de toutes formalités au titre du code de l’urbanisme et du respect des règles de fond. Avec certains garde fous : la réalisation de ces travaux est soumise à l’accord du préfet de département territorialement compétent ; la durée maximale de l’implantation ne peut être supérieure à dix ans ; le lieu est soumis à l’accord préalable du maire de la commune d’implantation. De plus, si la sensibilité du terrain d’assiette ou l’importance du projet le justifie, la réalisation des travaux est subordonnée à la constitution de garanties financières pour financer les travaux de démantèlement et de remise en état en cas de défaillance. 

On notera que trois amendements identiques (écologistes, LFI, RN) suppriment deux dispositions prévues par l’article 4 : la réduction à un mois (au lieu de deux actuellement) du délai de recours gracieux contre les autorisations d’urbanisme et la suppression de son effet suspensif. 

Trois autres articles additionnels sont à relever. 

L’article 5 nouveau - porté par le député Pierre Cazeneuve (EPR) - propose d’instaurer une procédure préalable d’admission permettant d’écarter plus rapidement les recours jugés irrecevables ou dénués de moyens sérieux dirigés contre les principales décisions d'urbanisme ou environnementales délivrées dans le cadre des projets liés aux secteurs secondaire ou tertiaire. 

L’article 6 nouveau - défendu par Emmanuel Grégoire (socialiste) - permet au pétitionnaire, après notification de la décision de rejet, d’apporter dans une période d’un mois des modifications au dossier de demande de permis de construire répondant aux motifs mentionnés dans l’arrêté de refus, sans avoir à déposer une nouvelle demande. 

Enfin, l’article 7 nouveau, également défendu par le groupe socialiste, encadre les délais d’instruction des recours contre les projets de construction de logements sociaux

 

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