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Situation des finances locales : les derniers chiffres de Bercy

Après les secousses qu'ils ont encaissées en 2020 du fait de la crise sanitaire, les budgets locaux ont globalement retrouvé des marges de manœuvre en 2021, selon les derniers chiffres du gouvernement sur l'exécution des finances locales. Ce bilan qui vient d'être présenté aux associations d'élus locaux fait apparaître notamment la "situation financière favorable" globale des communes et de leurs groupements. En 2022, les conséquences de l'inflation sur les budgets locaux devraient être limitées et compensées par des recettes fiscales en nette progression, estime l'exécutif.

Dans un contexte toujours marqué par la pandémie de Covid-19, les budgets des collectivités locales ont globalement bien résisté en 2021. Les communes et leurs groupements ont connu "une situation financière favorable", tandis que les départements ont enregistré "une amélioration progressive" de leur situation. Tel est le tableau d'ensemble que le ministre délégué chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt, et le secrétaire d'Etat chargé de la Ruralité, Joël Giraud, ont brossé le 23 février lors d'une réunion avec les représentants des associations d'élus locaux.

Le bilan - encore provisoire - de l'exécution des finances locales au 31 décembre 2021, est détaillé dans un document technique, dont ces associations ont été destinataires dans le cadre de la réunion.

"La situation financière des communes connaît une amélioration réelle par rapport à 2019", indique cet état des lieux que Localtis s'est procuré. S'élevant l'an dernier à 12,8 milliards d'euros, l'épargne brute des communes – c'est-à-dire la différence entre les recettes réelles de fonctionnement qu'elles ont perçues et les dépenses réelles de fonctionnement qu'elles ont engagées – a progressé de 1,8% par rapport à 2019, année antérieure au déclenchement de la crise sanitaire. L'épargne brute du "bloc communal" (communes et leurs groupements) a également été en hausse (18,7 milliards d'euros, soit +2,3%) par rapport à 2019, une année où elle avait connu "un point haut", selon Bercy.

Les grandes villes peinent à remonter la pente

De l'ordre de 3% par rapport à 2019, la croissance des dépenses réelles de fonctionnement des communes et des intercommunalités a été assez tonique, dépassant légèrement celle des recettes réelles de fonctionnement (+2,8%). La croissance de 2,6% en 2021 (par rapport à 2020) de la taxe foncière sur les propriétés bâties a pesé sur ce résultat. Cette hausse "n’est que marginalement due à une hausse des taux", précise Bercy sur le sujet. Seulement 14,5% des communes ont décidé de relever le taux de cette taxe l'an dernier, dont 5,45% de plus de 1%.

Du côté de l'investissement du bloc communal, les dépenses ont été inférieures de 6,3% par rapport à leur niveau de 2019. Mais il faut noter que la dernière année pleine du précédent mandat municipal avait été la plus dynamique en termes d'investissement. S'il reste à confirmer, ce résultat témoignerait d'une nette reprise des dépenses d'investissement en 2021, après une année 2020 où elles avaient plongé (les dépenses d'équipement des communes avaient reculé de plus de 16%). Ce rebond de l'investissement observé l'an dernier a été favorisé notamment par une progression de 1,2% des recettes réelles d'investissement du secteur communal.

Mais attention : les moyennes masquent des situations assez hétérogènes. Le bilan s'avère ainsi "plus favorable" pour les communes de moins de 3.500 habitants, lesquelles ont bénéficié l'an dernier d'une progression de 2% de leur épargne brute (là encore en comparaison de 2019). Cela contraste avec les résultats obtenus par les 41 communes de plus de 100.000 habitants (hors Paris) : après la chute de 2020, leur épargne brute a remonté la pente l'an dernier (+8,7%) pour s'établir à 1,5 milliard d'euros, mais elle est demeurée inférieure à son niveau de 2019 (- 4,7%). Les grandes villes ont été pénalisées par la moindre progression de leurs recettes réelles de fonctionnement (+1,6%), dans un contexte où leurs dépenses réelles de fonctionnement ont été relativement dynamiques (+2,6%).

Ne pas surestimer les conséquences de la hausse des prix de l'énergie

Leur situation tranche avec celle des départements, dont l'épargne brute (12,3 milliards d'euros) a augmenté de 22,1% par rapport à 2019. Les départements ont, certes, vu leurs dépenses réelles de fonctionnement progresser de 3,1%. Mais ils ont pu compter sur des recettes réelles de fonctionnement dont la croissance rapide (+6%) a été tirée par les droits de mutation à titre onéreux. Il est à noter que dans ce contexte financier favorable, les dépenses d'investissement des départements ont fait un bond de 7,6% par rapport à leur niveau d'avant la crise sanitaire.

Les aides spécifiques apportées par l'Etat aux collectivités et aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ont renforcé la résilience des finances locales en 2021, comme l'année précédente. Selon Bercy, elles ont atteint sur les deux années le montant de 9,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement. Elles ont pris la forme de mesures prises dans le cadre du plan de relance (3,4 milliards d'euros), de dotations de soutien exceptionnelles à l’investissement local (2,5 milliards), d'avances remboursables versées en particulier aux AOM (1,9 milliard), de dispositifs de compensation de pertes de recettes (près de 1 milliard) et pour faire face aux charges exceptionnelles (0,6 milliard). Le bilan présenté par Bercy inclut le financement partiel des centres de vaccination des collectivités (60 millions d'euros via le fonds d’intervention régional et 160 millions d'euros par Santé publique France) et les quelque 100 millions d'euros à venir pour l’achat de capteurs de CO2.

L'état des lieux dressé par Bercy s'intéresse également aux perspectives des finances locales en 2022, une année dont les premiers mois sont marqués par la forte hausse des prix de l'énergie, des carburants et de certains produits alimentaires. Les conséquences de l'inflation sur les budgets locaux ne devraient pas être significatives, selon le ministère de l'Economie et des Finances. Pour la simple raison que les achats de produits sensibles à la hausse des prix représentaient en 2021 une modeste part des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités (2,6 milliards d'euros, ou 1,48% pour les dépenses "énergie et électricité"; 0,8 milliard d'euros ou 0,46% pour les dépenses "combustibles et carburants" et 0,7 milliard, ou 0,4% pour les denrées alimentaires). Bercy ajoute que le "bouclier tarifaire" (limitation à 4% de la hausse des tarifs réglementés d'électricité et accès des fournisseurs alternatifs à l'électricité produite par EDF) "bénéficie" aux collectivités territoriales.

Recettes fiscales bien orientées

Le ministère met aussi en avant la progression rapide des recettes fiscales des collectivités. Fondée sur l'inflation constatée sur un an, la revalorisation forfaitaire des bases sera de 3,4% en 2022. "À elle seule, et sans tenir compte du dynamisme des bases lié à la création de richesse fiscale", cette revalorisation forfaitaire "devrait entraîner une hausse de plus de 1,6 milliard d'euros des taxes foncières pour les communes et leurs groupements et de plus de 280 millions d'euros de CFE [cotisation foncière des entreprises] pour le bloc communal", indique le ministère. Par ailleurs, la TVA dont la progression est attendue entre 5% et 6%, devrait générer cette année des produits supplémentaires importants : 800 millions d'euros pour les départements, 500 millions d'euros pour les intercommunalités et la ville de Paris et 780 millions d'euros pour les régions. Du pain bénit pour les collectivités, si l'on en croit Bercy. Le ministère estime que dans l'hypothèse où les départements auraient conservé la taxe sur le foncier bâti (cette ressource leur a été retirée en 2021), celle-ci connaîtrait une augmentation de seulement 600 millions d'euros en 2022.

Optimiste, il assure aussi que la croissance du produit de TVA contribue à compenser "largement" la baisse de 400 millions d'euros (-4,7%) que connaît cette année la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Un impôt dont l'essentiel est perçu, avec un décalage temporel, par les intercommunalités et les départements. Depuis l'an dernier, la CVAE n'est plus affectée aux régions : à la place, celles-ci bénéficient d'une fraction de TVA. A court terme, la mesure est "positive" pour les régions : sans cela, elles auraient enregistré d'importantes baisses de CVAE (-130 millions d'euros en 2021 et -400 millions d'euros en 2022).

Peu avant la réunion entre le gouvernement et les associations d'élus locaux, le député (LREM) Jean-René Cazeneuve avait dévoilé dans une note (à télécharger ci-dessous) quelques-uns des aspects de l'exécution de 2021. Cette note, qui a nourri les échanges entre le gouvernement et les associations d'élus locaux, dressait surtout un bilan du quinquennat en ce qui concerne les finances locales. Celles-ci "se sont fortement améliorées entre 2017 et 2022", y assure le député. Malgré la crise sanitaire, l'épargne brute des collectivités a progressé de 23% en près de cinq ans, passant de 29,7 milliards d'euros en 2017 à 36,6 milliards d'euros à fin 2021. Evoquant par ailleurs les contrats de Cahors ayant pour but de limiter la croissance des dépenses des grandes collectivités locales - lesquels ont été mis en œuvre entre mi-2018 et mars 2020 -, il en tire un bilan "positif". "La contractualisation constitue un outil efficace du dialogue entre l’État et les collectivités qu’il pourrait être pertinent de reconduire à l’avenir", conclut-il. La suite s'écrira après les élections nationales du printemps prochain.