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Société de confiance : le texte des députés largement rétabli en commission spéciale

Droit à l’erreur, rescrit, modes de garde…autant de points de crispation intéressant les collectivités territoriales sur lesquels la commission spéciale chargée d’examiner en nouvelle lecture le projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance a imposé sa version du texte. Sur la question de l'éolien offshore, le gouvernement a aussi été contraint de revoir sa copie.

 

Après l’échec de la commission mixte paritaire (CMP), le projet de loi sur le "droit à l’erreur" doit revenir en nouvelle lecture devant l’Assemblée à partir du 26 juin prochain. Réunie ce 12 juin, la commission spéciale a d’ores et déjà très largement restitué sa version du texte, du titre lui même -"pour un Etat au service d’une société de confiance"- jusqu’au dispositif d’évaluation (articles 40 à 46). Sur les 89 articles restant en discussion, la commission peu ouverte au compromis a toutefois proposé d’en conserver en l’état près d’un tiers, marquant ainsi sa volonté de ne pas faire table rase du travail constructif réalisé par le Sénat.

Droit à l'erreur

S'agissant de l'article 2, qui crée un "droit à l'erreur" des usagers dans leurs relations avec l'administration, la commission est sans surprise revenue sur l'inclusion des sanctions prononcées au titre de la politique agricole commune (PAC) et sur le fondement du code de l’environnement.  Elle a par ailleurs supprimé la définition des manœuvres frauduleuses, préférant réintroduire sa définition de la mauvaise foi. De même, pour le droit au contrôle, avec la suppression du délai de six mois introduit par le Sénat : l’administration doit y procéder dans "un délai raisonnable", précise le texte. L’article 2 bis A visant à instaurer un droit à l’erreur au profit des collectivités territoriales est également supprimé "pour ne pas brouiller les pistes de la réforme". En revanche, l’article 2 bis prévoyant que l'absence d'une pièce à l'appui d'une demande d'attribution de droits ne peut conduire l'administration à suspendre l'examen du dossier refait surface. A noter également la réintroduction de l’article 4 ter dont l’objectif est de permettre à l’ensemble des acteurs de l’urbanisme, de l’aménagement foncier et de l’immobilier de disposer des données relatives aux mutations foncières. Autre point de discorde à l’article 38, la commission propose ici une rédaction de compromis sur l'inclusion des responsables publics locaux dans le champ d'application du répertoire numérique des représentants d'intérêts, en reportant son entrée en vigueur au 1er janvier 2022, pour éviter d'abroger la mesure. L'article 43 demandant un rapport sur le principe du "silence vaut accord" et ses exceptions fait également sa réapparition.

Extension du champ du rescrit administratif

Même retour au texte de l’Assemblée s’agissant des règles de publication des circulaires, l’ajout, par le Sénat, des notes administratives dans le champ d'application de l’article 9 "n'a pas de sens car elles ont une définition trop floue et pas de portée normative", s’est expliqué le rapporteur, Stanislas Guérini. Le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, Olivier Dussopt, a par ailleurs proposé d’ajouter de nouvelles formes de rescrits à ceux prévus à l’article 10, notamment dans le domaine des archives publiques détenues en mains privées ou pour l’adapter aux besoins des entreprises. Cet amendement constitue "le premier jalon d’une démarche d’extension du rescrit qui ne se limitera pas à ce seul projet de loi mais sera amplifiée par les projets à venir", a-t-il indiqué. De la même façon, la commission a rétabli l'article 11, qui prévoit d'expérimenter l'acceptation tacite de propositions de rescrit. A l’article 31 consacré au rescrit juridictionnel, il est aussi proposé de revenir au texte de l’Assemblée, le dispositif adopté par le Sénat en ayant, selon le rapporteur, "considérablement réduit le champ d’application ainsi que le mécanisme, très proche désormais de celui du certificat d’urbanisme". 

Pas de cristallisation du certificat d’information

Autre dispositif instauré par le projet de loi : le certificat d’information permettant à tout usager d’obtenir, préalablement à l’exercice de certaines activités, une information sur les règles applicables. Le Sénat avait modifié l’article 12 pour en étendre le champ à tout usager exerçant déjà une activité, "alors que son ambition initiale était d’accompagner les porteurs de projets dans leurs démarches", souligne le rapporteur, pour revenir sur cet ajout. Le délai maximal de cinq mois de délivrance du certificat d’information par l’administration est également rétabli. L’expérimentation de la cristallisation du certificat d’information (art. 12 bis) - apport du rapporteur de l’Assemblée - est en revanche supprimée, car "source d'insécurité juridique pour les tiers et d'inégalités entre les acteurs économiques", souligne Olivier Dussopt.

Maisons de services au public, petite enfance, aidants…
 

Cette nouvelle lecture en commission acte également le rétablissement de l’article 15 bis qui instaure à titre expérimental le principe d'un référent unique doté d'un pouvoir de décision dans les maisons de services au public. Le gouvernement est aussi revenu en force sur la question des modes de garde de la petite enfance, en rétablissant l’article 26 bis. Rappelons que pour le Sénat, l’habilitation à légiférer par ordonnance sur ce sujet "qui n'a manifestement pas sa place dans ce texte", pose un réel problème de constitutionnalité. Un amendement du groupe LREM réintroduit en outre les séjours dit de répits aidants aidés dans le champ de l’expérimentation prévu par l’article 29 ("relayage").

Chambres d’agriculture

S’agissant de l'article 19 - possibilité d’expérimenter la régionalisation des chambres d’agriculture par la voie d’une ordonnance - la version de l’Assemblée est là encore rétablie. Elles est par ailleurs enrichie de plusieurs alinéas destinés à permettre aux chambres régionales de poursuivre le processus de mutualisation qu’elles avaient engagé avant l’annulation par le Conseil d’Etat de certaines dispositions issues d’un décret du 13 mai 2016.

Permis de faire

Sur l'article 26, qui organise le "permis de faire", dont le Sénat avait approuvé le principe, la commission a simplement rehaussé la durée de l'habilitation à légifèrer par ordonnance à dix-huit mois.

Edifices du culte

Ces dispositions ont suscité en première lecture beaucoup de commentaires. La commission a notamment souhaité revenir sur la possibilité pour les associations cultuelles de posséder et d’administrer tout immeuble acquis à titre gratuit (art. 38). Réintroduite par le Sénat, cette disposition avait en effet été supprimée par l’Assemblée en première lecture, "avec un fort consensus, car elle n’avait pas fait l’objet d’une évaluation préalable suffisante et n’avait pas sa place dans ce projet de loi", a rappelé le rapporteur. Le rapport sur les obligations comptables des associations cultuelles est, lui, réintroduit (art. 25 bis). En revanche, est retranchée du texte la disposition qui entendait soumettre tout projet de construction d’un édifice de culte à l’élaboration d’un plan de financement prévisionnel, certifié par un commissaire aux comptes (art. 25).

Volet environnement

La série d’articles additionnels ajoutés en séance par le Sénat pour alléger les procédures relatives aux digues de défense contre la mer fait les frais de ce nouveau passage en commission (articles 34 bis A, B, C et D). Tout comme l’article 26 ter (expérimentation du référent unique pour les projets d'activité, d'installation, d'ouvrage ou de travaux). Le même sort est réservé à la série d’articles fixant un cadre juridique pour les exploitants de bonne foi qui engagent les démarches nécessaires en vue de régulariser leur situation (articles 35 bis A à 35 bis C). Ou encore pour les articles 35 bis (réduction des délais de recours contre les décisions relatives aux ICPE) et 35 ter (limitation des possibilités de recours par les associations environnementales).
A l’article 33, un amendement gouvernemental réintroduit l’expérimentation d'une procédure de consultation du public par voie électronique en substitution de l'enquête publique pour les projets agricoles soumis à autorisation environnementale ayant fait l'objet d'une concertation préalable avec garant. Il est en outre proposé d’élargir son champ à tous les projets requérant une autorisation environnementale. La ratification de l’ordonnance n° 2017‑80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale est elle aussi réinscrite au menu. 

Eolien offshore

L’article 34 est précisément au coeur de l’échec de la CMP. En proposant de donner une base légale à une renégociation avec les lauréats des appels d'offres sur les énergies marines renouvelables pour baisser les tarifs d’achat, le gouvernement avait provoqué l’ire des acteurs de la filière et des élus, en particulier dans les trois régions - Bretagne, Normandie et Pays de la Loire - où est prévue la construction de six de ces parcs. Très critiqué sur la méthode, le gouvernement a donc été contraint de revoir sa copie, notamment en renonçant à recourir aux ordonnances.
La réécriture de l’amendement gouvernemental propose un cadre législatif qui permettra, selon Olivier Dussopt, "de prendre en compte les résultats des négociations en cours avec les porteurs de projets éoliens en mer attribués entre 2012 et 2014, voire de relancer les procédures si ces résultats n’étaient pas satisfaisants". En clair, le feu vert est donné à l'annulation des six premiers projets "si les négociations n'aboutissaient pas à des conditions suffisamment favorables pour l'Etat". Pour éviter "un immense gâchis", une soixantaine d'industriels et de collectivités locales ont lancé ce 12 juin un "appel de Cherbourg" (lire notre article ci-dessous).