Commande publique - Spécifications techniques, objet du marché et concurrence : l'arbitrage du Conseil d'Etat
Le 10 février 2016, le Conseil d'Etat a tranché deux affaires dans lesquelles une candidate évincée de deux marchés de construction similaires invoquait une atteinte au principe d'égalité entre les candidats. Les marchés en question concernaient la construction de gymnases à l'architecture novatrice par la commune de Bondy pour l'un et par le syndicat interdépartemental des parcs des sports de Bobigny et de La Courneuve (Sips) pour l'autre. Le cahier des charges proposé dans ces deux marchés était identique, ainsi que les candidats et les attributaires.
Parmi ces candidats, la société évincée ACS Production a saisi le tribunal administratif de Montreuil en vue de l'annulation des deux marchés et à ce que les collectivités lui versent des indemnités (311.502,78 euros au total) en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de ces évictions. A la suite du rejet de ses demandes, la société évincée a fait appel auprès de la cour administrative d'appel (CAA) de Versailles qui a rejeté ses demandes indemnitaires mais a annulé les deux marchés litigieux. Les sociétés attributaires SMC2 et Jean Lefebvre ont alors décidé de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat.
Pas d'atteinte au principe d'égalité entre les candidats
Dans ces affaires, la Haute Juridiction administrative a dû examiner les articles 4.2 et 4.3 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), identiques aux deux marchés, afin de déterminer s'ils méconnaissaient l'article 6 du code des marchés publics (CMP) et le principe d'égalité entre les candidats. Selon cet article, les spécifications techniques, par leur degré de précision, ne doivent pas conduire à favoriser ou éliminer certains candidats ou produits. Les dispositions litigieuses du CCTP concernaient la réalisation de la couverture du bâtiment et excluaient plusieurs systèmes, de telle sorte que seule une "technique de fixation par profilés métalliques" pouvait convenir. L'une des sociétés attributaires, SMC2, détient un brevet dans cette technique de couverture. C'est à ce titre que la CAA a annulé les marchés, estimant que les spécifications techniques en cause faussaient le jeu de la concurrence.
Le Conseil d'Etat n'a cependant pas adopté la même position. L'objet desdits marchés était la construction d'enceintes sportives couvertes "offrant les meilleures garanties de vieillissement, un moindre coût de maintenance et une meilleure esthétique". Dès lors, les spécifications techniques contestées étaient en adéquation avec l'objet du marché. L'article 6 du CMP dispose à ce titre que des spécifications techniques peuvent "faire mention d'un mode ou d'un procédé de fabrication particulier" ou encore "faire référence à une marque, un brevet ou à un type" si l'objet du marché le justifie. Estimant que c'était le cas pour les deux marchés et qu'il n'y avait donc pas eu d'atteinte au principe d'égalité entre les candidats, les sages du Palais Royal ont annulé les deux arrêts de la CAA. De plus, cette dernière avait inexactement qualifié les faits, en estimant que SMC2 était la seule entreprise à pouvoir effectuer ces travaux alors que d'autres utilisent et maîtrisent la technique requise par le CCTP. En outre, l'annulation des marchés était une mesure disproportionnée au regard des illégalités invoquées, d'une gravité en l'occurrence insuffisante.
L'Apasp
Références : CE, 10 février 2016, 382148 ; CE, 10 février 2016, 382153