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Sport à l'école : la Cour des comptes publie un nouveau rapport très critique

Le sport à l'école serait-il un angle mort de la scolarisation ? Malgré un nombre d'heures d'instruction supérieur à la moyenne européenne, le sport à l'école demeure une pratique partiellement intégrée aux programmes scolaires. C'est ce qui ressort, entre autres, du rapport de la Cour des comptes publié le 12 septembre intitulé de façon explicite : "L'école et le sport, une ambition à concrétiser". Organisation défaillante, manque de stratégies, de schémas d'ensemble, de liens entre les parties prenantes... Selon le rapport, ce qui fait défaut dans d'éducation sportive à l'école ne serait pas lié à un manque de moyens mais davantage à ce flou artistique qui entoure la pratique du sport à l'école, y compris dans le rôle joué par les collectivités. Pour pallier ces manques déjà signalés dans un rapport de 2013, la Cour préconise quatre orientations. Tour d'horizon.

En sous-titrant son rapport "L'école et le sport", publié le 12 septembre, "Une ambition à concrétiser", la Cour des comptes donne immédiatement le ton. Elle estime en effet que "malgré son importance et la multiplicité [des] enjeux, le sport à l’école demeure une réalité mal appréhendée, dans son organisation, son financement et ses résultats". Un constat d'autant plus problématique que la même institution, dans un rapport de 2013, avait déjà constaté que le sport scolaire était "en marge de la politique sportive de l'Etat".

Ce qui pose problème pour les magistrats financiers ? Tout d'abord une "organisation scolaire en France [qui] n'intègre pas dans ses programmes la pratique sportive en tant que telle avec le même degré d'intensité que d'autres Etats européens". Et cela en dépit d'un paradoxe : le temps d'instruction consacré à l'éducation physique et sportive (EPS) se situe au-dessus de la moyenne européenne.

Cette organisation défaillante et ce manque de "stratégie" ont des origines multiples. Aujourd'hui, seules les lois scolaires définissent le cadre de l’EPS. A l'inverse, les conventions d’objectifs passées par le ministère des Sports avec le mouvement sportif n’associent pas l’Education nationale. Parallèlement, si la coordination avec les collectivités locales s’organise au niveau local pour gérer le rattachement des établissements scolaires aux équipements sportifs "de façon très pragmatique", elle ne s’inscrit que rarement dans un schéma d’ensemble liant école et politique sportive.

Inégalité de l'offre

Autre point d'achoppement pour la Cour des comptes : la pratique sportive effective des élèves. L’instruction de l’EPS dans le primaire, théoriquement de trois heures hebdomadaires dispensées par les professeurs des écoles, n’est ainsi "effective que partiellement". Même constat dans le second degré. Ici, ce sont les trois heures supplémentaires d’obligations de service pour les professeurs d’EPS dans le cadre des associations sportives scolaires sous l'égide de l'UNSS (Union nationale du sport scolaire) qui posent problème. "Même si 95% des enseignants déclarent participer à cet enseignement facultatif, il en découle une dispersion inégale de l’offre de formation, qui dépend alors des choix d’une association et dont bénéficie seulement une minorité d’élèves." Avec des taux de participation des élèves de 12,5% dans le primaire, de 28,8% au collège et de 15,7% au lycée, la Cour des comptes estime que "les associations sportives scolaires n’assurent pas une mission de relais vers le monde sportif et restent souvent confinées au monde scolaire dont elles demeurent le prolongement, utile mais restreint". Les magistrats jugent même que l'organisation de l’UNSS confine "à une para-administration, [qui] ne facilite pas l’ouverture vers l’environnement non scolaire".

Quant aux dispositifs spéciaux - pôles sportifs, sections sportives scolaires et classes à horaires aménagés -, ils font l'objet d'une critique similaire : "Leurs créations dépendent souvent de la motivation du chef d’établissement soucieux d’en accroître l’attractivité.et non à une stratégie de l’Education nationale fondée au moins en partie sur une analyse partagée avec les responsables nationaux du mouvement sportif."

Contribution diffuse mais significative des collectivités

Quel est le coût de la pratique sportive en milieu scolaire ? Ici, la Cour des comptes ne donne qu'une réponse partielle. D'un côté, le coût de l’enseignement de l’EPS, correspondant pour l'essentiel à la rémunération de 37.621 enseignants du secondaire, est évalué à un peu plus de 4 milliards d'euros et constitue, de très loin, la première dépense de l’Etat en matière sportive. D'un autre côté, le coût du sport scolaire facultatif, soit la valorisation des trois heures de service des professeurs d’EPS au sein de l’UNSS, est d'environ 325 millions d'euros.

Mais quand il s'agit d'évaluer les dépenses des collectivités territoriales en la matière - "contribution diffuse mais significative dont les modalités varient", précise la Cour -, le flou règne. Ainsi, la mesure de l’intervention de personnels locaux, qualifiés et agréés dans les écoles (les Etaps, ou éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives) aux côtés des enseignants du primaire ou au titre des activités périscolaires, "n’existe pas au niveau national". Les magistrats ont toutefois "tenté" une estimation de cette contribution en personnel, et parviennent à un total de près de 50 millions d'euros au niveau national. De la même façon, "il n’est pas possible de consolider au niveau national le coût de la mise à disposition des équipements sportifs par les collectivités territoriales".

Angle mort de la scolarisation

La Cour conclut donc que "si le sport à l’école est souvent considéré en France comme un 'angle mort' de la scolarisation, c’est moins en raison d’un manque de moyens que d’une conception extrêmement complexe, peu pilotée et coordonnée". Et de préciser qu'en dehors du "savoir nager", "il n’existe aucun indicateur, associé à la mission interministérielle enseignement scolaire (MIES) qui porte sur les résultats attendus en EPS".

A l'heure des recommandations, la Cour des comptes prône tout d'abord le renforcement de l’enseignement de l’EPS dans le primaire, en s'appuyant en premier lieu sur une mesure phare : contrôler l’effectivité des trois heures d’enseignement obligatoire en primaire et veiller à leur respect. Pour ce faire, l'intervention de personnels extérieurs à l'Education nationale, tels que les Etaps, est recommandée.

Pour revitaliser l’organisation du sport scolaire, le rapport souhaite contrôler les trois heures fléchées vers le sport scolaire et les mettre à disposition du chef d’établissement en cas de faible participation à l’association sportive.

La troisième orientation consiste à faciliter les liens entre l’école et le sport. Ici, les moyens pourraient être, d'une part, d'uniformiser et renforcer dans les rectorats les procédures de rattachement des équipements sportifs aux établissements et leur suivi, et de collationner l’information au niveau national et la partager avec le ministère des Sports ; d'autre part, d'intégrer le ministère de l’Education nationale à l’instance exécutive de l’Agence nationale du sport, nouvellement installée, afin de créer un relais permanent entre l’école et le mouvement sportif et s’assurer de l’harmonisation des conditions d’accès aux équipements sportifs.

Enfin, la Cour des comptes estime nécessaire de donner à l'école des objectifs vérifiables dans le domaine de l’EPS et d'établir une stratégie nationale du développement de la pratique sportive à l’école.