Stationnement payant : comment réduire les litiges avec les usagers

Quatre ans après la réforme du stationnement payant, le nombre des litiges liés à la contestation de forfaits de post-stationnement est croissant. Chargée de juger ces affaires, la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) veut endiguer le flot. La juridiction estime que la balle est notamment dans le camp des collectivités. Lors d'un colloque organisé le 23 juin à Limoges, elle a appelé celles-ci à mieux se saisir de leurs nouvelles responsabilités en matière de stationnement payant et leur a délivré un certain nombre de conseils.

Des cohortes d'usagers en colère, des recettes en moins pour les caisses de la collectivité… Mal gérer, voire ne pas gérer du tout les contestations des forfaits de post-stationnement (FPS) peut coûter très cher aux collectivités et certaines en ont fait l'amère expérience.

Ce sujet était au centre d'un colloque que la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) organisait le 23 juin à Limoges. La création de cette juridiction administrative – qui siège dans l'ancien chef-lieu du Limousin – a accompagné l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2018, de la réforme qui a instauré la dépénalisation et la décentralisation du stationnement payant sur voirie. Une petite révolution par laquelle les collectivités se sont vu confier la gestion du stationnement. En l'absence ou en cas d'insuffisance de paiement, l'usager doit s'acquitter d'un FPS et non plus d'une amende contraventionnelle. Sa contestation doit se faire devant la collectivité territoriale par la voie d'un recours administratif préalable obligatoire (Rapo) puis, en cas de refus, devant la CCSP.

Mais avec près de 160.000 requêtes reçues l'an dernier, et probablement beaucoup plus dans les années à venir, la commission est en passe de devenir la juridiction administrative la plus sollicitée en France. Ses délais de jugement, déjà élevés, pourraient donc s'allonger.

Information et médiation

Les communes et leurs intercommunalités – lorsque celles-ci sont compétentes – détiennent l'une des solutions : il leur appartient de prendre les mesures qui sont de leur ressort pour limiter le nombre des contentieux en matière de stationnement payant. Ce qui serait d'ailleurs de leur intérêt à elles aussi, puisque ces mesures permettent dans le même temps de "sécuriser les décisions de la collectivité" et de "garantir le droit des usagers face à l'administration".

Il s'agit en premier lieu de favoriser l'information des usagers, ce que proposait en janvier 2020 le Défenseur des droits dans un rapport-bilan sur la réforme du stationnement payant. L'institution recommandait "la création d’un guichet physique pour informer les usagers sur les modalités du stationnement, les tarifs, les règles spécifiques s’appliquant à certaines catégories d’usagers et sur le suivi de l’instruction des recours administratifs préalables obligatoires."

Pour résoudre les litiges concernant le stationnement payant, la médiation se révèle tout à fait appropriée, a pour sa part estimé Sylvain Humbert, secrétaire général adjoint du Conseil d'État. Dans ce type de contentieux, "les questions de droit ne sont pas trop présentes et il s'agit en grande partie de faits. De plus, les collectivités disposent d'une marge de manœuvre assez grande", a-t-il fait valoir.

Des décisions conformes et motivées

Les magistrats de la CCSP ont pour leur part délivré de nombreux conseils aux collectivités, pour qu'en particulier la phase déterminante du Rapo soit réussie. Les principaux conseils sont de bon sens. Ainsi, les décisions rendues par la collectivité doivent être conformes au droit. De plus, elles doivent faire apparaître les motivations de la collectivité, celles-ci devant être en lien avec la demande de l'usager. Sinon, ce dernier ne comprend pas le motif qui pousse la collectivité à rejeter son recours, et saisit plus systématiquement la CCSP.

Deux décisions de la collectivité peuvent paraître particulièrement injustes lorsqu'elles sont contraires – l'une rejette la demande de l'usager et l'autre conclut à son acceptation – alors qu'elles concernent des situations semblables. "Ce type de situation fait exploser la cocotte-minute", constate Éric Ferrand, médiateur de la ville de Paris. Pour contester plusieurs FPS dans le cadre du Rapo, on est obligé de le faire individuellement pour chaque FPS, a-t-il expliqué. Le médiateur a conseillé par conséquent que soit autorisée la faculté de regrouper les réclamations au stade du Rapo. Mais pour cela, il faudrait faire évoluer la loi.

Autre point important mis en exergue par les magistrats de la CCSP : lorsqu'elle reçoit un recours grâcieux qui n'est pas accompagné de toutes les pièces nécessaires, la collectivité doit avoir le réflexe d'inviter l'usager à régulariser son recours dans un délai déterminé.

Personnels peu ou pas formés

Si les règles de procédure sont pointées du doigt, les collectivités le sont aussi : elles sont encore loin d'être les bons élèves espérés, comme en a témoigné Éric Ferrand. "Il y a énormément de réclamations, les agents des services où je me suis rendu vont donc très vite". À la clé, il y a forcément "des erreurs", a-t-il regretté.

Dans son rapport, le Défenseur des droits dénonçait "le manque de formation" des agents municipaux ou des sociétés délégataires chargés d'instruire les réclamations concernant le stationnement payant. "Ces personnels ont rarement de formation juridique et ne maîtrisent pas toujours la réforme ni les dispositions spécifiques à certains usagers. Ils n’ont pas non plus les compétences nécessaires pour chercher les informations utiles à l’instruction des dossiers, ni le réflexe de chercher les décisions rendues par la CCSP", écrivait-il.

"La plupart des gens sont de bonne foi", a estimé le médiateur de la ville de Paris, qui est bien placé pour parler du sujet. 20% des dossiers sur lesquels il est saisi portent sur des réclamations concernant les FPS. Ces derniers constituent ainsi le second thème de saisine du médiateur, après les questions de logement.

De nombreuses erreurs

Beaucoup d'usagers font face à des erreurs et celles-ci sont fréquentes. En cause notamment : l'utilisation de plus en plus répandue, pour le contrôle du stationnement payant, de voitures équipées de caméras permettant une lecture automatique des plaques d'immatriculation (Lapi). Un dispositif qui ne serait pas encore totalement au point partout. Même en apposant leur carte mobilité inclusion derrière le pare-brise de leur véhicule, les personnes en situation de handicap ne sont pas toujours identifiées et sont considérées comme des personnes n'ayant pas acquitté leur redevance de stationnement. Lésés, ces usagers sont majoritaires parmi les personnes qui saisissent le médiateur de la ville de Paris pour un litige portant sur le stationnement payant. Des chauffeurs de taxi garés sur une place de parking pour la montée ou la descente de voyageurs sont aussi parfois victimes de la Lapi. En outre, un certain nombre de personnes – notamment malvoyantes ou âgées – font des erreurs lorsqu'au moment de prendre leur ticket de stationnement, elles saisissent le numéro d'immatriculation de leur véhicule. D'autres ne font pas les démarches nécessaires – ou ne les effectuent pas correctement – auprès de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) après avoir vendu leur véhicule. Ils reçoivent ainsi les FPS à la place des nouveaux propriétaires, lorsque ceux-ci commettent une infraction aux règles du stationnement payant.

"Nous recevons tellement de recours générés par ces situations", a déploré la présidente de la CCSP, Marianne Pouget. Le Rapo doit, selon elle, être l'occasion pour les services municipaux de reconnaître, dans de tels cas, que les personnes concernées ont été sanctionnées à tort. "Que ce type d'affaires ne vienne pas devant nous !", a-t-elle lancé.

Géolocalisation

Selon la présidente de la juridiction, il arrive aussi que des applications mobiles de paiement du stationnement ne géolocalisent pas correctement les usagers, ceux-ci étant parfois amenés par erreur à payer une redevance insuffisante. "Des points sont à clarifier" avec les opérateurs, a-t-elle avancé. Si l'usager est invité par l'application à valider sa position GPS, il ne peut plus, par la suite, utiliser une éventuelle erreur de géolocalisation pour contester un FPS. Dans le cas contraire, il peut se servir de ce motif, et dans le cadre d'une éventuelle procédure devant la CCSP, cela sera "très défavorable à la collectivité".

Les applications devraient aussi permettre de prévenir l'usager lorsque des travaux sont sur le point de débuter dans une rue ou un secteur de la commune, a estimé pour sa part le médiateur de la ville de Paris. S'il était averti de ces travaux, l'usager ne pourrait pas faire l'objet d'une sanction injuste.

Présenter sa défense

Lorsque la phase de Rapo n'a pas permis de mettre fin au litige, l'usager a la possibilité de saisir la CCSP. Une fois que celui-ci a déposé son recours via le site de la juridiction, la collectivité qui a émis le FPS est rendue destinataire de la requête. Elle dispose en principe d'un délai d'un mois pour déposer un mémoire en défense. La collectivité a intérêt à présenter sa défense. En effet, lorsqu'elle ne produit pas de mémoire et si la requête repose sur des faits, ce qui est souvent le cas, l'affaire est jugée plus rapidement, de l'aveu de la présidente de la CCSP. En outre, la commune qui ne présente pas ses arguments est regardée comme ne contestant pas les faits exposés par le requérant. Ces faits sont donc réputés exacts. Dans ce cas, la personne qui a agi en justice a toutes les chances de gagner. Dans 35% des affaires qu'elle juge, la CCSP donne raison au requérant.

L'usager ayant obtenu gain de cause doit obtenir le remboursement du montant du FPS. Mais la collectivité n'exécute pas toujours la décision de la CCSP, comme le pointait il y a deux ans le Défenseur des droits. Une inaction que la CCSP peut sanctionner. Au début de l'année, la ville de Montreuil (Seine-Saint-Denis) a ainsi été condamnée à procéder au remboursement d'une somme de 30 euros dans un délai d'une semaine, pour non-exécution d'une décision du 28 juin 2019. Une astreinte de 100 euros par jour de retard accompagnait le jugement. Selon nos informations, la ville a fait ses calculs et a réagi promptement, décidant vraisemblablement qu'à l'avenir elle déposerait des mémoires devant la CCSP en cas de procédure dirigée contre elle. La commune compte quelque 6.000 places de stationnement payant.

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© Thomas Beurey/ Hémicycle du conseil régional Nouvelle Aquitaine à Limoges

 

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