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Stratégie européenne de mobilité : ses points forts et points faibles passés au crible

Le 27 janvier, un débat organisé par le "think tank" TDIE, qui rassemble des élus et professionnels des transports, a offert un tour d’horizon des nouveautés en vue au niveau européen. En pleine crise des transports publics, des élus et parlementaires ont aussi appelé à revoir le modèle hexagonal de l’économie des transports.

Dans la lignée d’une précédente stratégie mobilité et du "pacte vert" qu’elle vient de proposer, la Commission européenne a publié en décembre dernier une feuille de route pour "mettre résolument les transports européens sur la voie de la décarbonation" et rendre "le système des transports résilient face aux crises futures". L’objectif de verdissement est ambitieux : d’ici à 2050, il s’agit de réduire de 90% les émissions du secteur. Cette feuille de route recensant dix domaines phares oriente les actions prioritaires et l'élaboration des législations à venir. Lors d’un débat organisé le 27 janvier par TDIE, un "think tank" rassemblant des élus, professionnels et experts des transports, Herald Ruijters, directeur en charge du sujet à la DG Move de la Commission, a fait un point sur cet agenda.

Un calendrier chargé

Premier jalon, la révision de la directive sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs, "complété dès septembre prochain par celle du règlement sur le réseau transeuropéen de transport (RTE-T)". "C’est tout un cadre législatif qui évolue pour mettre un terme à la fragmentation et au manque de services de recharge et de ravitaillement interopérables", ajoute-il. Et ce en cohésion avec d’autres mesures portées par d’autres DG (Climat, Taxud), notamment sur les normes de CO2 pour les voitures et camionnettes, qui feront l’objet d’une proposition de révision l’été prochain, avant un réexamen de celles des véhicules utilitaires lourds. "Tout cela forme un tout avec, en plus du législatif, des mesures d’incitation", poursuit Herald Ruijters. Il cite l’important volet consacré aux infrastructures de transports dans le cadre de la seconde édition du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE-T 2021-2027), ainsi que le futur programme Horizon Europe qui touche de près au développement des voies navigables fluviales et de la filière hydrogène

Au-delà des émissions, penser aux usages

Intervenant dans le débat, l’ancienne secrétaire d'État aux Transports Anne-Marie Idrac a tenu à expliciter et resituer cet objectif européen en termes plus pratiques et proches de la culture des acteurs du terrain. "Difficile de décarboner le transport de marchandises sans décarboner les flottes de camions. Or, pour l’instant, elles le sont peu", tempère celle qui préside aujourd’hui l'association France Logistique. Le parc français s'élève à près de 300.000 camions. Un objectif évoqué, qui semble atteignable pour le ministère et la filière, est d’en verdir un millier d’ici deux ans. Un chiffre à comparer au rythme actuel de 20 à 30.000 immatriculations de camions français par an... Pour Pierre-Alain Roche, président de la section mobilités et transports du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), dans la stratégie européenne comme ailleurs, le problème est que "l’accent reste mis sur la réduction des émissions par véhicule et non celle de leur empreinte globale, ni la réduction de leur nombre". Le parc continue de croître, le partage de véhicules et le covoiturage prennent la crise de plein fouet : "Résultat, on s’éloigne du modèle d’une sobriété d'usage", ajoute-il. Aux stratégies centrées sur les changements d’énergie et de motorisation, les experts aimeraient en voir s’accoler d’autres sur les usages. Des usages qui sont en effet "très différents tant dans le transport de personnes que de marchandises", appuie Anne-Marie Idrac. 

Diversifier les sources de financement

Le député LREM des Bouches-du-Rhône Jean-Marc Zulesi, qui fut l’un des artisans de la loi d'orientation des mobilités (LOM), milite pour sa part en faveur d’"objectifs pragmatiques, apaisés" et pour que les régions cheffes de file sur ces questions s’associent étroitement dans la mise en œuvre de cette stratégie européenne. Avec David Valence, vice-président de la région Grand Est délégué aux transports, le co-président de France mobilités partage l’idée que le report modal reste au centre des enjeux et que le modèle de financement, d’entretien et de maintenance des infrastructures reste à repenser. "Cette stratégie présente le mérite de réfléchir sur un pas de temps nécessaire, incite à se projeter alors qu’en matière de politique d’infrastructures, nous n’avons plus en France les outils de planification adaptés aux délais de réalisation, qui sont de l’ordre de dix à vingt ans", précise l’élu vosgien. 
Revient ainsi, en pleine phase de crise des transports publics, ce serpent de mer de la diversification des sources de financement. Le vice-président du Grand Est relate à ce sujet le projet, soufflé par sa région à Philippe Duron dans le cadre de sa mission en cours sur l’avenir du modèle économique des transports en commun, de remplacer le versement mobilité et les actuelles sources de financement par la création d’un fonds dédié à l’ensemble des modes de transport. Ce fonds serait, sur le papier, alimenté par la réorientation des péages autoroutiers vers les régions quand prendront fin les contrats de concession et par une taxe régionale sur les autoroutes non concédées, évoquée selon David Valence dans le cadre du projet de loi 4D. D’autres sources sont à étudier, en lien avec le marché carbone (certificats d'émissions) ou encore avec les plus-values immobilières captées dans les zones desservies par des infrastructures de transport performantes.

 

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