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Copropriétés dégradées - Sylvia Pinel présente un plan de mobilisation 2015-2018 pour les copropriétés fragiles et en difficulté

Sylvia Pinel a présenté, le 13 octobre, un plan triennal de mobilisation pour les copropriétés fragiles et en difficultés couvrant la période 2015-2018. Le plan de mobilisation comprend trois axes : la prévention, le traitement et l'accompagnement des collectivités, partenaires privilégiées. Les objectifs sont de 15.000 logements financés par an sur la période 2015 à 2018, contre 11.200 en 2014. L'objectif est surtout de sensibiliser les collectivités aux bénéfices de la prévention.

Prévenir coûte moins cher que guérir. C'est un des messages adressé aux collectivités locales dans le plan de mobilisation pour les copropriétés fragiles et en difficulté, lancé le 13 octobre par Sylvia Pinel, lors des ateliers de l'Anah (Agence nationale de l'habitat). Le plan, qui sera piloté par l'Anah, ne comporte aucun nouvel outil ni aucune annonce de financement. C'est une mise en perspective de tous les outils existants, peu, pas ou mal utilisés aujourd'hui en faveur de la prévention et du traitement des copropriétés dégradées.

Le plan national sera décliné en plans régionaux en 2016

Le phénomène (voir notre encadré ci-dessous) ne peut plus être ignoré par les élus, dont beaucoup, notamment dans les villes moyennes et les petites villes, se disent "démunis" face à l'ampleur de la tâche. Un des trois objectifs du plan leur est dédié. Il s'agit d'"accompagner les collectivités locales", sachant que le premier objectif est d'"observer le parc de copropriétés et de prévenir sa dégradation" et le second de "traiter les copropriétés en difficulté".
Ces objectifs sont déclinés en 12 actions. Ils seront surtout déclinés au cours de l'année 2016 en "plan pluriannuels régionaux" par les services de l'Etat avec l'appui de l'Anah, en associant les élus locaux, les opérateurs et les professionnels de la copropriété. En amont, l'Anah prévoit à son agenda, d'ici à la fin de l'année 2015, de signer des conventions de partenariats avec quatre associations d'élus : l'Association des maires de France (AMF), l'Assemblée des communautés de France (ADCF), l'Association des régions de France (ARF) et l'Assemblée des départements de France (ADF).

Repérage à l'échelle de l'agglomération

Pour répondre au premier objectif de "mieux connaître les situations de fragilité et les prévenir", le plan prévoit trois actions. Il s'agit d'abord de développer localement, en général à l'échelle d'une agglomération, des outils de repérage des copropriétés, à partir notamment de l'outil statistique d'aide au repérage des copropriétés potentiellement fragile (voir notre encadré). L'outil existe depuis 2013, et peut-être n'est-il pas assez connu (voir notre article ci-contre Copropriétés dégradées : les élus ne pourront plus dire qu'ils ne savaient pas).
Le plan prévoit également de généraliser le dispositif de veille et d'observation des copropriétés (VOC) avec un premier objectif de 30 VOC en 2016 (contre 8 VOC aujourd'hui concernant 13.500 copropriétés) et de généraliser le dispositif de programme opérationnel de prévention et d'accompagnement des copropriétés (Popac) avec un objectif de 40 en 2016 (contre 24 aujourd'hui concernant 450 copropriétés). Ces outils coûtent en général entre 70.000 et 80.000 euros à mettre en place, dont la moitié est financée par l'Anah (*).
Ils permettent de déterminer s'il y a lieu d'engager des travaux et de le cas échéant de les échelonner mais aussi de réaliser le montage financier. Car plus on attend, plus les travaux coûtent chers. Le coût moyen des travaux est aujourd'hui de 50.000 euros par logement, mais combien aurait pu être évités ou considérablement réduits avec un bel outil d'observation et d'intervention rapide ?

60 millions d'euros d'aides en 2015

Pour l'année 2015, environ 15.000 logements seront financés par l'Anah pour un montant d'aides de l'ordre de 60 millions d'euros. Le contrat d'objectifs et de performance 2015-2017 signé entre l'Etat et l'agence l'été dernier (voir notre article du 3 juillet 2015), prévoit également un objectif de 15.000 logements pour les années 2016 et 2017. Un bond non négligeable puisque, en 2014, l'Anah avait distribué 50 millions d'euros pour aider le traitement de 11.200 logements en copropriétés dégradées. Le plan prévoit de mettre en œuvre deux dispositifs instaurés par la loi Alur et particulièrement adaptés au traitement des copropriétés dégradées situés dans les quartiers Anru 2 : la carence partielle (pour exproprier les parties communes le temps de porter leur redressement) et l'Orcod de droit commun (opération de requalification des copropriétés dégradés, particulièrement adaptée pour accompagner le traitement du bâti d'un projet d'aménagement à l'échelle du quartier).

Des interventions en quartier Anru

Tout cela était déjà bien décliné dans la convention de partenariat signé en mai dernier par l'Anah et l'Anru (voir notre article du 5 mai 2015). Il y était alors dit que parmi les 180 quartiers Anru 2 d'intérêt national situés en métropole, près de 90 devraient nécessiter une action conjuguée des deux agences. "En très grande majorité, il s'agit de copropriétés en difficulté situées dans des grands ensembles, et pour certains d'entre eux d'habitat indigne et dégradé dans des quartiers anciens", avaient alors précisé les signataires.
La carence partielle fera l'objet d'un appel à projets qui sera lancé par l'Anah en 2016. Les territoires couverts devront être situés en NPNRU. En revanche, toutes les collectivités peuvent initier une Orcod de droit commun (à distinguer des Orcod-IN d'intérêt national), même celles n'ayant pas de quartiers Anru, nous précise l'Anah.
A noter également que le plan prévoit d'expérimenter avec les bailleurs sociaux des outils adaptés à l'intervention dans des copropriétés mixtes (comportant des logements sociaux et privés).

Favoriser l'émergence de l'expertise locale

Le troisième objectif du plan vise à "accompagner les collectivités locales" et plus précisément à "animer et professionnaliser le pilotage d'un programme de prévention et de redressement d'une copropriété dans les territoires". L'expertise vient en partie de l'Anah mais pas seulement. Le plan rappelle ainsi la création en 2012 du Forum des politiques de l'habitat privé au sens où il "contribue à la construction d'une culture commune et donc à l'optimisation des pratiques des acteurs locaux".
Le plan entend en effet – et c'est l'intitulé de l'action n°7 – "favoriser l'émergence de l'expertise locale. Il veut également "aider les petites et moyennes villes, et les territoires ruraux à organiser l'ingénierie nécessaire à leur programme d'intervention en faveur des copropriétés fragiles ou en difficulté" (action n°8). Ce qui passe notamment par l'accompagnement à la mise en œuvre des dispositifs d'observation "pour leur permettre d'enclencher une action et de s'inscrire dans une démarche progressive de traitement.

Des aides dédiées aux Orcod de droit commun

Il est aussi question de mettre en place un plan de formation pour les acteurs locaux, en lien avec le CNFPT, l'Inset et l'ENPC, mais aussi de développer la thématique "copropriétés" dans les formations des écoles d'architecture et d'urbanisme (action n°9). Et d'une manière générale, le plan veut "améliorer la qualité de l'ingénierie" (action n°10), notamment en renforçant le financement des aides VOC et Popac ainsi qu'en créant des aides dédiées aux Orcod de droit commun.
Le plan prévoit naturellement de "partager la connaissance et les bonnes pratiques" (action n°11) et d'évaluer en continu les actions prévues dans le plan triennal (action n°12). A ce propos, le plan rappelle que l'Anah peut financer l'évaluation de chaque opération programmée à hauteur de 50%.
Si le plan est efficace, les repérages de copropriétés dégradées ou en voie de dégradation donneront lieu à des travaux. Et le ministère du Logement se doute bien qu'il faudra trouver des investissements supplémentaires - "nationaux et locaux", précise-t-il - pour les années suivantes. Ce sera peut-être l'objet du plan 2019-2022.

Valérie Liquet

(*) A signaler également que le registre d'immatriculation des copropriétés créé par la loi Alur devrait enregistrer ses premières immatriculations fin 2016. A terme, il fournira aux collectivités des données statistiques complémentaires, notamment sur la santé financière des copropriétés.

Les copropriétés dégradées en chiffres

Depuis 2013, les services déconcentrés de l'Etat disposent d'un outil statistique, mis à la disposition des collectivités, qui permet de repérer les copropriétés "dans une situation déjà dégradée ou risquant de l'être". Il apparait ainsi que, en 2011, sur 615.000 copropriétés, un peu plus de 100.000 seraient "fragiles". Soit 1 million de logements concernés sur 7 millions.
Entre 2006 et 2015, l'Anah a redressé 2.400 copropriétés, soit 140.000 logements. L'agence aura financé le redressement de 15.000 logements en copropriétés en 2015. C'est également l'objectif fixé pour les années 2016 et 2017.
L'outil statistique se fonde sur neuf critères : situation socio-économique des occupants (revenus des occupants, taux de ménages pauvres, taux de suroccupation, taux de familles monoparentales, taux de familles nombreuses) ; état du bâti (taux de logements de qualité médiocre), positionnement dans le marché (taux de vacances longue durée), capacité des propriétaires à faire face aux dépenses d'entretien (taux de propriétaires occupants sous le seuil de pauvreté), présence de propriétaires personnes morales de droit privé dans la copropriété (taux de personnes morales de droit privé parmi les propriétaires de logements locatifs privés occupés ou vacants).

V.L.
 

 

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