Risques naturels - Tempête Xynthia : la culture du risque fait encore défaut en France
Tempête Xynthia : la culture du risque fait encore défaut en France
Parmi les leçons que le ministre de l’écologie Jean-Louis Borloo, chargé de conduire le « plan digues » attendu pour juillet, a promis de tirer dès les prochains jours doit figurer un renforcement de culture de la prévention en France.
A la différence de la tempête Klaus, les principaux dégâts causés par la tempête Xynthia, dont le dernier bilan fait état de 53 morts, sont survenus suite à la submersion de digues et remblais côtiers et de leur rupture qui a engendré des inondations en Vendée et Charente-Maritime. Au fur et à mesure du recensement des dégâts matériels, les chiffres avancés par les assureurs gonflent et atteignent un montant comparable à celui de la tempête Klaus, à savoir plus d’un milliard d’euros. A la différence près qu’une grande partie de la facture sera prise en charge par l’Etat dans les départements où ont été pris des arrêtés de catastrophe naturelle, ce qui est le cas sur la côte atlantique. Le coût de renforcement des digues est par ailleurs connu. Selon le Centre européen de prévention des risques d’inondation (Cepri), un groupe d’expertise créé par des collectivités locales, il atteint un à deux millions d’euros par kilomètre de digue. Des dizaines de kilomètres de linéaire de digues ayant rompu dans certaines petites communes, il est évident qu’elles ne pourront supporter seules le coût de tels travaux. Le député-maire d’une commune plus importante comme La Rochelle, Maxime Bono, par ailleurs à la tête de la communauté d'agglomération rochelaise, ne s’en cache d’ailleurs pas et concède que même « à l'échelle d'une communauté d'agglomération, on ne peut rien faire de par l’ampleur des sommes à engager pour reconstruire ces digues datant pour la plupart de plus d’un siècle ».
Les carences de la culture de prévention
L’aide de l’Etat, dont le montant sera précisé dans le cadre du plan digues, sera donc déterminante. Pour être efficace, elle doit au préalable identifier qui sont les responsables de ces ouvrages, ce qui s’avère être un casse-tête car ils n’existent pas systématiquement ou bien relèvent d’une pléthore de particuliers, associations ou collectivités riveraines. Mais le recensement des digues - entamé il y a quinze ans et toujours pas terminé - et les travaux d’ordre hydraulique sont une chose, la réduction de la vulnérabilité des biens et des populations aux risques d’inondations en est une autre. A l’heure où, certes, de premiers travaux d’urgence s’imposent, cette distinction est à garder à l’esprit, car c’est là un des leviers de la stratégie française en matière de prévention des inondations. Le problème est que « ne pas réaliser de travaux de protection et des digues s’apparente à de l’inaction et que le coût politique d’une telle posture reste très difficile à assumer pour les élus locaux », pointait il y a un an un rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). A mi-parcours des programmes d'action de prévention des inondations (Papi), ce rapport en a relevé les lacunes, parmi lesquels un tropisme trop marqué en faveur de projets de travaux d'aménagement ou de rénovation, alors que les actions de prévention et de maîtrise de l’urbanisation sont trop souvent reléguées au second plan. Mais rassurer les habitants à coup de grands travaux a ses limites et ne rectifie pas le tir en termes de juste appréciation ni d’appropriation des risques par les habitants. Le revers de la médaille, dénoncé de longue date par les experts et les associations environnementales, consiste alors à conforter la population dans ce que le CGEDD dénomme un « déni du risque ». Or comme l’a déclaré Christian Kert, député des Bouches-du-Rhône et président de l'Association de prévention des catastrophes naturelles (Afpcn), « cette tempête a montré qu’il fallait agir et l’Etat pourrait d’ailleurs bien contraindre des communes à faire reculer certaines zones d’habitat. Mais une politique d’urgence et de secours ne suffit pas, on a surtout besoin d’une meilleure politique de prévention ». Dans son rapport parlementaire sur la sécurité des barrages et des digues publié il y a deux ans, il soulignait déjà « la nécessité d’impulser une nouvelle politique d’aménagement des digues ». Et citait à l’appui des actions exemplaires menées par les syndicats d’aménagement du de la Loire et du Rhône , qui « sont de nature à rassurer, mais ne doivent pas obérer la carence d’une politique d’ensemble sur ce réseau très « chevelu » de digues ».
Les outils pourtant existent
Cette politique d’ensemble repose sur un tandem qui a du mal se rôder : le rapprochement entre les Papi, qui sont portés par des structures de coopération de collectivités, et les Plans de prévention des risques d'inondations (PPRI) élaborés par les services de l'Etat, en association avec les collectivités concernées, est donc à renforcer, comme l’a d’ores et déjà préconisé le CGEDD. Pour qu’il le soit, encore faut-il que les seconds, qui prennent en moyenne trois ans à être mis en œuvre, soient finalisés dans les communes les plus exposés. Selon Jean-Louis Borloo, ministre de l’écologie, « 6.000 sont en place et il en faut 12.000, il y a donc encore du chemin à faire ». Ce retard a des conséquences : si des communautés des communes, dont il serait de la compétence d’œuvrer à réduire la vulnérabilité des biens et personnes, tardent parfois à agir au travers des Papi mis en place, c’est car elles préfèrent attendre les prescriptions que formulera l’Etat à travers le PPRI, ont ainsi observé sur le terrain des inspecteurs du CGEDD. A ce jeu du chat et de la souris s’ajoute un manque évident de moyens. Pour les syndicats intercommunaux qui les portent, les projets de Papi sont réputés lourds à assumer financièrement. Si bien que même si des actions d’information des populations ont parfois été intelligemment déployées, en s’appuyant notamment sur des sites internet et des cartographies, cet effort reste à ce jour insuffisant. En termes de description des risques d’inondations et d’information sur les consignes de sécurité à respecter, un outil commun existe, le document d’information communal sur les risques majeurs (Dicrim). S’il ne rencontre pas un franc succès, il bénéficie néanmoins d’une visibilité depuis quelques mois. En effet, une base de données (www.bd-dicrim.fr) recensant les 600 Dicrim transmis par les communes (sur les 15 000 concernées par des risques majeurs) permet de suivre la diffusion de cet outil, dont un département comme la Vendée ne semble par exemple s’être peu doté, contrairement à son voisin Loire-Atlantique.
Morgan Boëdec / Victoires éditions