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Accès aux soins - Tous les territoires ne sont pas égaux dans l'accès aux médecins de ville

On connaissait déjà les études sur les temps de trajet par rapport aux services hospitaliers (voir notre article ci-dessous du 25 février 2011). Mais la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux apporte, pour la première fois, une nouvelle information sur la réalité de l'accès aux soins de ville dans les territoires, avec une étude consacrée aux délais d'accès aux médecins libéraux, qu'ils soient généralistes ou spécialistes. Cette enquête, réalisée auprès d'un échantillon de 40.000 personnes, révèle des résultats finalement moins mauvais qu'on pouvait le craindre, même si les écarts sont importants entre territoires et entre spécialités médicales.

Pour l'accès aux généralistes, tout va bien... en moyenne

Le titre donné par la Drees à son étude résume bien cette réalité : "La moitié des rendez-vous sont obtenus en deux jours chez les généralistes, en 52 jours chez l'ophtalmologiste". Globalement, plus de 90% des patients qui prennent contact avec un professionnel obtiennent un rendez-vous. A défaut, ils se tournent vers un autre praticien (par exemple un autre médecin dans la même commune ou un généraliste au lieu d'un spécialiste). En revanche, ils font peu appel aux urgences hospitalières dans ces circonstances (seulement 3% des prises de contact qui n'ont pas abouti). De même, les Français jugent les délais pour obtenir un rendez-vous "rapides" ou "corrects" dans plus de huit cas sur dix (sauf dans les quelques spécialités présentant des délais très longs).
Le premier facteur discriminant réside en effet dans la distinction entre généralistes et spécialistes et, parmi ces derniers, entre les différentes disciplines concernées. Tous motifs de demande confondus (symptômes, suivi régulier, renouvellement d'une ordonnance...), le délai moyen est de 6 jours entre la prise de contact et le rendez-vous chez un médecin généraliste. Il faut toutefois rappeler qu'il s'agit là d'une moyenne nationale, qui recouvre des délais beaucoup plus longs dans certains territoires sous-dotés en professionnels de santé.

De forts écarts entre spécialités médicales

Les délais moyens sont en revanche beaucoup plus longs pour certaines spécialités médicales comme l'ophtalmologie (délai d'attente moyen de 80 jours), la dermatologie (61 jours), la cardiologie (50 jours), la gynécologie (45 jours) ou la rhumatologie (45 jours). Ils sont par contre nettement plus raisonnables dans d'autres disciplines comme la pédiatrie ou la radiologie (3 semaines pour chacune), ainsi que pour les chirurgiens dentistes (30 jours).
Ces moyennes nationales recouvrent elles-mêmes des écarts importants selon les territoires. Ainsi, chez les ophtalmologistes, si un quart des demandes de rendez-vous obtient satisfaction dans les 20 jours, un quart des rendez-vous n'ont lieu en revanche qu'après plus de 110 jours de délais (et même 10% après 189 jours, soit plus d'une demi-année...).
Il faut toutefois distinguer entre la demande de consultation pour un contrôle périodique, pour un suivi régulier d'une maladie ou d'un problème récurrent, ou pour l'apparition ou l'aggravation d'un symptôme. Pour les dermatologues, par exemple, le délai moyen est d'environ 65 jours dans le premier cas, environ 46 dans le second et environ 34 dans le troisième. En cas d'apparition ou d'aggravation d'un symptôme, le délai est quasi nul pour les généralistes et tombe à environ 20 jours pour les ophtalmologistes, 8 jours pour les gynécologues et 7 jours pour les chirurgiens-dentistes.

Délai maximum dans la périphérie des petits et moyens pôles

Sur le critère territorial - avec la question de la densité médicale qui explique l'essentiel des écarts constatés -, les résultats présentés par la Drees laissent un peu sur la faim. Ils ne comportent en effet pas de cartographie ou d'éléments géographiquement localisés. Mais il est vrai qu'il s'agit seulement d'une première exploitation des données collectées et que d'autres publications devraient suivre.
En attendant, l'étude met cependant en évidence l'existence de l'effet territorial. Il apparaît ainsi que l'accessibilité aux médecins (toutes disciplines confondues) est la plus faible dans les couronnes rurales des grands pôles, dans les communes hors influence des pôles et dans les périphéries des petits et moyens pôles.
Dans le cas des ophtalmologistes par exemple, le délai moyen d'attente pour un rendez-vous (tous motifs confondus) est de 29 jours dans l'unité urbaine de Paris (bien dotée en ophtalmologistes), de 71 jours dans les communes hors influence des pôles, de 76 jours dans les communes des grands pôles ruraux et de 97 jours dans les communes des petits et moyens pôles (les moins bien dotées).

L'APVF appelle le gouvernement à "changer de braquet"
Très mobilisée sur la question de l'accès aux soins, l'APVF (Association des petites villes de France) n'a pas manqué de réagir à la publication de l'étude de la Drees. Dans un communiqué du 9 octobre, elle juge les résultats de l'étude "alarmants" et constate que "c'est évidemment dans les petites villes que ce délai est le plus long" et que "la désertification médicale ne cesse de s'aggraver".
L'APVF "appelle donc le gouvernement à changer de braquet pour enrayer ce phénomène" et estime qu'"il faut très rapidement une réorganisation de l'offre de soins au profit des territoires les plus en difficulté, notamment en augmentant le nombre d'internes et, surtout, en allant au-delà de la simple incitation sur la question de l'installation des médecins". Elle repose donc "en conscience" la question de la régulation, "à laquelle les élus de tous bords sont de plus en plus favorables". En effet, aux yeux de l'APVF, "aussi intéressantes soient-elles, les 54 mesures présentées le 18 septembre dernier par le président de la République et la ministre de la Santé dans le cadre du plan 'Ma Santé 2022', seront insuffisantes".

 

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