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Accès aux soins - Crise de la démographie médicale : est-ce si sûr ?

La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux publie simultanément deux études - portant respectivement sur les médecins et sur les infirmiers - qui donnent une vision assez différente de celle du discours dominant sur la crise de la démographie médicale. Certes, il s'agit d'études macroéconomiques, qui ne disent rien de la réalité de tel ou tel territoire, notamment dans les zones rurales ou dans certaines zones périurbaines. Mais elles renvoient néanmoins une vision sensiblement moins pessimiste sur la situation et l'évolution des professions de santé. La Drees profite également de l'occasion pour mettre en ligne un outil permettant à chacun de procéder - à l'échelle régionale - à des simulations sur l'évolution de la démographie des professions médicales en fonction de plusieurs hypothèses.

Depuis 2012, le nombre de médecins a progressé deux fois plus vite que la population

Intitulée "Dix mille médecins de plus depuis 2012", la première étude montre qu'entre 2012 et le 1er janvier 2018, le nombre de médecins - tous modes d'exercice confondus - a progressé de 4,5%. Cette croissance est presque deux fois plus rapide que celle de la population sur la même période (+2,6%). Du coup, la densité médicale a progressé de 1,5%. La France compte désormais 226.000 médecins en activité. Les médecins généralistes représentent 45% du total et les spécialistes 55% (y compris les médecins hospitaliers). Parmi les spécialistes, les disciplines les plus représentées sont la psychiatrie (6,8% du total des médecins), l'anesthésie-réanimation (5,1%) et le radiodiagnostic et l'imagerie médicale (3,9%).
La principale surprise de l'étude vient toutefois du fait qu'"en matière d'accès aux médecins généralistes, les inégalités de densités départementales n'ont pas augmenté depuis les années 1980 et 98% de la population réside à moins de 10 minutes du généraliste le plus proche en 2016". Il existe néanmoins des disparités d'accès mais, selon la Drees, elles "ne sont pas liées à des disparités régionales, mais à des différences marquées selon le type d'espace". L'étude montre en effet que la part de la population vivant dans une commune sous-dense est de 24% pour les communes isolées hors influence des grands pôles, de 22,9% pour celles situées dans les couronnes rurales des grands pôles et de 18,9% pour celles des couronnes des moyens et petits pôles. A l'inverse, cette proportion n'est que de 1,1% pour les grand pôles hors unité urbaine de Paris et de 4,7% pour les moyens et petits pôles.
Ce portrait plutôt optimiste souffre toutefois quelques bémols. Tout d'abord, l'augmentation du nombre de médecins depuis 2012 a surtout bénéficié aux hôpitaux. Ensuite et surtout, l'étude de la Drees confirme le vieillissement des médecins, avec près d'un médecin en exercice sur deux âgé de plus de 55 ans et 30% âgés de plus de 60 ans. La question de leur remplacement - ou de la prolongation de leur activité - reste donc un enjeu crucial.

880.000 infirmiers en 2040

Intitulée "53% d'infirmiers en plus entre 2014 et 2040, une forte hausse qui répond à la demande de soins", la seconde étude de la Drees affiche une tonalité résolument optimiste. En effet, "dans l'hypothèse de comportements constants et d'un maintien des politiques en vigueur", la Drees prévoit une hausse de 53% du nombre d'infirmiers, pour atteindre un total de 881.000 infirmiers actifs en 2040. Cette hausse est d'autant plus significative que le nombre d'infirmiers a déjà augmenté de 70% entre 2000 et 2017, soit beaucoup plus vite que celui des médecins sur la même période (+17%). La densité d'infirmiers a ainsi progressé en moyenne de 3% par an, contre 0,6% par an pour la population. Elle est passée de 637 infirmiers pour 100.000 habitants en 2000 à 972 en 2016.
Sur la période 2014-2040, la progression du nombre d'infirmiers devrait continuer d'être "largement plus importante" que celle de la population, accroissant encore la densité des professionnels.
Même si les perspectives de la démographie infirmière sont très supérieures à celles de la démographie médicale, elles souffrent néanmoins un bémol. En effet, "le vieillissement de la population devrait susciter une hausse des besoins de soins comparable à celle du nombre d'infirmiers". A l'inverse, le nombre de personnes âgées a progressé moins vite que celui des infirmiers sur la période 2000-2016.
Par ailleurs - et comme les médecins -, les infirmiers devraient être confrontés à un phénomène de vieillissement, mais dans des proportions nettement moindres. L'âge moyen de la profession passerait ainsi, dans le scénario tendanciel, de 40,6 ans en 2014 à 42,7 ans en 2040, avec une hausse de la part des plus de 55 ans (de 14% à 18%) et une baisse de celle des moins de 30 ans (de 21% à 15%).
L'hôpital resterait le principal employeur d'infirmiers en 2040 (44% du total), les infirmiers en Ehpad ne représentant que 6% du total (comme en 2014). En revanche, la part des infirmiers salariés hors hôpitaux et Ehpad diminuerait (de 23% à 12%), au profit des infirmiers libéraux (de 14% à 23%).
Enfin, la répartition des infirmiers sur le territoire resterait inégale, dans des proportions voisines. L'ancienne région Limousin resterait ainsi la mieux dotée en termes de densité d'infirmiers, de même que Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Corse, Bretagne et Auvergne. La principale bénéficiaire des deux prochaines décennies devrait toutefois être la région Paca, qui atteindrait une densité supérieure de 20% à la moyenne nationale. A l'inverse, les régions Ile-de-France, Haute-Normandie, Poitou-Charentes et Pays de la Loire afficheraient des densités d'infirmiers de 10 à 20% inferieures à la moyenne nationale.

Faîtes votre simulation vous-même

En même temps que ces deux études, la Drees propose, dans le cadre de sa politique de Data Visualization, un simulateur en ligne sur l'évolution du nombre et de la densité des médecins. Cet outil propose une simulation par régions, reprenant le découpage des anciennes régions (ce qui n'est pas forcément le découpage le plus pertinent compte tenu des écarts entre zones urbaines, périurbaines et rurales).
Très riche, l'outil propose de procéder à des simulations en fonction de trois grands axes, qui peuvent être combinés. Le premier est celui des hypothèses de projection : niveau du numérus clausus médical (de 7.500 à 8.500, en passant par le scénario tendanciel de 8.000), âge moyen de cessation d'activité (scénario tendanciel identique à la situation actuelle et scénario à plus un an) et flux de médecins diplômés à l'étranger (zéro, 1.000 par an ou le scénario tendanciel de 1.500 par an).
Le second axe est celui de l'année de projection. Un curseur permet de choisir l'année de la simulation, entre 2018 et 2040. Enfin, le troisième axe est celui du type de médecins. Il est ainsi possible de sélectionner la population (tous les médecins, généralistes ou par spécialité), le mode d'exercice (libéral, salarié, exercice mixte ou remplaçant), la tranche d'âge et le sexe.
Pour chaque combinaison de facteurs, la carte affiche, pour chaque région, la densité médicale et l'effectif de médecins.

 

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