Environnement - Transition écologique : le Cese réclame un cadre financier pérenne
A quelques jours de la Conférence environnementale 2013, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a présenté ce 10 septembre un projet d'avis sur le financement de la transition écologique et énergétique qui appelle à mettre en place des solutions inscrites dans la durée. "Le financement de la transition écologique ne passe pas uniquement par le financement de politiques environnementales mais bien par la prise en compte des enjeux du changement climatique, de la biodiversité et de l'économie des ressources dans l'ensemble des politiques publiques et de leurs volets financiers", soutient Gaël Virlouvet, rapporteur du projet d'avis, présenté au nom de la section de l'économie et des finances du Cese.
Si certaines politiques environnementales comme l'eau ou les déchets bénéficient de financements dédiés et si des systèmes tarifaires incitatifs ont été mis en place dans le domaine de l'énergie, les autres politiques publiques intègrent selon lui très diversement les enjeux de la transition écologique. "Les aides de l'Etat à vocation économique ou sociale ne tiennent, dans la plupart des cas, pas compte des enjeux environnementaux alors qu'elles pourraient influer sur la transition écologique des différents secteurs", constate le rapporteur. Il note par contre des avancées du côté de certains acteurs publics – Caisse des Dépôts, bpifrance. De même, une partie des investissements d'avenir ont été orientés dans cette direction. Du côté des collectivités locales, l'approche transversale émerge aussi grâce à des dispositifs comme les Agenda 21 ou les plans climat énergie territoriaux. Le financement privé existe également de manière sectorielle mais se heurte encore systématiquement à la question du retour sur investissement, constate le rapport du Cese.
Mais, souligne-t-il, le financement de la transition écologique ne peut être dissocié du contexte économique et social actuel – budgets publics resserrés, taux de croissance proche de zéro, répercussions de la mondialisation sur la compétitivité des entreprises, augmentation du chômage, recul du pouvoir d'achat. Par conséquent, "les efforts consentis doivent être autant d'investissements en faveur de l'emploi, du bien-être et de la compétitivité. Leur répartition doit être équitable", insiste le rapporteur.
Perspective de long terme
Dès lors, "l'affirmation d'un horizon et d'un cap politique communs est essentielle pour réussir la transition écologique et mobiliser les financements nécessaires dans la durée", poursuit-il. Le Cese avait déjà appelé en 2010 à ce que la Stratégie nationale du développement durable soit conçue comme la "colonne vertébrale" de la politique du gouvernement. Il estime que la transition écologique doit aujourd'hui répondre à cette attente, à condition de l'assortir d'"un cadre financier pérenne, construit dans le dialogue avec les acteurs représentatifs". Il faut aussi selon lui renforcer la prospective en la matière, qu'il s'agisse de l'évaluation des financements nécessaires ou dans l'élaboration de scénarios macro-économiques de la transition.
Pour que celle-ci devienne "économiquement attractive", le Cese estime qu'il faut des "signaux-prix" cohérents avec une perspective de long terme. Le contexte socio-économique exige aussi des changements "inscrits dans la durée, progressifs et discutés pour donner aux ménages et aux entreprises une visibilité suffisante et garantir ainsi les conditions de l'arbitrage de leurs investissements". D'où sa proposition en faveur d'une progression significative de la part de la fiscalité écologique dans l'ensemble des prélèvements obligatoires. "Dans cet équilibre et s'agissant des ménages, une baisse de la TVA mérite d'être étudiée", ajoute-t-il. En outre, il juge nécessaire d'amplifier des aides spécifiques dans trois domaines : "la mobilisation des acteurs ; l'innovation, la recherche et le développement ; le déploiement d'infrastructures et l'amélioration de l'existant, y compris en ce qui concerne la biodiversité". Au niveau local, il appelle ainsi à poursuivre le financement des "outils de mobilisation territoriaux" que sont par exemple les plans-climat énergie territoriaux ou encore les plans et programmes de prévention des déchets et à prévoir de financer davantage les initiatives locales en faveur de la mobilité durable, de l'adaptation au changement climatique, de l'économie de matières premières ou encore de la préservation de la biodiversité. Au-delà, le Cese appelle à une "cohérence écologique de l'ensemble des aides publiques". Il invite ainsi l'Etat et les collectivités, notamment les régions, les départements et les intercommunalités, "à évaluer l'inscription des enjeux de la transition écologique dans l'ensemble de leurs investissements et de leurs contrats de et délégations pour permettre une mise en cohérence".
Faciliter l'accès au crédit
Troisième type de propositions : un accès au crédit facilité pour les investissements de la transition écologique (prêts bonifiés, refinancement à taux faibles, via notamment la Banque européenne d'investissement, mobilisation de la Banque publique d'investissement, etc.). Le Cese juge aussi nécessaire de construire des critères de référence permettant d'évaluer la pertinence environnementale des investissements. Les outils publics d'investissement peuvent aussi de leur côté mieux prendre en compte la transition écologique dans leurs objectifs et leur gouvernance. Le Cese préconise ainsi d'"étudier la possibilité d'accueillir les acteurs environnementaux représentatifs dans les organes d'orientation des lieux institutionnels, nationaux ou régionaux, où se décident les investissements, aux côtés des acteurs économiques et sociaux." D'autres propositions visent les épargnants privés pour faciliter là encore la "lisibilité écologique" de leurs choix d'investissement (labellisation officielle et instauration, au niveau national et régional, d'emprunts obligataires à vocation écologique, par exemple).
Le projet d'avis propose enfin de "développer des instruments financiers au service du bien commun et de la relance vers une nouvelle prospérité". Il préconise ainsi "une nouvelle étape des investissements d'avenir", orientée vers la transition écologique, "d'un niveau au moins égal à la première étape", souligne Gaël Virlouvet. Il recommande ensuite de développer "un système partenarial de financement de la transition écologique constitué de flux financiers dédiés dont la gouvernance associe les acteurs représentatifs". En dernier lieu, il appelle à la mobilisation de la création monétaire au niveau européenne pour financer les investissements de long terme de la transition.